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Un nouveau centre culturel et artistique suscite l'espoir à Kahnawake

durée 04h00
30 septembre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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Temps de lecture   :  

4 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

KAHNAWAKE, QUEBEC — Kahsennenhawe Sky-Deer est fière de pouvoir parler la même langue que ses ancêtres.

Dans les années 1980, Mme Sky-Deer était inscrite dans l'une des premières écoles de la communauté mohawk de Kahnawake à initier les enfants à la langue kanien'kéha.

«C'était tout pour moi, a-t-elle souligné en entrevue. Cela m'a donné les bases de la fierté d'être qui j'étais.»

À l'époque, de nombreux membres de la Première Nation de la Rive-Sud de Montréal fréquentaient encore des externats autochtones gérés par l'Église, où la langue n'était pas enseignée, a-t-elle expliqué.

Son ancienne école est toujours en activité aujourd'hui, et les églises ne dirigent plus d'écoles à Kahnawake.

L'ancienne grande cheffe de la communauté se dit optimiste quant à la relève de sa communauté, surtout maintenant qu'un nouveau centre culturel et artistique ouvrira ses portes en mars 2026.

Mme Sky-Deer est l'une des nombreuses femmes à l'origine du projet. Une fois le centre ouvert, elle espère que les jeunes auront la chance de s'immerger dans la langue autant qu'elle l'a été pendant son enfance.

Le centre culturel et artistique sera situé sur un terrain de 1,2 hectare le long de la route 132, juste à côté d'une école secondaire locale.

Kahsennenhawe Sky-Deer souhaite que cet espace inspire les jeunes à utiliser leur langue en dehors de la salle de classe.

«Nous ne voulons surtout pas que nos jeunes perçoivent la langue mohawk comme une matière, a-t-elle indiqué. Nous devons changer leur mentalité.»

Le centre abritera le programme d'immersion en langue mohawk de la communauté, son théâtre et son musée, qui sont tous agrandis grâce au projet.

Des cérémonies traditionnelles et des ateliers de cuisine et d'artisanat, comme la vannerie, y seront également organisés.

La construction de ce projet d'environ 56 millions $ est en cours depuis l'automne 2023. Les gouvernements fédéral et provincial, ainsi qu'Hydro-Québec, ont collectivement engagé environ 37 millions $ pour ce projet.

Une communauté profondément marquée

S'adressant à La Presse Canadienne à l'approche de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, Mme Sky-Deer espère que ce nouveau lieu de rassemblement favorisera la guérison au sein de la communauté, qui, selon elle, est encore sous le choc de «la sombre histoire coloniale du Canada».

Il n'existe pas d'équivalent au mot «réconciliation» en langue mohawk, a-t-elle souligné. Une façon de le traduire est «remettre les choses comme elles étaient», a-t-elle expliqué, soulignant que cette expression a trouvé un écho auprès de nombreuses personnes.

«Il fut un temps où la plupart des gens parlaient le kanien'kéha, notre langue», a-t-elle mentionné.

Tout cela a changé après l'adoption de la Loi sur les Indiens, a-t-elle précisé. Adoptée à la fin du XIXe siècle, cette loi a jeté les bases du système de pensionnats autochtones du Canada, puis du système d'externats autochtones qui a suivi, imposant l'anglais et le français aux communautés autochtones de tout le pays.

Trois externats autochtones ont été en activité dans la communauté jusqu'en 1988, année où le centre éducatif de Kahnawake a acquis la compétence sur les écoles de la réserve.

«Ces conséquences persistent encore dans notre communauté», a affirmé Mme Sky-Deer.

Le gouvernement fédéral a depuis reconnu les torts causés par ces écoles aux jeunes autochtones et a indemnisé ceux qui ont fréquenté les pensionnats et les externats autochtones par le biais d'accords de règlement.

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a conclu que le système des pensionnats autochtones avait été créé dans le but de détruire et d'assimiler les peuples autochtones, une initiative qu'elle a qualifiée de «génocide culturel».

Cinq ans plus tard, le Canada a ouvert son processus de règlement des demandes d'indemnisation aux personnes ayant fréquenté les externats autochtones, reconnaissant que de nombreux élèves ont subi des traumatismes et des abus physiques et sexuels.

«Nous devons trouver un moyen de retrouver le chemin de la justice, et je pense que ce centre culturel y contribue, estime Mme Sky-Deer. Non seulement pour cette génération, mais aussi pour de nombreux membres de notre communauté.»

Un rêve de plusieurs décennies

La construction du nouveau centre culturel a duré neuf ans, mais le rêve d'un espace de rassemblement plus grand remonte à plusieurs décennies.

Lisa Phillips est la directrice générale du centre linguistique et culturel de Kahnawake, qui déménagera dans les nouvelles installations.

Elle se souvient que ses collègues parlaient de la création d'un nouvel espace de rassemblement lorsqu'elle a commencé à y travailler il y a 26 ans.

«Je crois que ce n'est qu'il y a deux semaines environ, en rentrant chez moi, que j'ai réalisé l'importance et l'ampleur de ce projet», a-t-elle confié aux journalistes lors d'une visite du site.

Au début des années 1980, elle a raconté que le personnel du centre linguistique et culturel avait posé les fondations d'une maison longue exactement au même endroit, mais que le projet était au point mort.

Elle a confié avoir été émue de pouvoir s'asseoir sur le site aujourd'hui et de constater le chemin parcouru.

«J'y ai pensé et j'ai été quelque peu bouleversée, a-t-elle témoigné. C'était le rêve de tant de personnes dans notre communauté.»

Le nouveau centre ouvre la voie à une expansion majeure d'un programme de théâtre local à Kahnawake, a souligné Kimberly Cross, qui travaille à l'office de tourisme de la communauté.

Actuellement, le programme se déroule dans une petite salle, mais la nouvelle installation devrait offrir près de 200 places pour mettre en valeur la prochaine génération de talents, a-t-elle ajouté.

Elle a grandi dans une famille d'artistes et a confié que c'était une expérience qu'elle aurait aimé avoir eue étant petite.

«J'ai bon espoir pour nos artistes actuels, nos jeunes acteurs et actrices, a avancé Mme Cross. Le simple fait de pouvoir sortir de sa zone de confort, de sortir de sa coquille et de se produire sur une scène aussi imposante fait toute la différence.»

Le conseil de bande de la communauté est encore en train de réunir les 4,4 millions $ supplémentaires nécessaires à la concrétisation du projet.

Trina C. Diabo, qui travaille avec le conseil de bande, est convaincue qu'ils parviendront à réunir les fonds nécessaires à l'ouverture à temps.

Une campagne de sociofinancement a depuis été lancée.

Miriam Lafontaine, La Presse Canadienne

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