Un médicament contre l'acné pourrait contrer l'infertilité des hommes


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Un médicament utilisé couramment dans le traitement de l'acné pourrait permettre aux hommes souffrant d'infertilité sévère de fonder une famille plus facilement, laisse entrevoir une nouvelle étude américaine.
Les chercheurs ont ainsi constaté qu'un traitement à l'acide rétinoïque (que l'organisme produit à partir de la vitamine A et qu'on retrouve dans les médicaments anti-acné sous ordonnance) augmentait «la production de spermatozoïdes chez certains hommes (infertiles) au point d'éviter le recours à des procédures de prélèvement de spermatozoïdes testiculaires», peut-on ainsi lire dans le Journal of Assisted Reproduction and Genetics.
«Je n'aime pas le mot 'miraculeux', mais ça change vraiment tout pour les couples infertiles», a commenté Janice Bailey, la vice-présidente recherche – direction scientifique secteur Nature et technologies du Fonds de recherche du Québec.
L'étude a porté sur trente hommes atteints d'azoospermie non obstructive (une absence totale de spermatozoïdes dans le sperme) ou de cryptozoospermie (la présence dans le sperme d'une quantité à peine détectable de spermatozoïdes).
Les participants ont reçu 20 milligrammes d'acide rétinoïque deux fois par jour. La qualité de leur sperme a été évaluée sur une période allant de trois à neuf mois. Un peu plus du tiers des participants, soit onze d'entre eux, «ont développé une numération fiable et mobile des spermatozoïdes éjaculés avec le traitement», révèlent les auteurs.
Quelques hommes ont même pu continuer à produire des spermatozoïdes après la fin du traitement.
Aucune grossesse spontanée n'a été rapportée en lien avec le traitement. Toutefois, on rapporte une naissance parmi les participants ayant eu une réponse complète au traitement et dont le sperme avait été utilisé lors d'une procédure de fécondation in vitro. On rapporte aussi une grossesse parmi les participants ayant présenté une réponse partielle au traitement.
Les chercheurs rappellent que l'acide rétinoïque joue un rôle de premier plan dans la production de spermatozoïdes chez les mammifères. Ils émettent donc l'hypothèse qu'une déficience intratesticulaire de cet acide puisse être responsable de l'infertilité de certains hommes.
«Les concentrations d'acide rétinoïque sont souvent plus basses dans les testicules des hommes infertiles, a confirmé Mme Bailey. Bien honnêtement, je suis étonnée que ça n'ait pas été essayé avant. On sait depuis vingt ans que l'acide rétinoïque est important dans la (production de sperme).»
Cette étude ouvre de multiples avenues très intéressantes, croit Mme Bailey. Dans un premier temps, le coût d'une prescription d'acide rétinoïque ne se compare même pas à celui d'une procédure de fécondation in vitro, a-t-elle souligné.
Mais au-delà de ces basses considérations financières, un traitement d'infertilité n'a rien d'une partie de plaisir pour les hommes et encore moins pour les femmes qui en portent très souvent le fardeau, a rappelé Mme Bailey.
«Ça pourrait être une très bonne chose d'essayer ça avant, par exemple, de faire des biopsies testiculaires qui peuvent causer des dommages», a-t-elle dit.
Un couple aux prises avec des problèmes d'infertilité ne devrait absolument pas se tourner vers l'acide rétinoïque sans supervision médicale, a prévenu Mme Bailey.
Ce produit, a-t-elle rappelé, joue un rôle crucial dans la division et la différenciation cellulaires. Les femmes qui en prennent doivent absolument utiliser des méthodes de contraception pour éviter de tomber enceintes, puisque leur fœtus pourrait présenter des anomalies.
Du côté des hommes, on constate depuis les années 1970 un effondrement de 50 à 60 % de la production de sperme, a rappelé Mme Bailey, «et c'est très inquiétant». Des facteurs environnementaux comme les plastiques et les contaminants sont possiblement en cause.
Enfin, la littérature scientifique démontre assez clairement que des problèmes de qualité de sperme peuvent être associés à d'autres problèmes de santé et même que la durée de vie de ces hommes peut être plus courte, a-t-elle dit.
«Il faut que les hommes prennent soin d'eux-mêmes en adoptant de saines habitudes de vie pas seulement pour optimiser leur santé reproductive et pouvoir être papa, mais aussi pour se protéger et pour avoir une meilleure qualité de vie», a conclu Mme Bailey.
Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne