Nous joindre
X
Rechercher
Publicité

Les influenceurs prennent une ampleur politique élevée sur cinq grandes plateformes

durée 17h13
13 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
durée

Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — Plus des deux tiers des jeunes Canadiens interagissent avec du contenu politique provenant d’influenceurs. Une étude indique d'ailleurs que les influenceurs ont une portée nettement supérieure à celle des médias et des politiciens sur cinq grandes plateformes de médias sociaux.

Une part importante du contenu politique que les Canadiens consultent sur les principales plateformes «provient directement des influenceurs», affirme le rapport de l’Observatoire de l’écosystème médiatique, une initiative conjointe de l’Université McGill et de l’Université de Toronto.

L’étude porte sur les publications de particuliers et d’institutions sur X, Instagram, TikTok, YouTube et Bluesky. Elle n’a pas examiné ni comparé la portée sur les sites web, les autres plateformes en ligne ou les plateformes traditionnelles.

Les chercheurs précisent avoir recensé 1097 influenceurs et collecté 4,1 millions de leurs publications entre janvier 2024 et juillet 2025 sur cinq plateformes de médias sociaux. Durant cette période, les politiciens ont publié 1,1 million de messages, tandis que les médias en ont publié 2,8 millions. «On peut affirmer que les Canadiens connectés sont plus susceptibles de voir une opinion politique exprimée par un influenceur politique que par un politicien, par exemple», a dit Zeynep Pehlivan, responsable du suivi numérique à l'Observatoire de l'écosystème médiatique.

Selon Mme Pehlivan, nous assistons à un transfert structurel du pouvoir des institutions, comme les partis politiques et les médias, vers les individus présents sur les médias sociaux.

Une volonté de s'informer sur des sujets qui les intéressent

Le rapport intègre les résultats d'un sondage mené auprès de Canadiens et analyse des millions de publications en ligne.

Dans l'ensemble, 42% des Canadiens interrogés ont déclaré interagir avec ceux qu'ils considèrent comme des influenceurs sur des sujets politiques. Ce pourcentage était plus faible chez les Canadiens de plus de 55 ans, à seulement 32%.

Lorsque les chercheurs ont additionné le nombre de publications sur les cinq plateformes, provenant d'influenceurs, de médias et de politiciens, l'activité des influenceurs représentait environ la moitié du total. Ils représentaient également 62% de l'engagement, mesuré par les mentions «J'aime».

«Les médias, les partis politiques et les groupes de défense des intérêts n'atteignant plus autant de personnes qu'auparavant, l'influence passe des institutions aux individus», conclut le rapport.

Interrogés sur les raisons de leur interaction avec le contenu des influenceurs, les participants au sondage ont le plus souvent expliqué vouloir rester informés de l'actualité ou s'informer sur des sujets qui les intéressaient.

Le sondage en ligne a été mené auprès de 1431 Canadiens entre le 28 août et le 3 septembre 2025. Le Conseil canadien de la recherche et des études, organisme professionnel du secteur des sondages, précise qu'il est impossible de calculer une marge d'erreur pour les sondages en ligne, car ils ne reposent pas sur un échantillonnage aléatoire de la population.

Les chercheurs ont défini les influenceurs politiques comme des individus ou des groupes qui produisent régulièrement du contenu politique et qui sont en mesure d'influencer l'opinion publique.

Un rapport antérieur de l'Observatoire de l'écosystème médiatique, portant sur les élections fédérales de 2025, avait révélé que les influenceurs étaient les plus actifs en termes de fréquence et de volume de publications en ligne et qu'ils suscitaient le plus d'engagements.

La définition d'un influenceur

Ce rapport utilisait la même définition d'influenceur que celle employée dans le rapport publié jeudi. Aengus Bridgman, directeur de l'Observatoire de l'écosystème médiatique, a énoncé lors d'une entrevue précédente que le rapport définissait les influenceurs politiques comme des personnes comptant au moins 10 000 abonnés et dont le contenu est composé aux deux tiers de politique, principalement de politique canadienne.

Bien qu'il ait indiqué que la frontière entre un journaliste ou un chroniqueur et un influenceur soit «très floue», la distinction réside dans l'utilisation qu'ils font de leurs comptes.

M. Bridgman a exposé qu'un journaliste qui n'utiliserait sa présence en ligne que pour parler de son travail journalistique ne serait pas considéré comme un influenceur, mais qu'il pourrait l'être s'il allait plus loin, par exemple en proposant des commentaires plus généraux.

Cette définition englobe des chroniqueurs et commentateurs politiques de longue date, comme Andrew Coyne et Chantal Hébert, ainsi que Warren Kinsella, qui a travaillé auprès de l'ancien premier ministre Jean Chrétien, et le sondeur Bruce Anderson.

Elle inclut également des influenceurs qui publient sous les pseudonymes BertaProudDad et Quick Dick McDick. Parmi les autres exemples d'influenceurs cités dans le rapport, on retrouve Keean Bexte (ancien employé de Rebel News), l'actrice Lucie Laurier (qui s'est opposée au port du masque pendant la pandémie de COVID-19), la militante LGBTQ+ Fae Johnstone et Pam Palmater, professeure et titulaire de la chaire de gouvernance autochtone à l'Université métropolitaine de Toronto.

Un engagement plus élevé sur des sujets «riches en commentaires»

Le rapport montre des variations au sein de cette tendance générale. Il signale que si les influenceurs ont «mené la conversation» lors des élections de 2024 en Colombie-Britannique, ce ne fut pas le cas lors de la campagne de 2025 en Ontario.

Le rapport précise également que les influenceurs étaient largement absents des discussions sur la politique locale, largement dominées par les médias d'information.

Les influenceurs suscitent le plus d'engagements sur les sujets que le rapport qualifie de riches en commentaires.

«Les sujets abordés incluent les dénonciations et les moqueries, la critique des médias et du journalisme, ainsi que Donald Trump et les relations canado-américaines», indique le rapport.

Les médias d'information, les organisations de la société civile et le gouvernement ont quant à eux publié davantage de messages sur des sujets tels que les événements météorologiques, les feux de forêt, la criminalité et la sécurité publique. Le rapport ajoute cependant que «même dans ces espaces (…) le nombre d’engagements penche généralement en faveur des influenceurs, ce qui montre que le public valorise toujours les commentaires qui viennent enrichir les reportages».

Le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a invité des influenceurs spécialisés en finances personnelles à l’événement médiatique marquant le lancement du budget fédéral. Un porte-parole du ministre des Finances, François-Philippe Champagne, a confirmé que des influenceurs étaient également présents lors du lancement du budget 2025 la semaine dernière.

Jessica Eritou, qui travaillait au cabinet du ministre des Finances en 2023, année où les influenceurs ont été conviés pour la première fois, a exprimé dans une entrevue le mois dernier que l’objectif était de diffuser l’information sur le budget fédéral de plusieurs façons.

«On peut faire une annonce politique un mardi à 11h00 en espérant qu’elle soit diffusée à la télévision par quelqu’un entre deux rendez-vous chez le dentiste, a expliqué Mme Eritou. Ou bien, on peut partager (…) l’information avec un créateur de contenu que les gens recherchent et regardent activement pendant leur temps libre, et dont ils suivent naturellement le contenu.»

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne

app-store-badge google-play-badge