Une élection en 2026 sera impossible avec la guerre, selon l'Autorité palestinienne


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Par La Presse Canadienne, 2025
OTTAWA — L'Autorité palestinienne affirme que son engagement d'organiser des élections en 2026 – une condition d'Ottawa pour reconnaître l'État palestinien – ne sera pas respecté si la guerre à Gaza se poursuit l'année prochaine.
Omar Awadallah, vice-ministre palestinien des Affaires étrangères, a également déclaré à La Presse Canadienne qu'une élection n'aura lieu que si les Palestiniens des trois enclaves peuvent voter.
«Une fois que la guerre et le génocide cesseront à Gaza, d'ici un an, nous pourrons tenir des élections dans les territoires palestiniens occupés», a-t-il indiqué.
L'Autorité palestinienne insiste sur son engagement à mener des réformes qui lui permettront de bâtir un pays prospère capable de coexister pacifiquement avec Israël – même si l'ambassadeur d'Israël au Canada affirme que l'on ne peut pas faire confiance aux dirigeants palestiniens actuels.
En juillet, le premier ministre Mark Carney a annoncé l'intention du Canada de reconnaître officiellement un État palestinien. Il a également déclaré que la reconnaissance serait «préalable à l'engagement de l'Autorité palestinienne à mener des réformes indispensables».
Un communiqué de presse du gouvernement indiquait que ces réformes comprenaient la tenue d'«élections générales en 2026 auxquelles le Hamas ne pourra pas participer», des réformes de la gouvernance et la démilitarisation.
Le gouvernement a ensuite précisé que, si la reconnaissance intervenait en septembre, la normalisation des relations entre le Canada et l'État palestinien – qui comprendrait la transformation de la mission diplomatique de l'Autorité palestinienne à Ottawa en une ambassade à part entière – arriverait plus tard, une fois les conditions du Canada remplies.
En septembre, quelques jours seulement avant que le Canada ne procède à la reconnaissance, de hauts responsables gouvernementaux ont informé les médias à condition de conserver leur anonymité.
Ils ont déclaré que le président palestinien Mahmoud Abbas et son ministre des Affaires étrangères s'étaient engagés à mener des réformes et ont fait le point sur les progrès réalisés lors d'appels avec M. Carney et la ministre des Affaires étrangères, Anita Anand.
Les responsables ont ajouté que les conditions posées par le Canada à la normalisation comprenaient également la révision du programme scolaire afin que les élèves palestiniens ne reçoivent pas de messages antisémites, et la fin des versements de l'Autorité palestinienne aux familles des personnes emprisonnées pour le meurtre d'Israéliens.
Les responsables ont déclaré que le président Abbas avait mentionné ces questions dans une lettre envoyée à M. Carney, bien que ni Ottawa ni l'Autorité palestinienne n'aient publié cette lettre.
«Par respect pour les relations diplomatiques internationales, aucune copie ne sera communiquée», a écrit Pierre Cuguen, porte-parole du Conseil privé.
La délégation palestinienne a dit qu'elle ne partagerait pas la lettre «car elle n'a pas été rendue publique», mais a précisé que son contenu était similaire à celui de la lettre de M. Abbas publiée par le gouvernement français.
Des réformes pour le bien de la Palestine
Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne jeudi, pour expliquer les engagements, Omar Awadallah a présenté les mesures comme des réformes entreprises par la Palestine pour éviter de devenir un «État défaillant», plutôt que comme des conditions imposées par des pays extérieurs.
«Nous sommes heureux que le Canada ait reconnu l'État de Palestine, et nous y attachons une grande importance. Mais nous ne nous sommes pas engagés sur ces questions uniquement pour la reconnaissance», a-t-il expliqué.
«Nous accomplissons tout ce que nous jugeons approprié pour le peuple et la société palestiniens.»
M. Awadallah a affirmé qu'une élection – qui serait la première depuis 2006 – ne pourrait avoir lieu dans les territoires palestiniens avant douze mois complets après la fin du conflit à Gaza.
«À Gaza, nous n'avons même pas d'électricité, d'eau, de nourriture, rien. Il nous faut donc au moins un an pour préparer ces élections», a-t-il argué.
Il a ajouté qu'Israël devait permettre aux Palestiniens de Jérusalem-Est et de Cisjordanie de voter, sans détenir de candidats. Un vote n'aura lieu que lorsque cela sera possible dans les trois enclaves, a-t-il précisé.
Israël occupe ces trois zones depuis la guerre des Six Jours de 1967. Le Canada et la plupart des autres pays considèrent cette occupation comme illégale.
Le rôle du Hamas
L'Autorité palestinienne contrôle de vastes zones de la Cisjordanie par l'intermédiaire du Fatah. Le Hamas, que le Canada a classé comme groupe terroriste, contrôle totalement Gaza depuis qu'il a chassé l'Autorité palestinienne lors de la guerre de 2006.
M. Awadallah a déclaré que le Hamas ne participerait pas à un futur gouvernement palestinien, à moins qu'il n'accepte les accords d'Oslo, qui l'engagent à reconnaître Israël et à assurer une coexistence pacifique.
«Si le Hamas déclare respecter le droit international et les engagements de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), il participera à ces élections», a-t-il souligné.
Il a ajouté que l'engagement de démilitariser l'État de Palestine nécessiterait des garanties de sécurité et, éventuellement, des forces étrangères pour maintenir la paix.
«Si nous avons une sécurité régionale structurelle pour tous, alors nous considérerons qu'il n'y a pas besoin d'armée. Et c'est conditionnel, a-t-il affirmé. Mais si Israël poursuit son génocide, je ne pense pas que la paix puisse être obtenue en tuant d'autres personnes.»
Il a affirmé que la politique controversée de l'Autorité palestinienne, consistant à verser des transferts financiers aux familles des auteurs d'assassinats d'Israéliens, était abandonnée et remplacée par un nouveau programme d'aide sociale qui évalue les besoins financiers des familles. Ce changement est actuellement audité par une multinationale, a-t-il précisé.
Concernant la réforme de l'éducation, M. Awadallah a noté qu'il s'agissait d'un changement plus vaste visant à améliorer l'alphabétisation et non à éradiquer l'extrémisme présumé contre le peuple juif.
Les groupes pro-Israël affirment que les manuels scolaires distribués aux écoles palestiniennes ces deux dernières années manquent encore de contexte, ce qui diffame Israël et les Juifs. M. Awadallah a affirmé que les politiques israéliennes alimentent l'extrémisme.
«Il n'y a aucune incitation dans nos manuels. La plus grande incitation en Palestine est la présence d'une occupation illégale», a-t-il déclaré, ajoutant qu'il ne s'agit pas d'un conflit religieux.
«Les Juifs n'ont rien à voir avec les crimes commis par Israël contre notre peuple.»
M. Awadallah a indiqué que des réformes plus vastes de la gouvernance étaient en cours dans le cadre d'un plan élaboré par l'Autorité palestinienne avec l'Union européenne. Le Canada a récemment promis 47 millions $ pour soutenir ces réformes judiciaires, économiques et de gouvernance.
Israël n'y croit pas
Mais l'ambassadeur israélien Iddo Moed, citant le fait que Mahmoud Abbas n'ait pas publié sa lettre à M. Carney, a déclaré qu'il y avait «toutes les raisons de douter» que l'Autorité palestinienne prenne des mesures en faveur de la paix.
«Nous ne pensons pas que l'Autorité palestinienne puisse tenir les réformes promises. Nous serions curieux de savoir si elle l'a fait par écrit», a-t-il déclaré.
«L'Autorité palestinienne a négligé de respecter ses engagements des 30 dernières années en matière de déradicalisation, de réforme des manuels scolaires ou de reconnaissance d'Israël comme patrie du peuple juif.»
«Ils ont déjà obtenu ce qu'ils demandaient, à savoir la reconnaissance, alors ils prendront leur temps.»
M. Moed a déclaré que si la plupart des Palestiniens souhaitent vivre en paix aux côtés d'Israël, leurs dirigeants actuels sont réticents à engager des négociations de bonne foi et qu'une «remise à plat totale» de la gouvernance palestinienne est nécessaire.
«Ils doivent parvenir à un accord avec l'État du peuple juif, Israël, a-t-il plaidé. Et nous n'en voyons aucune perspective.»
Dylan Robertson, La Presse Canadienne