Une église poursuit Montréal en lien avec une amende pour avoir accueilli Sean Feucht

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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — La Ville de Québec n'est pas la seule à faire face à une poursuite judiciaire en raison de la façon dont son administration a réagi à un concert prévu de Sean Feucht, chanteur chrétien américain connu pour ses liens avec le mouvement «MAGA» du président américain Donald Trump.
La Ville de Montréal est également poursuivie en justice pour avoir infligé une amende de 2500 $ à une église qui avait accueilli le chanteur, dont les opinions sur «l'idéologie du genre», l'avortement et la communauté LGBTQ+ avaient fait de lui une figure controversée au Canada au moment du lancement de sa tournée canadienne, l'été dernier.
La semaine dernière, l'organisateur de la tournée de Feucht a intenté une poursuite contre la Ville de Québec après que les autorités eurent annulé un spectacle du musicien prévu le 25 juillet dans une salle du centre-ville gérée par la Ville. L'organisateur de la tournée s'est retrouvé à la recherche d'autres lieux disposés à accueillir Feucht, dont les spectacles à Halifax, Moncton et Charlottetown avaient déjà été annulés. L'équipe de Feucht a alors décidé de se rendre à Montréal.
L'Église évangélique Ministerios Restauración, située dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, a accueilli à la hâte la représentation le 25 juillet, contre l'avis des autorités municipales. Le pasteur Bernaby Quevedo annonce que son église a intenté une poursuite devant la Cour supérieure contre l'administration de Montréal en septembre, estimant que la Ville a abusé de son pouvoir.
«Nous aurions pu payer l'amende, mais je crois qu'il est préférable de créer un précédent, afin que la Ville de Montréal, surtout dans des cas comme celui-ci, ne puisse pas simplement imposer des amendes parce qu'elle désapprouve la façon dont un sujet est abordé», a-t-il déclaré à La Presse Canadienne lors d'une entrevue.
Les poursuites engagées à Montréal et à Québec témoignent du débat qui agite le Canada depuis la tournée de Feucht: jusqu'où les villes doivent-elles aller pour protéger la liberté d'expression, notamment lorsqu'il s'agit de personnes dont les opinions sont jugées haineuses par certains?
La poursuite intentée par Bernaby Quevedo demande une révision judiciaire de la décision de la Ville d'imposer l'amende et réclame 10 000 $ en dommages-intérêts, ainsi qu'une déclaration du tribunal selon laquelle la Ville a violé les droits de l'église garantis par la Charte. Sean Feucht n'est pas désigné comme plaignant, mais comme tierce partie.
La Ville de Montréal a refusé de commenter la poursuite et n'a pas encore déposé de défense.
Un règlement d'urbanisme évoqué
À la fin du mois de juillet, des porte-parole de la Ville avaient justifié l'amende en faisant valoir que le règlement d'urbanisme de l'église n'autorisait pas les concerts. Ils avaient également mentionné que le spectacle allait à l'encontre des «valeurs d'inclusion, de solidarité et de respect prônées à Montréal», où les «discours haineux et discriminatoires» ne sont pas tolérés.
La Presse Canadienne a obtenu une copie du règlement d'urbanisme de l'église, qui la désigne comme un «lieu de culte et un couvent». Le pasteur Quevedo raconte que, lorsque quatre inspecteurs municipaux sont arrivés le matin du spectacle pour l'avertir que son église risquait une amende, il a tenté de leur expliquer que le spectacle était une expression de culte et, par conséquent, autorisé par le règlement d'urbanisme. Les inspecteurs n'étaient pas d'accord.
«J'ai dit: "Je comprends ce que vous essayez de dire, mais ça n'a aucun sens"», a-t-il expliqué.
«J'ai un peu haussé le ton, mais c'était juste parce que je voulais qu'ils m'expliquent ce qu'ils considéraient comme du culte, et ils n'ont pas su me le faire.»
Le pasteur affirme que, selon lui, les agissements de la Ville n'avaient rien à voir avec le règlement d'urbanisme – des concerts sont régulièrement organisés dans les églises de toute la ville, dit-il – mais concernaient uniquement les personnes invitées.
Le chanteur chrétien se décrit comme musicien, missionnaire, auteur et militant. L'année dernière, Feucht avait évoqué le Mois de la fierté comme une occasion de découvrir «quelles personnes, quelles entreprises, quels influenceurs, quelles sociétés et quels ministères ont vendu leur âme à un agenda démoniaque cherchant à détruire notre culture et à pervertir nos enfants». Ses opinions religieuses et politiques ont attiré l'attention de l'administration Trump. Le magazine «The Atlantic» l'a qualifié de nationaliste chrétien et de «superstar MAGA».
La Presse Canadienne n'a pas pu joindre Sean Feucht.
Bernaby Quevedo dit que toute personne est la bienvenue dans son église, quelles que soient ses convictions. Quant à Feucht, le pasteur l'a décrit comme aimable et «ouvert à la discussion».
De l'intimidation, selon un avocat
Olivier Séguin, l'avocat représentant l'église, estime que la conduite de la Ville – ses commentaires sur l'église dans les médias, sa décision d'envoyer quatre inspecteurs, l'amende de 2500 $ – s'apparente à de l'intimidation.
«Ils ont fait cela uniquement pour plaire au public», a-t-il soutenu, ajoutant que la Ville n'avait jamais fait part de ses préoccupations en matière de sécurité à l'église avant le concert.
La contestation judiciaire est parrainée par le Democracy Fund, un organisme de bienfaisance canadien qui finance également l'appel de Tamara Lich, reconnue coupable de méfait pour son rôle d'organisatrice du «convoi de la liberté» qui a paralysé le centre-ville d'Ottawa au début de 2022.
Mark Joseph, avocat et directeur des litiges de l'organisme, a qualifié la conduite de la Ville de Montréal de «particulièrement scandaleuse», soulignant que le culte chrétien «implique souvent de la musique et des chants».
Il a ajouté ne pas comprendre en quoi l'église aurait enfreint son propre code du bâtiment. «Il appartiendra à la Ville de convaincre le tribunal que les chants religieux pendant le culte ne sont pas autorisés à Montréal (…) et que tout chrétien qui s'y adonne s'expose à une amende de 2500 $.»
Le Centre juridique pour les libertés constitutionnelles finance la poursuite contre l'administration de la Ville de Québec.
Miriam Lafontaine, La Presse Canadienne