Une nouvelle étude montre l'ampleur de l'anxiété climatique des Canadiens


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Par La Presse Canadienne, 2025
Deux nouvelles études contribuent à constater l'ampleur de l'impact des changements climatiques sur la santé mentale des Canadiens.
Une étude nationale publiée mardi montre qu'environ 2,3 % des Canadiens ressentent une anxiété climatique à un niveau que les auteurs considèrent comme étant «cliniquement pertinent», causant une détresse et des perturbations importantes dans leur vie.
Les manifestations sévères de l'anxiété climatique sont plus fréquentes chez les personnes ayant subi directement les impacts des changements climatiques, chez les femmes que les chez les hommes, chez les habitants du nord du Canada que ceux du Sud, chez les jeunes générations que les générations plus âgées, chez les habitants des centres urbains que ceux des zones rurales, et chez les personnes à faibles revenus.
L'étude, publiée dans la revue scientifique «Nature Mental Health», suggère également que les Premières Nations présentent la prévalence la plus élevée d'anxiété climatique sévère parmi tous les groupes, soit près de 10 %.
L'étude indique que ce chiffre pourrait refléter les impacts climatiques disproportionnés auxquels les communautés autochtones sont confrontées en raison des feux de forêt, du recul de la banquise arctique et des hivers plus doux, ainsi que l'importance accrue du lien entre la santé humaine et la santé de la planète dans leur vision du monde.
Une deuxième étude, publiée à la fin du mois dernier et rédigée par un autre groupe de chercheurs, a révélé que 37 % des adolescents canadiens ayant répondu à un sondage ont déclaré que les changements climatiques avaient un impact sur leur santé mentale.
Les changements climatiques, provoqués par les émissions de gaz à effet de serre, entraînent de graves répercussions sur la santé des Canadiens, allant de la dégradation de la qualité de l'air due à l'intensification des feux de forêt à la propagation vers le nord d'insectes porteurs de maladies qui prospèrent lors des hivers plus doux et des étés plus longs.
Pourtant, les impacts des changements climatiques sur la santé mentale pourraient être sous-estimés au pays, selon un rapport de 2022 commandé par l'Agence de la santé publique du Canada. Cela pourrait laisser la santé publique en sous-effectif et mal préparée pour gérer le problème, selon le rapport.
L'anxiété climatique désigne souvent la détresse accrue ressentie par une personne face à la menace imminente des changements climatiques. Ces craintes peuvent être ancrées dans une expérience directe de conditions météorologiques extrêmes ou dans l'exposition à des messages sur les changements climatiques.
Certains chercheurs considèrent que craindre les changements climatiques constitue une réponse saine à l'ampleur de la crise, susceptible d'inciter à agir pour la résoudre. Cependant, chez certaines personnes, des manifestations sévères d'anxiété climatique peuvent commencer à perturber le quotidien et refléter les symptômes d'un trouble d'anxiété généralisée, comme des pensées obsessionnelles, de l'appréhension, des difficultés de concentration et des cauchemars.
Une gravité sous-estimée?
Pour déterminer la prévalence de cette anxiété climatique sévère au Canada, l'équipe de recherche à l'origine de l'étude publiée mardi a interrogé 2476 personnes de partout au pays. On leur a posé une série de questions adaptées d'une échelle d'anxiété climatique largement utilisée par d'autres chercheurs étudiant la question.
Ces questions portaient notamment sur la fréquence à laquelle les pensées liées aux changements climatiques peuvent perturber le sommeil ou la concentration de la personne, la fréquence à laquelle elle se demande pourquoi elle réagit de cette façon et la fréquence à laquelle ses sentiments affectent négativement sa vie quotidienne.
Les symptômes d'une personne étaient considérés comme cliniquement significatifs si, en moyenne, ses pensées ou sentiments anxieux concernant les changements climatiques perturbaient sa routine et sa vie quotidiennes au moins parfois, plutôt que rarement ou jamais.
Alors que 2,3 % des répondants présentaient cette manifestation plus grave d'anxiété climatique, environ 15 % ont signalé au moins un symptôme, indique l'étude coécrite par des chercheurs de l'Université de l'Alberta et de l'Université Acadia.
L'anxiété climatique semble moins fréquente au Canada que dans d'autres pays, ont indiqué les auteurs, tout en soulignant plusieurs difficultés liées à la comparaison des études. D'autres études ont révélé une prévalence d'environ 9,4 % en Australie, 3,6 % au Royaume-Uni et 11,6 % dans les pays européens et africains francophones, ont précisé les auteurs.
L'un des défis de la comparaison des études réside dans une question plus profonde: à quel moment les inquiétudes se transforment-elles en ce que l'on pourrait qualifier d'anxiété climatique?
Les auteurs ont noté que des recherches récentes menées en Australie suggèrent que le seuil couramment utilisé sur l'échelle d'anxiété climatique utilisée dans l'étude de mardi pourrait être trop élevé, la «détresse clinique» étant plus faible qu'on ne le pensait auparavant.
«Notre étude sous-estime peut-être la prévalence et la gravité de l'anxiété cliniquement pertinente liée aux changements climatiques au Canada», ont-ils déclaré.
Par ailleurs, les auteurs de l'étude sur la santé mentale des adolescents ont adopté une approche différente. Ils ont demandé à plus de 800 Canadiens âgés de 13 à 18 ans s'ils pensaient que les changements climatiques avaient un impact sur leur santé mentale. Parmi ceux qui ont répondu oui, environ un quart ont affirmé que leur santé mentale était «fortement» affectée.
Les adolescents, dont les réponses étaient anonymes, pouvaient ensuite répondre à une question ouverte décrivant ces impacts. Certains ont parlé d'incertitude quant à l'avenir et de leurs craintes quant à la parentalité face à la dégradation des conditions environnementales. D'autres ont exprimé leur anxiété à l’approche de la saison des feux de forêt ou leur tristesse face à l'inaction des personnes influentes.
Une jeune fille de 18 ans du Nouveau-Brunswick a déclaré avoir été attristée de constater que «les grandes entreprises qui produisent des quantités importantes de dioxyde de carbone préfèrent avoir beaucoup d'argent plutôt qu'une planète en bonne santé».
Jordan Omstead, La Presse Canadienne