Le progiciel de SAP n'était pas le bon véhicule pour le projet SAAQclic


Temps de lecture :
3 minutes
Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Dès le départ, le choix du progiciel SAP pour réaliser le projet SAAQclic était voué à des dépassements de coûts parce qu’il n’était clairement pas adapté aux besoins de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ) et nécessiterait des ajustements majeurs.
Michel Dumas, l’ex-PDG de LGS, la filiale d’IBM qui développait le projet pour la SAAQ, a expliqué devant la commission Gallant, jeudi, que le logiciel de SAP était destiné, dans sa version générique, à des tâches beaucoup plus simples.
«Je ne veux pas caricaturer, mais le nom du module, ce n'est pas un module de gestion de permis, d'immatriculation. C'était un module de gestion. Ça s'appelle Plan and Maintenance en anglais. Il me semble que c'est pour de la gestion des pièces d'entrepôt. C'est sûr que quand tu regardes des processus, ça fait du sens. Je suis capable de «fitter» ce processus-là, je vais changer les noms, mais quand t'arrives dans les règles d'affaires précises, oh là tabarouette, on tombe dans d'autre chose.»
La veille, Michel Dumas avait indiqué qu’à son arrivée dans le projet, il avait constaté plusieurs anomalies et avait suggéré une remise en question de l’ensemble de la stratégie. Revenant sur cette affirmation, la procureure de la commission, Me Marie-Claude Sarrazin, lui a demandé s’il avait songé à renoncer à personnaliser le module de SAP. Il a répondu qu’il aurait probablement été préférable de développer un module à partir de zéro.
Les solutions du privé inadaptées au public
Michel Dumas, qui avait été vice-président aux technologies de l’information à ce qui était à l’époque la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST), avait dû interrompre un projet d’informatisation de l’organisme qui rencontrait trop de difficultés. Le problème, a-t-il dit, c’est que les exigences d’un organisme public n’ont rien à voir avec celles du secteur privé.
«L'expérience que j'avais vécue avec la modernisation, c'était exactement la même chose. (…) À partir du moment où tu essayes d'implanter un progiciel d'industrie dans des lois spécifiques au Québec, tu fais face au même défi. C'est la réalité, qu'on aime ou pas.»
Il a ainsi invoqué l’expérience de la CSST, mas aussi du ministère de Justice et celui de la Commission administrative des régimes de retraite (CARRA), dont le budget avait plus que doublé entre 2005 et 2009 et la mise en service avait été aussi retardée. Fait à noter, c’était encore une fois LGS qui était derrière ce projet d’informatisation.
Responsabilité de chacun
Me Sarrazin s’est aussi attardée aux discussions de médiation visant à aplanir des différends de plusieurs dizaines de millions de dollars entre la SAAQ et LGS, notant que les documents de LGS imputaient l’ensemble des dépassements et délais à la SAAQ. «Elle est où la part de responsabilité de LGS?», s’est interrogée la procureure.
Michel Dumas a souligné que IBM (LGS) «accepte son imperfection parce qu’elle assume une part du coût», des dépassements. Mais il a ajouté que puisque la SAAQ avait voulu conserver la maîtrise d’œuvre du projet et prenait toutes les décisions, elle assumait donc toute la responsabilité.
«Il y a des bouts où LGS n’a pas été parfait», a-t-il fini par concéder. «Oui, IBM a aussi des responsabilités.»
Explosion des heures
Dressant l’évolution des coûts, on a pu revoir que le contrat, qui prévoyait 876 000 heures de travail au coût de 107 millions $ en décembre 2019, parlait plutôt de 1,7 million d’heures au coût de 210 millions $ en octobre 2020, puis de 2,2 millions d’heures au coût de 299 millions $ en décembre 2021 et finalement de 3,4 millions d’heures pour une facture de 405 millions $ en décembre 2022.
Michel Dumas a imputé cette explosion des besoins d’heures travaillées et, donc, des coûts, surtout à la COVID, qui avait provoqué un réaménagement complet du travail et les reports du projet, qui obligeaient le maintien des effectifs.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne