Mark Carney se rend à Singapour pour tenter d'attirer des investissements au Canada

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Par La Presse Canadienne, 2025
SINGAPOUR — Alors que sa première visite officielle en Asie entre dans sa deuxième phase, le premier ministre Mark Carney a mis le cap sur Singapour, mardi, où il espère attirer des investissements.
M. Carney présente le Canada comme un partenaire commercial fiable pour l'Asie du Sud-Est, alors qu'il s'efforce d'accroître les exportations canadiennes vers d'autres pays que les États-Unis.
Dimanche, il a déclaré à un public d'hommes d'affaires en Malaisie que le Canada avait compris au cours de la dernière année qu'il faut «construire à grande échelle chez nous».
Il a ajouté que des investissements d'une valeur de 500 milliards $ seront nécessaires dans «de nombreux domaines qui, je pense, intéresseraient beaucoup d'investisseurs et d'entreprises ici».
Singapour abrite de nombreux investisseurs et fonds internationaux de premier plan qui ont déjà eu des contacts avec M. Carney.
Mardi, le premier ministre a enchaîné les réunions privées avec des partenaires d'investissement potentiels, notamment avec le directeur de la Government of Singapore Investment Corporation, un fonds souverain qui a déjà investi au Canada.
Selon son cabinet, M. Carney avait l'intention d'encourager davantage d'investissements dans des domaines tels que l'intelligence artificielle, les technologies propres, les minéraux essentiels et les projets de construction nationale au Canada.
Le premier ministre a également visité les installations de l'opérateur portuaire PSA International et rencontré son président. La société possède des terminaux en Colombie-Britannique et à Halifax. Toujours selon son bureau, M. Carney comptait «encourager PSA International à tirer parti des prochains projets de construction nationale du Canada».
La visite de M. Carney dans la cité-État intervient après que ses projets de visite au Japon ont été annulés en raison des changements politiques à Tokyo.
De hauts responsables canadiens, autorisés à informer les médias du voyage de M. Carney à condition de rester anonymes, ont laissé entendre que le premier ministre se serait probablement rendu au Japon cette semaine si le gouvernement de coalition de ce pays n'avait pas été renversé au début du mois.
La première ministre japonaise, Sanae Takaichi, a pris ses fonctions la semaine dernière et pourrait rencontrer M. Carney lors du sommet de l'APEC en Corée du Sud cette fin de semaine.
Arguments solides et convaincants
M. Carney a commencé son voyage en Malaisie, où il a assisté au sommet des dirigeants de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN).
Ce bloc de 11 pays comprend certaines des économies les plus dynamiques au monde, dont Singapour. La plupart des membres du groupe naviguent constamment entre les rivalités des superpuissances que sont les États-Unis et la Chine.
Selon Stéphanie Martel, qui est professeure spécialisée dans l'Asie du Sud-Est à l'Université Queen's de Kingston, en Ontario, Ottawa devra prouver sa pertinence afin d'obtenir des investissements et des échanges commerciaux dans la région.
«Le Canada a probablement beaucoup plus besoin de l'ASEAN que l'ASEAN n'a besoin de nous, et ils le savent, mais je ne pense pas que nous en soyons nécessairement conscients», a-t-elle souligné.
«Ils ont des problèmes bien plus importants à régler, nous devons donc présenter des arguments solides et convaincants sur (notre) valeur ajoutée.»
La visite de M. Carney vise à donner suite à la stratégie indo-pacifique dévoilée il y a trois ans par le gouvernement libéral, qui promettait des partenariats plus étroits en Asie du Sud-Est.
La stratégie a mis en évidence que de nombreux acteurs de la région estiment qu'Ottawa s'est engagé de manière incohérente, avec des périodes d'intense collaboration suivies d'années de silence.
De l'avis de Mme Martel, il est logique que M. Carney se concentre sur le commerce, compte tenu des pressions exercées sur l'économie canadienne par les droits de douane américains.
Or, elle soutient que le premier ministre devra aborder des questions plus larges, comme la sécurité et les changements climatiques, qui trouvent un écho auprès des populations d'Asie du Sud-Est.
«Je crains un peu que nous oubliions à nouveau la nécessité – notamment lorsque nous réfléchissons à la manière de garantir ces gains commerciaux et d'investissement – de vraiment présenter le Canada comme un partenaire fiable et constructif, dans tous les domaines», a-t-elle fait valoir.
«Pour nos partenaires dans la région, il devient également évident que les États-Unis sont imprévisibles, peu fiables et déstabilisants. Cela les conduira à se tourner vers la Chine par nécessité, et seule la Chine se réjouira de cette situation», a-t-elle mentionné.
Il existe donc une occasion pour le Canada, «parmi d'autres partenaires qui s'investissent de la même manière dans la préservation de la prévisibilité, des règles communes dans le commerce et d'autres domaines, d'aider à atténuer une partie de cette pression».
Accord commercial
Alors que l'ASEAN a déclaré le Canada partenaire stratégique en 2023, Ottawa a été exclu d'un partenariat global qui l'aurait inclus dans les discussions de l'ASEAN sur des questions telles que la défense.
«Nous insistons depuis des années pour y avoir accès, mais nous n'avons pas réussi à présenter des arguments convaincants sur ce que nous espérons accomplir en y participant et sur la manière dont nous pouvons contribuer», a expliqué Mme Martel.
Lundi, le premier ministre de la Malaisie, Anwar Ibrahim, a annoncé à M. Carney au début d'une réunion bilatérale que son cabinet avait accepté de promouvoir un partenariat plus approfondi avec le Canada, incluant le commerce, la recherche, l'éducation et l'investissement.
Le Canada et l'ANASE ont repoussé l'échéancier de conclusion d'un accord commercial. Cette entente devait être signée cette année, mais le projet a été reporté à l'année prochaine.
Mme Martel n'a pas été surprise par ce report, car l'ANASE comprend des pays dont les intérêts et les niveaux de développement sont très différents. Elle estime que le Canada a fait des choix judicieux en signant un accord séparé avec l'Indonésie, cette année, et en annonçant son intention d'accélérer les négociations commerciales avec les Philippines.
«Il s'agit clairement d'une approche pragmatique, qui consiste à mener des négociations sur les plans multilatéral et bilatéral», a-t-elle salué.
M. Carney a également rencontré des dirigeants qu'il est susceptible de revoir l'année prochaine. Il a discuté avec le président philippin Ferdinand Marcos Jr, avant que les Philippines n'accueillent le sommet de l'ANASE l'année prochaine.
M. Carney prévoit également de rencontrer le président chinois Xi Jinping plus tard cette semaine lors du sommet de l'APEC en Corée du Sud. La Chine accueillera le sommet de l'APEC l'an prochain.
Sarah Ritchie et Dylan Robertson, La Presse Canadienne