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Soins intensifs: la voix des proches est cruciale, montre une étude

durée 08h46
7 novembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

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Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Des patients hospitalisés aux soins intensifs ont connu un plus grand nombre de jours sans délire quand on leur a fait entendre un enregistrement de la voix de leurs proches, ont constaté des chercheurs américains.

Plus précisément, il s'agissait de patients qui avaient besoin d'une ventilation mécanique et à qui on a fait entendre, une fois par heure entre 9 h et 16 h, un message enregistré par un membre de la famille qui mentionnait le nom de la personne, en plus de lui rappeler où elle se trouvait et l'informait qu'elle était sous ventilation et qu'elle pouvait avoir d'autres fils et tubes pour l'aider à se rétablir.

Les messages mentionnaient également au patient que des professionnels de santé et des membres de sa famille venaient régulièrement lui rendre visite.

«Je trouve ça fort intéressant parce qu'on utilise la voix d'un proche, une voix qu'on peut imaginer qu'ils vont reconnaître, et on leur donne des messages très apaisants, qui peuvent soulager les inquiétudes de ces gens-là», a dit le docteur David Hornstein, qui dirige le Centre de rétablissement - soins intensifs de l’Hôpital général de Montréal du Centre universitaire de santé McGill.

«Imaginez-vous... Tu as perdu le contrôle de tout, tu es agressé de partout avec la maladie et les interventions, des lignes, des tubes, tu ne peux pas bouger, tu ne peux pas parler, tu as soif, tu ne peux communiquer, mais ton cerveau fonctionne...»

L'étude a été réalisée auprès de 178 patients hospitalisés à l'unité des soins intensifs de deux grands hôpitaux du sud de la Floride. La moitié d'entre eux ont profité du message enregistré par leurs proches.

Les patients du groupe FAVoR (l'acronyme anglais de «family members’ voice-recorded messages») ont eu plus de jours sans délire que ceux du groupe recevant les soins habituels. La réponse à l'intervention était dose-dépendante; plus le nombre de doses d'intervention était élevé, moins il y avait de délire, ont écrit les auteurs de l'étude.

On estime que le délire touche jusqu'à 80 % des patients hospitalisés à l'unité des soins intensifs et ayant besoin d'une ventilation mécanique.

«Ce que nous observons à l'extérieur, c'est un patient qui a un état de conscience qui fluctue, qui a un contact avec la réalité qui fluctue ou qui n'est pas là, a expliqué le docteur Hornstein. Et ça va (...) d'un état où on ne voit aucune réponse, aucun niveau de conscience, à un état de (...) confusion légère.»

Les patients gardent souvent des souvenirs «peu plaisants» de leur délire, a-t-il ajouté. Une fois rétablis, ces patients comprennent que ce qu'ils ont vécu ne peut pas avoir été réel, «mais ils s'en souviennent comme si c'était hier», a dit le docteur Hornstein.

«On voit les manifestations à l'extérieur, quelqu'un qui combat, quelqu'un qui essaye de se détacher puis de tout arracher... On voit ça, mais on ne sait pas ce qu'ils vivent à l'intérieur, a-t-il indiqué. Quand on leur parle après, je peux vous dire que c'est très perturbant.»

La question est donc de se demander comment on peut percer ce délire «pour leur tendre la main, pour les soulager et leur offrir du confort ou un soulagement», a dit le docteur Hornstein.

«Les gens nous disent régulièrement que quand quelqu'un arrive qui est calme, qui leur parle comme un être humain et pas comme un patient, qu'ils se rappellent de ça, a-t-il dit. Et deuxièmement, quand ils sentent le toucher d'une main, pas pour donner des soins (...) mais juste pour aller dire salut, tu es à l'hôpital, je te touche le bras... Ça m'a surpris quand j'ai appris ça, mais ils nous disent régulièrement que ça les a soulagés.»

La docteur Hornstein confie l'avoir souvent constaté sur le terrain: quand un proche arrive, qu'il prend la main du patient, qu'il lui parle, «on voit une accalmie qui arrive, le patient bouge moins, la fréquence cardiaque descend».

Quand les patients sont bien accompagnés et bien encouragés, «mon observation, c'est qu'ils vont mieux, ça leur donne un gros appui pour continuer à se battre», a-t-il dit.

Par la force des choses, les patients finissent souvent par être «dépersonnalisés», a-t-il ajouté. Mais ils remarquent quand une infirmière ou un préposé s'adresse à l'être humain plutôt qu'au patient, a dit le docteur Hornstein.

«Quand le préposé arrive et dit au patient que Cole Caufield a marqué trois buts la veille, ça perce (le délire) et les patients nous le disent, quelqu'un est en train de me parler, j'existe, je suis un être humain, a-t-il conclu. Ça fait une énorme différence dans le moment, mais aussi après.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par l'American Journal of Critical Care.

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne

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