Le plan de CBC/Radio-Canada pour augmenter son auditoire serait ambitieux, mais vague


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — Selon des experts, le nouveau plan quinquennal de CBC/Radio-Canada pour accroître son auditoire offre une réponse à ses nombreuses critiques, mais il manque de précisions et pourrait être insuffisant et trop tard.
Plus tôt cette semaine, le radiodiffuseur public a publié un plan visant à accroître son auditoire en s'adressant aux enfants et aux jeunes, aux nouveaux arrivants et aux «non-utilisateurs ou utilisateurs insatisfaits».
La présidente de CBC, Marie-Philippe Bouchard, a expliqué à La Presse Canadienne lors d'une entrevue que le plan prévoit une nouvelle concentration sur les régions rurales et l'Ouest canadien grâce à une présence journalistique accrue sur le terrain.
Toutefois, pour rejoindre ce public éloigné, il faudra plus qu'une couverture locale améliorée, a souligné Peter Menzies, ancien vice-président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et ancien éditeur du Calgary Herald, aujourd'hui chercheur principal à l'Institut Macdonald-Laurier.
«Je pense qu'ils doivent s'assurer que, lorsqu'ils couvrent cette question, ils s'adressent aux gens avec un ton qui leur est familier», a-t-il expliqué à La Presse Canadienne.
«(Cela signifie que) si vous parlez aux gens de Moose Jaw, vous donnez l'impression de connaître Moose Jaw, a-t-il ajouté. Si vous n'êtes pas ancré dans votre communauté et que vous ne comprenez pas sa façon de penser, d'écouter et d'entendre les choses, vous ne réussirez pas.»
M. Menzies a expliqué que les petites communautés peuvent avoir des journalistes en début de carrière qui y travaillent pendant une courte période avant de migrer vers des marchés plus importants. Cela signifie que les responsables des salles de rédaction doivent «comprendre ces communautés et (…) s'assurer que les transitions se déroulent en douceur».
CBC doit également décentraliser la prise de décision en dehors de son siège social de Toronto, a-t-il ajouté.
«Il est très difficile pour quiconque à Toronto de prendre des décisions éclairées concernant les intérêts des téléspectateurs, des lecteurs et des auditeurs de l'Ouest canadien, et même des régions rurales de l'Ontario», a-t-il dit.
Un lien à bâtir avec le public
Marsha Barber, professeure de journalisme à l'Université métropolitaine de Toronto et ancienne productrice à CBC, a déclaré que le plus grand défi du radiodiffuseur public sera de rejoindre les Canadiens qui n'utilisent pas son service ou qui s'en sentent exclus.
Il devra «prioriser l'utilisation d'opinions et de voix diverses de partout au pays pour renforcer sa couverture», a expliqué Mme Barber dans un courriel, ajoutant que CBC devra être «très précise» quant à ce qu'elle fera différemment après ses précédentes tentatives d'accroître son auditoire.
M. Menzies a affirmé que le nouveau plan quinquennal de CBC pourrait arriver trop tard pour faire une différence.
«Les impressions s'incrustent profondément, et cela fait maintenant quelques années que cela dure (…) Une fois le lien rompu avec les gens dans les médias, il est très difficile de les reconquérir et je pense que ce sera extrêmement difficile», a-t-il ajouté.
Mais Jessica Johnson, chercheuse principale au Centre sur les médias, la technologie et la démocratie de l'Université McGill, a expliqué que CBC avait encore une chance de rejoindre un public plus large.
«Avec le journalisme local, et particulièrement le journalisme rural, il suffit d'être présent. Il suffit d'y mettre un organisme», a-t-elle dit.
Mme Johnson, qui a publié un rapport sur CBC cet été, a expliqué que ses recherches démontraient que plus de la moitié des Canadiens ne sont pas satisfaits de leurs options en matière d'information locale, et ceux qui vivent en milieu rural ou semi-rural le sont encore moins.
«C'est une solution tellement facile à mettre en œuvre, et la réinstallation de bureaux de journalisme locaux n'a pas besoin d'être si coûteuse», a-t-elle ajouté.
Une attention politique sans précédent
Le plan de CBC/Radio-Canada survient quelques mois après une élection qui a vu le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, promettre à plusieurs reprises de «définancer» CBC.
CBC/Radio-Canada a fait l'objet d'une attention politique sans précédent au cours des deux dernières années, a souligné Mme Johnson.
«Je constate que CBC/Radio-Canada entend vraiment les critiques qui lui ont été adressées», a-t-elle dit.
Mme Johnson a indiqué que si la stratégie est ambitieuse, elle est également vague. «Il manque clairement le comment et aussi (…) le combien», a-t-elle ajouté.
Bien que les libéraux aient promis d'augmenter le budget de CBC/Radio-Canada et de stabiliser son financement, le plan stratégique a été publié avant le dépôt du budget fédéral, qui aura lieu au début du mois de novembre.
Sarah Andrews, directrice principale des relations avec le gouvernement et les médias au sein du groupe de défense des droits Friends of Canadian Media, a convenu que CBC/Radio-Canada répondait à certaines des critiques formulées ces dernières années.
Elle a expliqué que le fait que le radiodiffuseur public soit conscient de la nécessité d'être plus présent dans les communautés, d'avoir plus de personnel sur place et d'envoyer plus de journalistes sur le terrain dans ces régions est une bonne chose.
Mme Andrews a indiqué qu'elle aimerait obtenir plus de détails, notamment sur les plans pour chaque communauté. Elle a souligné qu'après l'adoption de la Loi sur les nouvelles en ligne, qui a permis à CBC/Radio-Canada de recevoir une partie du fonds de 100 millions $ de Google, le radiodiffuseur a présenté son intention d'embaucher jusqu'à 30 journalistes dans 22 communautés.
Le nouveau plan quinquennal indique que le radiodiffuseur public prévoit «financer une couverture supplémentaire et embaucher suffisamment de journalistes pour couvrir 15 à 20 communautés de plus de 50 000 habitants, qui n'ont actuellement que peu ou pas de présence locale de CBC/Radio-Canada».
Mme Andrews a soutenu qu'«identifier les communautés qui n'ont pas de reportage local sur le terrain et établir un échéancier pour la présence des journalistes dans ces communautés serait certainement encourageant pour les communautés qui se sentent déconnectées».
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne