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Montée inquiétante de la désinformation en santé féminine sur les réseaux sociaux

durée 10h15
14 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTREAL — La mésinformation et la désinformation sur la santé féminine se répandent sur les réseaux sociaux comme une traînée de poudre, ce qui peut s'avérer dangereux. Régimes alimentaires nocifs, fausses informations sur le stérilet ou la pilule abortive... les exemples ne manquent pas sur des applications comme TikTok et Instagram.

La mésinformation est une information qui est fausse ou trompeuse, peu importe l'intention, tandis que pour la désinformation, la personne qui la diffuse sait que ce n'est pas vrai, mais elle continue de la propager parce qu'elle a un intérêt à y gagner, résume Dre Diane Francoeur, directrice générale de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), lors d'une conférence médicale qui s'est tenue jeudi dernier à Québec.

Si on prend l'exemple du stérilet, en analysant les 471 millions de vidéos sur ce sujet sur TikTok, on constate que 38 % du contenu est négatif, expose Dre Francoeur.

Dans les vidéos, on mentionne que le stérilet est dangereux, qu'il donne l'infertilité, qu'il est douloureux, etc. Il y a même des jeunes filles qui se filment en train de se faire installer un stérilet et qui vomissent, qui hurlent ou qui tombent dans les pommes.

Mais pourquoi ce mouvement contre le stérilet, se demande Dre Francoeur. Elle y voit un lien avec la montée du discours masculiniste. «Ce n'est pas les autres compagnies de contraception contre les compagnies qui font des stérilets. C'est pour que les femmes arrêtent d'utiliser de la contraception, qu'elles restent à la maison et qu'elles fassent des bébés. [...] Les intentions sont très claires par rapport à ça», affirme-t-elle devant l'assemblée de professionnels de la santé.

La SOGC s'est donné comme mission d'éduquer les femmes et les docteurs sur ce qui peut être utilisé pour soulager les femmes lorsqu'elles se font installer un stérilet. Dre Francoeur, qui est gynécologue depuis 30 ans, se désole que ce soit maintenant beaucoup plus difficile d'avoir des discussions sur le stérilet avec les jeunes femmes parce que «c'est complètement banni sur les médias sociaux».

D'autres contenus erronés qui circulent sont encore plus alarmants, comme l'idée que les effets de la pilule abortive peuvent être renversés si on prend une grande quantité de progestérone. «Non, non, non! lance Dre Francoeur. La pilule abortive, il faut faire son choix avant. Et après ça, eh bien, on vit avec.»

Durant son allocution, elle a mis de l'avant une statistique qu'elle a qualifiée de troublante: 43 % des Canadiens vont quand même lire ou écouter le contenu même s'ils savent que ce n'est pas vrai.

Daiva Nielsen, professeure agrégée à l'École de nutrition humaine de l'Université McGill, s'est davantage intéressée à la mésinformation entourant la nutrition. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses personnalités diffusent de soi-disant conseils nutritionnels. Mme Nielsen a identifié deux exemples qui persistent: le régime carnivore, basé uniquement sur la consommation de produits d'origine animale; et le mouvement anti-huile de graines qui associe ces huiles à plusieurs maladies. Ces recommandations ont largement été réfutées par la science.

Certaines personnes plus à risque d'être bernées

Mme Nielsen est bien consciente qu'il existe de nombreuses autres sources d'informations erronées qui peuvent être très dommageables, et que cela concerne beaucoup les domaines liés à la santé en général, pas seulement la nutrition.

«Le contenu en ligne, les gens peuvent penser que c'est fiable, que c'est crédible, et cela peut être très dangereux. [...] Je suis sûre qu'il existe des cas de personnes qui ont subi des conséquences sur leur santé après avoir fait quelque chose sous l'influence d'informations trouvées en ligne», commente la professeure.

Elle explique que certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres. «Nous savons que les choses qui semblent presque trop belles pour être vraies ont tendance à se propager, indique Mme Nielsen, en particulier lorsqu'il s'agit de l'alimentation, le poids, ou encore certains problèmes de santé qu'on peut gérer grâce à nos choix alimentaires. Et si quelque chose semble être une solution miracle et trop beau pour être vrai, ça va généralement capter l'attention des gens. Certaines personnes reconnaîtront qu'il s'agit d'une solution miracle — probablement trop belle pour être vraie — et n'y prêteront pas beaucoup d'attention. Mais d'autres seront enclines à y croire et voudront y croire.»

Dre Francoeur fait aussi valoir qu'il existe des inégalités systémiques intersectorielles. «Alors les femmes de couleur, les femmes de la communauté LGBTQ+, les communautés religieuses, les femmes pauvres sont les victimes parfaites des médias sociaux parce qu'elles sont déjà marginalisées. Donc c'est plus facile, elles n'ont pas autant de soutien parfois, elles vont être beaucoup plus influencées par la désinformation», affirme-t-elle.

Pic de désinformation

Les influenceurs vont souvent attirer leur public en parlant de sujets tabous, comme certains problèmes de santé ou encore le désir sexuel. Ils vont utiliser différentes stratégies pour vendre des produits, par exemple des jujubes qui augmentent la fertilité. Parfois, le récit de l'influenceur est faux sur toute la ligne, mais certaines personnes mordront quand même à l'hameçon, se désole Dre Francoeur.

La propagation de la désinformation a augmenté depuis la pandémie de la COVID-19, indique Mme Nielsen. «Il faudrait que je fasse une analyse approfondie pour voir si la situation s'est stabilisée, mais nous constatons certainement un pic important de désinformation en matière de nutrition, en particulier depuis que nous avons connu la période de confinement», précise-t-elle.

La professeure Nielsen estime qu'à l'heure actuelle, il y a plus de désinformation que d'informations véridiques sur internet, surtout sur les réseaux sociaux. Elle rappelle qu'en nutrition, il existe plusieurs sources fiables, comme le guide alimentaire de Santé Canada et la Société canadienne de nutrition.

La couverture en santé de La Presse Canadienne est soutenue par un partenariat avec l'Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est seule responsable de ce contenu journalistique.

Katrine Desautels, La Presse Canadienne

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