Les aliments sucrés et salés sont moins chers que leurs équivalents «santés»


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Les aliments emballés transformés, tels que le pain ou les grignotines, riches en sel et en sodium, sont moins chers que leurs équivalents plus sains, rapporte une étude réalisée par une équipe de chercheuses de l'Université Laval.
Pour évaluer la qualité nutritionnelle des aliments, les chercheuses se sont fiées au symbole nutritionnel «Élevé en» de Santé Canada, qui devra être obligatoirement sur le devant des emballages des produits concernés à partir de janvier 2026. Ce symbole concerne les produits qui sont riches en gras saturés, en sucre et en sodium.
«Dans les catégories d'aliments qu'on a observées, les produits qui étaient riches en sucre et en sodium étaient souvent les moins chers dans leur catégorie d'aliment», a expliqué Isabelle Petitclerc, candidate au doctorat en nutrition à l'Université Laval et nutritionniste, qui a participé à l'étude.
«Ces aliments-là sont jugés moins nutritifs comme ils ont le symbole nutritionnel et ils sont aussi plus abordables», a-t-elle précisé.
Mme Petitclerc a indiqué que la littérature scientifique démontre déjà que bien manger coûte souvent plus cher. Elle a souligné que les études comparent fréquemment l'alimentation globale et qu'un nombre plus faible d'entre elles se penchent sur des catégories d'aliments.
Sachant que le prix est l'un des facteurs qui affectent les choix alimentaires des consommateurs, les chercheuses se sont intéressées aux différences de prix entre les meilleures et moins bonnes options nutritives au sein de catégories d'aliments.
Leur étude, qui a été publiée dans la revue Public Health Nutrition en août dernier, s'est ainsi penchée sur les pains tranchés, les céréales à déjeuner, les grignotines, les produits de fromage, ainsi que les biscuits et les galettes.
Ces cinq catégories ont été sélectionnées, car, selon l’Observatoire de la qualité de l’offre alimentaire, ce sont celles qui contribuent le plus aux apports en sucre, en gras saturés et en sodium de la population québécoise, a précisé Mme Petitclerc.
Pourquoi ces aliments «moins bons pour la santé» sont-ils moins chers que leurs équivalents plus sains? La réponse résiderait dans le choix des ingrédients pour les aliments riches en sucre et en sel. Toutefois, les gras saturés représentent l'exception à la règle, car les produits riches en gras saturés sont plus dispendieux.
«Notre hypothèse, c'est vraiment que ça va dans le choix des ingrédients, puis les méthodes de préparation. Comme le sucre, le sodium, ce sont souvent des ingrédients qui sont moins chers, ça explique pourquoi les produits, qui sont souvent riches en ces ingrédients-là, vont également être moins chers», a dit la nutritionniste.
«Venir remplacer ces aliments-là, c'est plus coûteux pour une entreprise, parce qu’on est habitués à avoir le goût sucré, le goût salé. Venir remplacer, ça demande quand même des efforts parce qu’il faut que le consommateur trouve que le produit est goûteux en ayant moins de ces nutriments-là.»
De possibles inégalités entre les consommateurs
Même si les Canadiens ont pu commencer à voir apparaître le symbole «Élevé en» sur certains de leurs produits, puisque la réglementation a été adoptée en 2022, les entreprises devront obligatoirement l'afficher à partir du 1er janvier 2026.
L'arrivée du symbole pourrait toutefois mettre en lumière des inégalités entre les consommateurs à plus faibles revenus et ceux aux revenus plus élevés.
«Notre crainte, si on peut dire, c'est qu'avec la venue du symbole nutritionnel, ça va faciliter les choix les plus nutritifs pour les personnes qui peuvent se permettre de faire ces choix-là», a dit Mme Petitclerc.
«Quelqu'un qui a les moyens peut se permettre peut-être de changer l'aliment qu'il est habitué de consommer pour y aller avec une option qui peut être un peu plus coûteuse, mais qui est plus nutritive, alors qu'on sait que ce n'est pas le cas pour tout le monde qui peut se permettre de choisir des aliments selon leur valeur nutritive et non selon le prix», a-t-elle ajouté.
Mme Petitclerc poursuivra ses recherches sur le prix des aliments, puisque des changements quant à la classification des aliments pourraient subvenir avec l'arrivée officielle du symbole. Par exemple, des compagnies pourraient choisir de modifier la composition de leurs aliments pour éviter l'apposition du symbole.
«Ça se peut que certains produits n'aient finalement plus le symbole. Puis, ça rajoute un autre enjeu au niveau du prix, parce qu’on sait que la reformulation, ça représente un certain coût pour les entreprises. Donc on veut également voir si des aliments qui ont été reformulés sont peut-être un peu plus chers qu'ils ne l'étaient avant», a expliqué la chercheuse.
Et c'est avec des recherches à plus long terme que les chercheurs pourront proposer des solutions dans le but de réduire les inégalités entre les consommateurs concernant l'accès à une alimentation saine.
«C'est en ayant plusieurs données qu'on va pouvoir avoir ce qu'on appelle les données probantes pour faire des actions vraiment plus au niveau politique. Donc, c’est vraiment ce que ça va prendre pour améliorer la situation», a soutenu la nutritionniste.
Elle a évoqué que, par exemple, il serait possible de donner des coupons aux populations plus défavorisées pour faciliter l'achat d'aliments nutritifs, ou bien d'instaurer des taxes sur les aliments moins nutritifs.
Coralie Laplante, La Presse Canadienne