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Mathieu Lacombe accueille les constats difficiles du milieu de la culture.

durée 20h13
18 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Le milieu culturel a livré mardi au ministre de la Culture Mathieu Lacombe une série de constats liés à ses difficultés financières, à la difficile diffusion des œuvres des artistes, à la transmission du réflexe culturel aux jeunes et à l’absence de données dans le secteur, notamment.

Quatre rapports portant sur les arts de la scène, les festivals, la philanthropie et les orientations du Conseil des arts et lettres du Québec (CALQ) ont ouvert plusieurs pistes de travail pour soutenir et faire fleurir la culture québécoise.

Mathieu Lacombe, qui avait lancé l’appel au milieu à la suite de nombreuses manifestations d’artistes, producteurs, et autres acteurs de l’écosystème culturel, a accueilli avec ouverture les travaux des différents chantiers mobilisés à sa demande.

En mêlée de presse à l’issue d’une présentation des différents rapports, d’une allocution du ministre qui a ensuite répondu aux questions de la salle bondée à Montréal, Mathieu Lacombe s’est dit d’avis que le milieu culturel n’est pas condamné à la pauvreté, mais aura toujours besoin d’un appui. «C'est une quête qui va toujours se faire en continu. On pourrait mettre dix fois plus d'argent en culture qu'on se dirait qu'on peut en mettre encore plus parce qu'il n'y a pas de limite à ce qu'on peut faire. Donc c'est sûr que c'est un défi qu'on a.»

Trois fois plus de festivals

Présentant les conclusions du chantier sur les festivals préparé par l’Institut du Nouveau Monde, Samantha McKinley a donné un aperçu d’un de ces défis, soit l’écart entre les enveloppes de subventions et la croissance du nombre d’événements: «En 2015, on parlait de 117 événements qui étaient supportés par le ministère du Tourisme. Et en 2025, on parle de 319. Alors c'est sûr qu'on se projette avec une pointe de tarte qui fond comme neige au soleil. On a vécu des dynamiques similaires à d'autres paliers gouvernementaux. C'est quelque chose qu'on ne voudrait pas revivre de notre côté, qu’il y ait plus d'admis, mais que les sommes soient moins importantes.»

Le ministre Lacombe a dit avoir pris note: «La table de travail sur les festivals nous a exprimé clairement le besoin de réfléchir à l’adéquation entre le financement et le nombre d’événements soutenus. Ce que moi je comprends de cette recommandation, c’est qu’on nous demande de nous assurer que, si on soutient davantage d’événements, on le fasse de la bonne façon.»

En matière de diffusion, la présidente-directrice générale du CALQ, Véronique Fontaine, a exposé un déséquilibre flagrant dans les sommes allouées par son organisme: «L'année dernière, le soutien qui a été accordé aux artistes en arts actuels pour la création représentait 53 % de l'ensemble des soutiens pour les artistes en création, alors qu'il représentait 20 % au niveau de la diffusion. Il y a un travail à faire en ce sens, pour renforcer le circuit de circulation des œuvres.»

Or, les questions de financement culturel dépassent largement la production artistique. Elles touchent les coûts de production, les infrastructures culturelles et plusieurs autres postes dont les postes ont explosé. Mathieu Lacombe a dit avoir entendu le message. «Le CALQ y travaille déjà en continu, mais je vais lui demander d’approfondir ses réflexions sur le sujet avec vous, en particulier pour ce qui est de la diffusion. Nos diffuseurs sont aux prises avec une augmentation importante de leurs coûts fixes. On doit y porter attention.»

Le privé doit en faire plus

Mathieu Lacombe a toutefois précisé que le soutien de l’État a ses limites. «Soyons réalistes: les gouvernements ne pourront jamais à eux seuls répondre à tous les besoins du milieu culturel. C’est un fait, les revenus privés et autonomes seront toujours nécessaires.»

Le secteur privé se laisse toutefois tirer l’oreille en matière de culture, a expliqué son adjoint au ministère, le député Mathieu Rivest, venu présenter les conclusions des recherches de son groupe de travail sur la philanthropie. Chez les donateurs privés, a-t-il expliqué, «la culture arrive en 9e place. Il y a 70 % des gens donateurs qui mentionnent ne pas avoir donné en culture. Pourquoi? Parce qu'on ne leur a pas demandé. Ils n'ont pas été sollicités.»

«Il faut que le Québec inc. que le milieu des affaires, soit davantage sensibilisé au fait de donner en culture, et c'est le genre d'initiative aussi qui pourraient être mis sur pied, de valoriser l'élément de donner en culture. Et pourquoi pas se donner l'objectif commun aujourd'hui de passer de la 9e place à la 3e ? C'est notre défi», a-t-il déclaré.

Exposer les jeunes à la culture d'ici

La question des liens entre le milieu culturel et l’éduction a soulevé les passions du ministre. «Le premier ministre a pris le temps de le mentionner dans son discours inaugural en septembre: reconnecter nos jeunes à notre culture, ça doit être une responsabilité de tout le gouvernement. Parce que les chiffres sont clairs à ce sujet: ils s’en éloignent et c’est malheureusement vrai autant sur les plateformes que dans nos lieux de diffusion.»

Mathieu Lacombe s’est dit inquiet en pointant les données de l’Institut de la statistique du Québec qui démontrent que les jeunes de 15 à 29 ans forment le groupe d’âge le moins susceptible d’avoir assisté à un ou des spectacles surtout en français en 2024. «Plus on expose nos jeunes tôt aux arts et à la culture, plus ils auront envie de les consommer et de les pratiquer toute leur vie, puis de les transmettre aussi à leurs enfants. C'est ça le risque qu'on a devant nous. Si on perd une génération, c'est une génération qui va grandir et qui ne transmettra pas la culture québécoise à ses enfants.»

Le ministre a rappelé que le CALQ a récemment annoncé une bonification des mesures de soutien pour les sorties scolaires, en ajoutant les garderies et les CPE comme clientèles admissibles, mais on ne peut laisser l’exposition des jeunes à la culture au seul réseau de l’éducation, a-t-il expliqué en mêlée de presse: «Comme parents, on a un rôle à jouer. Ça n'appartient pas seulement au gouvernement. Si, comme parents, on ne fait pas écouter de musique francophone ou de musique québécoise à nos enfants, si on ne leur fait pas écouter des produits qui sont de chez nous sur les écrans à la maison, puis si on ne les amène pas au théâtre ou à la bibliothèque pour voir des produits de chez nous, on part déjà avec une longueur de retard».

«Donc on a une responsabilité comme parents, mais c'est vrai qu'à l'école c'est un lieu où on peut en faire beaucoup, puis je pense honnêtement qu'on fait de bonnes choses avec les sorties culturelles (…) Je pense qu'on est sur le bon chemin, mais après, j'imagine qu'on peut toujours en faire plus», a-t-il ajouté.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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