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Le Canada doit accroître ses échanges avec l'Amérique latine, affirment des experts

durée 10h09
7 décembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Le Canada passe à côté d'occasions économiques dans son propre voisinage, déplore un nouveau rapport du Conseil canadien pour les Amériques.

Selon Janice Stein, une éminente experte en géopolitique, coresponsable du rapport intitulé «Au-delà de la construction», l'Amérique latine est négligée par le Canada, malgré sa proximité.

Les auteurs exhortent le premier ministre Mark Carney à aller au-delà de l'accent mis par son gouvernement sur la construction d'infrastructures essentielles pour travailler sur les relations existantes et les accords commerciaux dans l'hémisphère occidental.

«Malgré son engagement réduit, le Canada est toujours admiré [en Amérique latine et dans les Caraïbes], soutient Ken Frankel, président du Conseil canadien pour les Amériques. C'est une région où le Canada a sans doute laissé l'empreinte la plus importante et la plus profonde de son histoire».

Il ajoute que les entreprises et les gouvernements canadiens doivent cesser de considérer ces pays comme des exportateurs qui se font concurrence pour vendre des matières premières, et réfléchir à la manière de créer de la valeur économique.

Le rapport suggère de contribuer à renforcer les capacités de transformation dans la région pour les produits agricoles, tels que les oléagineux, afin de stimuler les exportations et de créer des emplois.

Le Canada pourrait également tirer parti de sa réputation en matière de cybersécurité pour offrir des services aux pays qui ne disposent pas des technologies modernes nécessaires pour lutter contre la fraude et les logiciels malveillants, selon le rapport.

Il pourrait également mieux surveiller ses ports afin de répondre aux préoccupations des pays étrangers concernant les stupéfiants et le crime organisé, avance Eric Miller, consultant à la tête du Rideau Potomac Strategy Group.

Il croit que le gouvernement canadien devrait s'efforcer de tirer le meilleur parti des relations existantes plutôt que d'essayer de créer de nouveaux liens avec des pays et des entreprises.

«Il ne s'agit pas tant d'architecture que de plomberie, plaide M. Miller. À l'heure où tout le monde poursuit une politique industrielle radicale, il faut mettre en place un ensemble de collaborations intelligentes qui permettent au Canada de vendre davantage dans la région et aux entreprises canadiennes et latino-américaines de monter ensemble des projets d'une manière inédite.»

Le rapport soutient que, dans sa recherche de nouveaux accords commerciaux en Asie, le Canada devrait s'appuyer sur les accords existants avec des marchés comme le Panama, le Chili et l'Équateur.

John Price, expert chez Americas Market Intelligence, a déclaré que le secteur minier canadien, en particulier, a besoin d'une réglementation plus favorable pour aider à convaincre l'Amérique latine que les entreprises canadiennes peuvent extraire les ressources de manière responsable.

«Après une décennie de dépassement des limites par Ottawa et un manque de soutien diplomatique pour l'ensemble de l'industrie minière à l'étranger, le moment est venu pour l'industrie minière canadienne de se relancer», souligne-t-il.

M. Price a ajouté qu'il fallait trop de temps pour ouvrir des mines au Canada, tandis que les gouvernements latino-américains se tournent vers les entreprises canadiennes pour une exploitation minière respectueuse de l'environnement, mais ont du mal à convaincre leurs électeurs urbains que ces entreprises ne sont pas de mauvais joueurs.

«Certains électeurs urbains associent l'exploitation minière à des pratiques sales, à de mauvaises conditions de travail. Il faut donc contrer cette image négative. Le Canada a fait ses preuves. Cela n'a pas été facile. Il a fallu des décennies d'erreurs et de corrections apportées par les parties prenantes locales aux méthodes d'exploitation des mines canadiennes.»

Des groupes comme Mines Alerte Canada ont fait valoir que le Canada ne surveillait pas suffisamment ses entreprises minières opérant à l'étranger, contrairement aux pays européens qui ont mis en place des plans d'action nationaux sur les droits de la personne.

M. Price propose aux entreprises canadiennes de s'engager dans des projets communs avec les pays d'Amérique latine sur des minéraux essentiels, comme le lithium.

«Ces gouvernements répondront positivement à une offre du Canada qui inclut non seulement l'exploitation minière, mais aussi la transformation et même la production de batteries», soutient-il, arguant que de nombreux pays souhaitent briser la domination de la Chine sur la transformation mondiale des éléments de terres rares.

Doug Saunders, journaliste spécialisé dans les questions migratoires, fait valoir que le Canada pourrait également réorienter ses politiques en immigration en attirant davantage de migrants permanents venant de pays ayant un surplus de main-d'œuvre instruite ou qualifiée dans les métiers et les professions liées au commerce.

Jonathan Hausman, président du conseil d'administration du Conseil canadien pour les Amériques, dit que les pays d'Amérique latine s'associeront à des pays offrant des avantages économiques à leurs électeurs.

«Ils envisagent un monde dans lequel il existe d'autres options», souligne-t-il.

Ottawa a promis une stratégie de diversification commerciale et le ministre du Commerce, Maninder Sidhu, a déclaré qu'il souhaitait conclure un accord commercial avec le bloc du Mercosur, qui comprend des pays qui n'ont actuellement pas d'accord commercial avec le Canada, comme le Brésil et l'Argentine.

En entrevue, Mme Stein dit que le Canada devrait tirer parti de la détérioration de la réputation des États-Unis en Amérique latine, due aux frappes ordonnées par le président américain Donald Trump contre des bateaux soupçonnés de transporter de la drogue dans la mer des Caraïbes et à ses déclarations sur un changement de régime au Venezuela.

Les Latino-Américains se méfient également des investissements chinois, qui s'accompagnent de prêts importants, d'une transparence limitée et de l'obligation d'embaucher des travailleurs chinois, ajoute-t-elle.

Selon Mme Stein, une bonne stratégie consiste à présenter au Canada des occasions de partenariat très concrètes avec la région.

Elle convient qu'une telle approche exigera du gouvernement canadien qu'il sélectionne ses marchés prioritaires et mette en relation les entreprises avec des occasions qui seront considérées localement comme mutuellement avantageuses.

«Il s'agit autant de rapidité que d'ampleur», lance Mme Stein.

Dylan Robertson, La Presse Canadienne

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