Près de 830 millions $ d'argent public perdus avec Recyclage Carbone Varennes


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Par La Presse Canadienne, 2025
VARENNES, QUÉBEC — La ministre de l’Économie, Christine Fréchette, refuse de s’avancer sur le sort des centaines de millions de dollars d’argent public qui, de toute évidence, seront perdus dans l’aventure de Recyclage Carbone Varennes (RCV).
Le quotidien La Presse révélait lundi que StormFisher, une entreprise canado-américaine, propose d’acheter l’usine pour une pitance, soit 17,5 millions $. Or, cette usine, qui était complétée à 75 % quand l’entreprise a choisi de se placer sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, devait représenter au final un investissement de 1,5 milliard $. Cette somme était par ailleurs le résultat d’un dépassement de coûts puisque le coût initial du projet était évalué à 1,3 milliard $.
Manne d'argent public
De passage à Varennes, lundi, pour annoncer un autre investissement dans une entreprise de cette municipalité montérégienne, Mme Fréchette a refusé de dire à combien s’élèverait la perte de Québec, bien qu’il soit du domaine public que Québec s’était compromis à hauteur de 365 millions $ en prêts et actions privilégiées.
Ottawa, pour sa part, avait versé 187 millions $ en subventions au projet, alors que la Banque d’infrastructures du Canada avait avancé un prêt de 277 millions $ à la coentreprise regroupant Shell, Suncor, Proman et le gouvernement du Québec qui étaient actionnaires de RCV. En tout, ce sont donc près de 830 millions $ d’argent public qui ne seront certainement pas récupérés.
RCV était codétenue par les pétrolières et gazières Suncor (27 %), Shell (36 %) et Proman (13 %), ainsi qu’Investissement Québec (24 %).
La ministre Fréchette s’est réfugiée derrière le fait que le dossier est judiciarisé pour limiter ses commentaires au strict minimum: «Je ne peux pas m'avancer sur ce dossier-là dans les détails du fait que le processus est en cour.»
De gros joueurs
Reconnaissant que «ça n'a pas obtenu le succès que l'on souhaitait», elle a rappelé qu’il y avait tout de même «d'autres gros joueurs qui étaient présents, avec nous», en référence notamment à Shell et Suncor. Toutefois, a-t-elle fait valoir, «il y a eu des changements dans le marché; les coûts ont augmenté au niveau du projet, il y a un important actionnaire aussi qui s'est désengagé et avec l'administration Trump aussi, on a vu un affaissement des coûts».
RCV devait, au départ, produire 125 millions de litres de biométhanol destinés au transport maritime en récupérant et en revalorisant plus de 200 000 tonnes de matières résiduelles annuellement. La moitié de ce tonnage devait être constituée de résidus de biomasse forestière et l’autre moitié de matières résiduelles non recyclables, ce qui aurait permis d’éviter leur enfouissement et les émissions de méthane qui en découlent.
StormFisher, pour sa part, entend plutôt produire de l’«e-méthanol» à partir d'hydrogène vert.
Québec n’appuie pas pour l’instant l’offre de 17,5 millions $ de StormFisher, a précisé Mme Fréchette. «Il n'y a pas d'appui comme tel qui est prévu. Le processus est en cour et c'est à ce niveau-là que ça doit être traité et analysé. Une fois ce processus-là terminé, là, on se prononcera.»
Toujours selon La Presse, des créanciers ont demandé et obtenu du tribunal un court délai pour évaluer ce qui pourrait être obtenu d’une liquidation des actifs, car leur valeur se situerait à environ 41,5 millions $. Ces créanciers, tout comme Québec et Ottawa, ne reverront pas un sou de leur capital.
Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne