Les entreprises de télécommunications traditionnelles se penchent sur l'IA souveraine


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Les entreprises de télécommunications traditionnelles du Canada se disputent une part du gâteau de la «souveraineté numérique» du gouvernement fédéral en matière d'intelligence artificielle (IA).
Parmi les milliers de dirigeants d'entreprise et de spécialistes des technologies présents à la conférence «All In», mardi à Montréal, se trouvait Mirko Bibic, président et chef de la direction de Bell Canada.
Assis derrière un bureau de Bell entouré de kiosques représentant des entreprises technologiques, des gouvernements et des institutions de recherche, M. Bibic a déclaré à La Presse Canadienne qu'il était à Montréal pour faire savoir que son entreprise est pleinement présente dans le domaine de l'IA.
Avec un «environnement géopolitique» en pleine mutation, la souveraineté devient «extrêmement critique», a soutenu M. Bibic.
Cela inclut la souveraineté numérique, un principe que le ministre de l'Intelligence artificielle, Evan Solomon, a défini dans son discours d'ouverture de la conférence comme une économie numérique «que personne d'autre ne peut décider d'éteindre».
La souveraineté numérique n'a pas de définition officielle, mais elle intègre souvent l'idée de construire une infrastructure numérique et de stocker des données au sein d'un pays.
M. Bibic a affirmé que la souveraineté numérique comportait de multiples composantes, notamment la «capacité de calcul pour l'IA» — la technologie qui permet aux systèmes d'intelligence artificielle d'effectuer des tâches — ainsi que le stockage des données, la mise en réseau, la confiance et la sécurité.
Lorsque le premier ministre Mark Carney a annoncé la création du nouveau Bureau des grands projets, chargé de superviser l'accélération des projets d'édification nationale, il a ajouté la création d'un «nuage souverain» à sa liste de tâches.
Un nuage souverain est un environnement informatique que les entreprises utilisent pour exécuter des services qui peuvent être configurés pour se conformer aux lois ou aux valeurs fondamentales d'un pays donné.
L'«écosystème technologique canadien» doit être au cœur de la stratégie de souveraineté numérique d'Ottawa, a fait valoir M. Bibic.
Cela inclut tous les éléments de cet écosystème, a-t-il précisé, y compris «les grandes entreprises comme Bell, souveraines par définition, souveraines par l'histoire et qui ont toujours fait partie intégrante du tissu économique canadien».
Bell a annoncé en mai son projet de Réseau d’IA tissé, qui verra l'entreprise ouvrir six centres de données d'intelligence artificielle en Colombie-Britannique dans le cadre d'un plan visant à créer le plus grand projet de calcul pour l'IA au Canada.
En juillet, Bell a dévoilé un partenariat avec l'entreprise d'intelligence artificielle Cohere afin de fournir des solutions d'IA souveraines de bout en bout aux gouvernements et aux entreprises du Canada. Cohere offre ses services d'IA via le Réseau d’IA tissé de Bell, tandis que Bell intègre North, la plateforme d'IA agentique de Cohere (un système d'IA autonome qui prend des décisions proactives), à son Réseau.
M. Bibic a expliqué que, lorsque Bell a annoncé le projet de Réseau d’IA tissé, le ministre Solomon a encouragé l'entreprise à s'impliquer dans l'écosystème technologique canadien et l'a mis en contact avec Aidan Gomez, PDG de Cohere.
«Cela a suscité un dialogue entre nous et nos équipes de direction, qui a finalement abouti assez rapidement», a expliqué M. Bibic.
Un contexte imprévisible
Bell n'était pas la seule entreprise de télécommunications traditionnelle à avoir un kiosque lors de la conférence sur l'IA.
Le deuxième jour de la conférence, Telus a annoncé ce qu'elle a appelé dans un communiqué de presse le premier centre d’IA souveraine au Canada.
Il s'agit d'une installation qui offre des capacités d'IA à ceux qui souhaitent les utiliser, a expliqué Jaime Tatis, vice-président principal et chef de l'IA chez Telus. Il a ajouté qu'il s'agissait d'une extension de ce que son entreprise fait depuis des décennies.
«Quand on pense aux réseaux sans fil, c'était le câble avant, la fibre maintenant (…) c'est la continuité de la façon dont nous construisons l'infrastructure technique du pays», a-t-il déclaré.
M. Tatis a affirmé que la souveraineté allait toujours être un «ingrédient essentiel» du travail de son entreprise en IA, mais l'évolution du contexte géopolitique l'a mise sur le radar «beaucoup plus vite que prévu».
M. Bibic s'est dit «plutôt encouragé» par l'approche du premier ministre Carney en matière de télécommunications, de radiodiffusion et de politique numérique, y compris l'intelligence artificielle.
«Je vois un gouvernement qui veut saisir l'occasion, ce qui signifie (…) avoir la bonne vision et agir vite, a-t-il soutenu. Et jusqu'ici, tout va bien.»
La conférence sur l'IA s'est clôturée par un discours de la ministre traditionnellement responsable du dossier des télécommunications.
«Nous savons que les anciennes alliances que nous tenions pour acquises ne fonctionnent plus forcément, a indiqué la ministre de l'Industrie, Mélanie Joly, à l'auditoire. Aujourd'hui, de nouvelles alliances se forment et nous devons veiller à ce que la vigueur économique nationale redevienne une priorité.»
«C'est là que vous intervenez, car nous avons besoin de croissance économique. Et l'IA est au cœur de cette croissance économique. Nous devons veiller à ce que, même si l'imprévisibilité demeure et que ce sera notre réalité, nous puissions continuer à collaborer sur ce que nous pouvons contrôler.»
— Avec des informations de Sammy Hudes
Anja Karadeglija, La Presse Canadienne