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Les produits qui remplacent les BPA ne seraient guère meilleurs pour la santé

durée 10h59
8 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Certains produits utilisés pour remplacer le bisphénol A dans les emballages alimentaires pourraient être toxiques pour les cellules humaines, prévient une étude publiée par l'Université McGill.

Les chercheurs ont notamment constaté que l'exposition en laboratoire de cellules ovariennes à ces produits entraînait chez elles l'accumulation de gouttelettes de gras et perturbait l'activité des gènes qui aident les cellules à croître et à réparer leur ADN.

Même si plusieurs recherches seront encore nécessaires pour prendre la pleine mesure de la situation, il faut pour le moment retenir que les produits annoncés «sans BPA» ne sont pas pour autant sans danger pour la santé, a souligné le coauteur principal de l'étude.

«Dans nos études jusqu'à date, on a trouvé que presque tous les produits qui remplacent le BPA sont au moins aussi toxiques ou plus toxiques que le BPA», a résumé le professeur Bernard Robaire, du département de pharmacologie et de thérapeutique et du département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université McGill.

«Sans BPA», a-t-il précisé, signifie simplement que ce bisphénol a été remplacé par un autre. Or, il existe plus de 200 types de bisphénol; les entreprises ne sont pas tenues de démontrer que la substance avec laquelle elles remplacent le BPA est plus sécuritaire; et «elles n'ont aucune obligation de divulguer le produit qui est utilisé».

L'utilisation du bisphénol A est restreinte au Canada puisqu’il a été lié à des problèmes de fertilité, de développement précoce et de métabolisme. Son utilisation est carrément interdite dans les biberons.

Le bisphénol S, qui le remplace, est toutefois lui aussi un perturbateur endocrinien, à savoir un produit chimique dont l’effet imite celui des hormones humaines.

Lors de la nouvelle étude, les cellules ovariennes ont été exposées à quatre substances chimiques couramment utilisées en remplacement des BPA dans les étiquettes de prix apposées sur les emballages de viande, de poisson, de fromage et de fruits et légumes: TGSA, D-8, PF-201 et BPS. Le TGSA et le D-8 ont été particulièrement responsables de l'effet observé sur les cellules.

Cela ne signifie pas pour autant que ces produits sont nocifs pour la santé, a précisé le professeur Robaire, mais il faudrait certainement les étudier plus en profondeur avant qu'ils ne soient adoptés plus largement, notamment pour documenter leur impact sur d'autres cellules du corps.

«Les quatre remplaçants avaient des effets nettement plus forts que le BPA ou le BPS», a-t-il rappelé.

Cette nouvelle étude découle de travaux publiés en 2023 par le professeur Stéphane Bayen, du département des sciences des aliments et d’agrochimie McGill.

Le professeur Bayen et ses collègues avaient à ce moment analysé un vaste éventail d’aliments frais emballés, des viandes aux produits de boulangerie, en passant par les fromages et les légumes.

Ils avaient trouvé des concentrations relativement élevées de BPS dans les autocollants sur lesquels les prix sont imprimés par transfert de chaleur. La quantité décelée dépassait grandement la valeur limite autorisée par l’Union européenne pour les substances provenant des emballages qui sont en contact avec des denrées alimentaires.

Le professeur Bayen a ensuite fait équipe avec des collègues spécialisés en toxicologie de la reproduction pour étudier les effets de ces substances sur l’organisme.

On imagine aisément que des aliments ont été contaminés par une étiquette apposée directement dessus, comme dans le cas de certains fruits et légumes. Mais même la mince pellicule de plastique qui recouvre certains aliments ne suffisait pas à empêcher le BPS contenu dans l’étiquette de contaminer la nourriture.

Ces pellicules fines «ne servent pas du tout de barrière», avait souligné le professeur Bayen.

La seule façon de se protéger des BPA ou des BPS serait de favoriser d’autres types de matériaux pour les contenants alimentaires, comme le verre, qui est complètement inerte, ou le métal. Dans cette veine, lors de l’achat de viande ou de poisson, le consommateur n’aurait rien à perdre à fournir son propre contenant ou son propre emballage (comme du papier d’aluminium) en demandant que l’étiquette soit apposée dessus.

Le professeur Robaire suggère également de retirer les étiquettes et les emballages plastiques des aliments frais avant de les ranger. Il recommande enfin de prendre des articles qui se trouvent en haut des piles dans les rayons plutôt qu’en bas, où la pression risquerait de faire pénétrer les produits chimiques plus profondément dans l’emballage et les aliments.

«Et là où il y a beaucoup de BPS, c'est quand vous allez dans n'importe quel magasin, on vous propose un reçu, a-t-il conclu. La façon dont le reçu est imprimé, c'est grâce au BPS essentiellement. Donc une chose qu'on peut faire, c'est simplement dire qu'on n'a pas besoin d'avoir le reçu en main. Je ne prends jamais un reçu dans un magasin aujourd'hui.»

Les conclusions de la nouvelle étude ont été publiées par le journal Toxicological Sciences.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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