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Les benzodiazépines dégradent le sommeil des aînés

durée 10h00
13 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTREAL — Les benzodiazépines, un médicament couramment prescrit au Québec pour l'anxiété et l'insomnie, ne sont pas du tout bénéfiques à long terme sur la qualité du sommeil des personnes âgées. Au contraire, le sommeil des aînés se dégrade et le risque de chute augmente, démontre une récente étude dirigée par des chercheurs de l’Université Concordia.

Parmi les marques les plus connues de médicaments appartenant à la classe des benzodiazépines, il y a le Valium, le Xanax et l'Ativan.

L’utilisation de benzodiazépines et d’agonistes des récepteurs des benzodiazépines (BZRA) peut affecter les rythmes cérébraux pendant le sommeil, ce qui joue un rôle important pour la consolidation de la mémoire et la santé cognitive chez les adultes âgés de 55 à 80 ans.

Pour arriver à ces résultats, les chercheurs Thanh Dang-Vu et Loïc Barbaux ont étudié 101 personnes âgées réparties en trois groupes: les bons dormeurs, les personnes souffrant d’insomnie et les personnes souffrant d’insomnie et faisant un usage chronique de benzodiazépines ou de BZRA (en consommer au moins trois fois par semaine depuis plus de trois mois).

Pour la population adulte générale, «il n'y a pas vraiment de drapeau rouge», indique Loïc Barbaux, auteur principal de l’étude et doctorant au département de santé, kinésiologie et physiologie appliquée à l'Université Concordia. Les jeunes adultes peuvent prendre ces médicaments de manière sûre pour traiter l’anxiété et l’insomnie, mais surtout pour de courtes durées.

«Par contre, dès qu'on passe la barre des 65 ans, l'Association américaine de gériatrie ne recommande absolument pas leur consommation, que ce soit à court terme ou long terme spécifiquement pour l'augmentation des effets néfastes autour de leur utilisation. Chez les adultes, il n'y a pas ces restrictions, mais on sait quand même que ça peut être menaçant pour leur usage. Tout dépend de la durée et de la dose de leur consommation», détaille M. Barbaux.

L'étude, publiée dans la revue médicale Sleep, pointe également l'effet addictif de ces médicaments. Ils peuvent apporter des symptômes de sevrage si les patients arrêtent de les prendre brusquement. «Ça va être par exemple des tremblements, une augmentation des risques de chute et c'est pour ça que l'on considère que chez des populations plus âgées, ça peut être très menaçant compte tenu des conséquences d'une fracture de la hanche, par exemple, dans cette population», souligne M. Barbaux.

Heureusement, les professionnels de la santé semblent être moins enclins à les prescrire, selon des données de l'Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). Pour la période de 2012 à 2022, la proportion de personnes de 65 ans et plus faisant usage de médicaments potentiellement inappropriés a diminué de manière statistiquement significative au Québec, passant de 49,0 % à 45,0 %. Cette diminution s’explique principalement par la baisse de la prévalence de l’usage des benzodiazépines, qui est passée de 28,4 % à 16,7 %.

Restaurer la qualité de sommeil progressivement

Les personnes qui consomment des benzodiazépines rapportent à court terme une augmentation subjective de la qualité de sommeil, soutient M. Barbaux. «Nous, on allait voir l'aspect objectif de la qualité de sommeil, vraiment la structure du sommeil elle-même, dit-il. C'est toujours important de distinguer l'aspect subjectif du sommeil, ce que les patients vont rapporter, et l'opposer à leur qualité de sommeil objective.»

Le sommeil des participants de l'étude a été observé à l’aide d’une polysomnographie de nuit, qui mesure la structure globale du sommeil, l’activité des ondes cérébrales et les oscillations importantes.

«Puis là, on s'est rendu compte qu'il y a une vraie différence. Malheureusement, ça n'a pas les effets qu'on voudrait. On voudrait que ça améliore la qualité de sommeil. En réalité, on va dans le sens d'une dégradation de certains paramètres qui sont importants, notamment pour la mémoire et la santé cognitive», explique M. Barbaux.

Les résultats ne montrent pas de différence pour le sommeil paradoxal. «C'est comme si la consommation de ces médicaments n'affectait pas la durée de ce stade de sommeil en particulier, commente le chercheur. Par contre, on a mesuré une forte diminution du sommeil profond, généralement présent dans la première partie de la nuit. On a vraiment constaté une réduction de ce stade de sommeil qui est lié à la consolidation de la mémoire.»

Pour remplacer l'utilisation des benzodiazépines, il existe des alternatives, comme la thérapie cognitivo-comportementale. «Cette intervention, couplée au sevrage des médicaments, a montré qu'on avait une restauration de la qualité du sommeil», mentionne M. Barbaux.

Selon lui, il reste encore beaucoup de recherches à faire pour comprendre comment restaurer la qualité de sommeil de la population aînée, qui est d'ailleurs particulièrement atteinte par des symptômes de troubles d'insomnie.

«Le vrai défi, dit-il, ça va être de trouver une intervention spécifique dans cette population pour à la fois toucher la composante subjective, mais aussi la composant objective du sommeil.»

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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