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Ottawa dévoile une nouvelle stratégie climatique sans donner d'objectifs d'émissions

durée 17h28
4 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

5 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

OTTAWA — La stratégie de compétitivité climatique du gouvernement fédéral promet un système de tarification du carbone industriel plus rigoureux et la perspective de supprimer le plafond d'émissions pour la production de pétrole et de gaz afin de stimuler les investissements dans une croissance propre.

Or, la stratégie, présentée dans le budget fédéral mardi, manque de détails et ne fait aucune mise à jour sur la situation du Canada par rapport à ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour 2030 et 2035.

Et ce, malgré les assurances données ces derniers mois par des ministres fédéraux que le plan de compétitivité clarifierait les engagements du Canada.

En vertu de l'Accord de Paris sur le climat, le Canada s'est engagé à réduire ses émissions de GES d'au moins 40 % par rapport aux niveaux de 2005 d'ici 2030. De nombreuses analyses publiées ces derniers mois laissent présager que le pays manquera largement cet objectif.

Le budget ne mentionne pas non plus de mesures incitatives possibles pour encourager les Canadiens à réduire leurs émissions, comme le rétablissement d'une subvention à l'achat de véhicules électriques.

Lors de sa campagne à la direction du parti libéral l'hiver dernier, le premier ministre Mark Carney a promis des «incitatifs verts» aux consommateurs. Il s'est engagé à rétablir les rabais sur les véhicules électriques pendant la campagne électorale fédérale d'avril.

Aucune de ces mesures ne s'est concrétisée.

Déception

«Honnêtement, j'ai été un peu déçue par la stratégie de compétitivité climatique. Je m'attendais à des mesures plus concrètes, notamment concernant les projets et les secteurs qui auraient permis de réduire les émissions», a confié Rachel Samson, vice-présidente à la recherche à l'Institut de recherche en politiques publiques.

«Je dirais qu'elle n'a clairement pas tenu ses promesses. J'avais de grands espoirs compte tenu des déclarations du premier ministre et des autres ministres. Certes, certains propos étaient prometteurs (…), mais les détails manquaient. On entendait souvent: "Nous allons discuter avec les provinces et les territoires et élaborer une solution plus tard."»

Le nouveau plan climatique semble miser principalement sur le renforcement du prix du carbone industriel. Il définit une trajectoire pour le prix de la tonne au-delà de 2030 et vise à améliorer les marchés du carbone qui sous-tendent l'ensemble du système.

«L’établissement d’une trajectoire à long terme permettra aux entreprises de prendre des décisions d’investissement éclairées et durables. L’obtention d’une entente pancanadienne sur cette trajectoire renforcera la prévisibilité et la certitude pour les investisseurs», peut-on lire dans le budget.

Le document budgétaire indique que la tarification du carbone industriel «devrait permettre de réduire les émissions plus que toute autre mesure, tout en ayant une incidence négligeable sur le coût de la vie pour les Canadiens».

Il s’agit là d’un clin d’œil aux critiques concernant l’accessibilité financière qui ont nui à la tarification du carbone pour les consommateurs et qui ont finalement mené à son abandon. M. Carney l’a abolie dès son premier jour de mandat en mars.

La tarification du carbone industriel fonctionne en fixant un objectif d’émissions par secteur et en exigeant que les grands émetteurs paient le prix par tonne pour les émissions excédant cet objectif. Les entreprises qui émettent moins que l’objectif peuvent vendre des crédits à celles qui émettent davantage, par l’intermédiaire d’un marché des crédits carbone.

Compétitivité et émissions

La stratégie de compétitivité climatique – que le gouvernement présente comme un pilier central de son plan visant à faire du Canada l’économie la plus forte du G7 – prévoit également l’application rapide du filet de sécurité fédéral aux provinces et territoires dont les performances sont inférieures aux objectifs fixés par Ottawa.

La Saskatchewan a suspendu son programme de tarification du carbone industriel le 1er avril, tandis que l’Alberta a proposé des modifications à son propre programme qui, selon les observateurs, ne permettront probablement pas d’atteindre les objectifs.

Cependant, les représentants du gouvernement affirment qu’aucun échéancier n’a été fixé pour qu’Ottawa agisse.

Le budget indique également que le gouvernement n’entend pas aller de l’avant avec la mise en œuvre du plafond d’émissions proposé pour les producteurs de pétrole et de gaz, une mesure que l’industrie avait demandé à Ottawa d’abandonner.

La suppression de ce plafond semble conditionnelle aux améliorations promises au système de tarification industrielle, à l’expansion des technologies de captage et de stockage du carbone ainsi qu'au renforcement de la réglementation visant à réduire les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier.

Le gouvernement affirme que ces mesures «créeraient les circonstances dans lesquelles le plafond d’émissions du secteur pétrolier et gazier ne serait plus nécessaire, car son impact sur la réduction des émissions serait marginal».

Le budget n'indique pas si le gouvernement poursuivra ses efforts pour mettre en œuvre le plafond d'émissions au cas où les plans de captage du carbone ne se concrétiseraient pas.

En mars, M. Carney avait déclaré aux journalistes qu'il maintiendrait le plafond d'émissions, tout en précisant vouloir trouver d'autres moyens de réduire les émissions. Le mois dernier, il a nuancé sa position, affirmant que le maintien du plafond «dépend» des autres mesures prises pour réduire les émissions.

Le plafond d'émissions devrait entrer en vigueur en 2030 et obligerait les activités d'exploration et de production pétrolières et gazières à réduire leurs émissions de 35 % par rapport à leur niveau de 2019. Ottawa a déposé un projet de règlement pour la mise en œuvre du plafond l'an dernier, avec deux ans de retard.

Le budget propose également de prolonger de cinq ans l'accès aux crédits d'impôt pour la construction de systèmes de captage et de stockage du carbone, pour un coût estimé à 3 milliards $.

Le budget contient également un projet de modification de la Loi visant à bâtir le Canada afin d'exiger que les projets que le gouvernement considère comme étant d'«intérêt national» comprennent des renseignements «quant à l’ampleur de la contribution de chaque projet à la croissance propre et à l’atteinte des objectifs du Canada en matière de changements climatiques».

La loi cite des critères que le nouveau Bureau des grands projets peut prendre en compte pour la sélection de projets à approuver en procédure accélérée. Toutefois, le gouvernement n'est pas tenu de les respecter et peut choisir des projets même s'ils ne répondent pas aux critères suggérés.

Plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a refusé de définir la notion d'«intérêt national» dans le contexte de cette loi, malgré les demandes des députés de l'opposition.

Nick Murray, La Presse Canadienne

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