Un plaidoyer pour homicide involontaire coupable divise la police et la Couronne


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Par La Presse Canadienne, 2025
EDMONTON — Une femme d'Edmonton a plaidé coupable d'homicide involontaire pour le meurtre d'une fillette de huit ans, dans une affaire qui a vu la police contester publiquement les procureurs de la Couronne.
La femme de 29 ans a été accusée de meurtre au premier degré, mais a plaidé coupable à l'accusation réduite mercredi devant la Cour du Banc du Roi.
Cette décision survient un jour après que le chef par intérim de la police d'Edmonton a rendu publique une lettre de son service adressée au ministère de la Justice de l'Alberta, indiquant qu'il était au courant de l'entente sur la réponse à l'accusation et exhortant la Couronne à l'annuler.
La lettre remet en question le pare-feu traditionnel qui sépare la police, responsable d'enquêter sur une affaire, des procureurs, qui déterminent la meilleure façon de procéder devant les tribunaux.
On peut lire dans la lettre qu'une peine considérablement réduite, comme celle qui accompagne généralement une condamnation pour homicide involontaire, ne permettrait pas que justice soit rendue pour ce meurtre.
La police a également averti que, si un accord sur la réponse à l'accusation était conclu, elle divulguerait les détails de l'affaire afin que le public puisse se forger sa propre opinion.
La fillette, dont l'identité n'a pas été révélée, est décédée des suites d'un traumatisme contondant. Son corps a été retrouvé à l'arrière d'un camion sur le territoire de la nation crie de Samson, à Maskwacis, au sud d'Edmonton, en 2023.
«Ce que nous attendons de la Couronne – ce à quoi vous et le public devriez vous attendre –, c'est qu'elle défende ardemment la justice», a fait valoir le chef de la police par intérim, Warren Driechel, dans une lettre adressée à la sous-ministre adjointe responsable des procureurs de la Couronne de la province, Kim Goddard.
«Malheureusement, jusqu'à présent, nous n'avons pas constaté cela dans cette affaire.»
Le service affirme que la lettre constitue une «mesure extraordinaire», mais que «permettre la conclusion de cet accord porterait atteinte à l'administration de la justice et constituerait une grave erreur judiciaire».
La police ajoute qu'elle est «fréquemment consternée» par les décisions des procureurs.
Shawn King, président de l'Association des avocats plaidants en droit pénal, a qualifié la lettre de «tactique d'extorsion», car elle promet de divulguer des détails inédits de l'affaire. «C'est extrêmement inapproprié», s'est insurgé l'avocat de la défense mardi.
«Ils sont chargés de mener ces enquêtes criminelles et de transmettre les preuves au procureur de la Couronne pour qu'il les traite en toute impartialité. Et maintenant, la police empiète directement sur le pouvoir de la Couronne de procéder comme elle l'entend, comme si elle était une quasi-ministre de la Justice.»
Breena Smith, présidente de l'Association des procureurs de la Couronne de l'Alberta, a refusé de commenter, car l'affaire et l'objet de la lettre sont devant les tribunaux.
Au total, cinq personnes ont été accusées en lien avec le décès de la fillette.
Deux hommes ont plaidé coupables cet été d'atteinte à la dignité d'un corps et ont été condamnés à près de trois ans de prison. Le temps déjà passé en prison a été pris en compte et ils ont été libérés.
Deux autres sont accusés de complicité de meurtre et d'atteinte à la dignité d'un corps.
La police a déclaré qu'au moins trois des accusés étaient connus de la victime.
Lisa Johnson, La Presse Canadienne