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Impacts des nouvelles mesures en immigration

La main-d’œuvre étrangère est cruciale pour la Beauce

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7 octobre 2024
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Sylvio Morin
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Par Sylvio Morin, Chef des nouvelles

La Table stratégique en immigration de la Beauce sonne l’alarme sur les impacts des nouvelles mesures en immigration, adoptées cette année par Ottawa et Québec, qui risquent d'aggraver les défis déjà pressants en la matière, pour de nombreuses entreprises beauceronnes.

« Ces restrictions frappent directement les entreprises de la Beauce qui ont encore un besoin crucial de travailleurs étrangers pour maintenir leurs opérations à flot », a déclaré Gaétan Vachon, préfet de la MRC de La Nouvelle-Beauce et représentant de la Table stratégique, lors d'une conférence de presse ce matin à Sainte-Marie.

En effet, au cours des derniers mois, les deux paliers de gouvernement ont procédé à l’annonce de différentes mesures en matière d’immigration parmi les suivantes:

— L’intention d’exiger le niveau 4 en francisation à l’oral pour les personnes assujetties au Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET);

—  La décision de ne pas augmenter le financement des Centres de services scolaires pour
développer l’offre en francisation;

—  Le pourcentage d’embauche pour les postes à bas salaires est passé de 20% à 10% de l’effectif total d’employés (entrée en vigueur le 26 septembre 2024). Cette mesure s’applique également aux postes à bas salaire qui sont admissibles au «traitement simplifié» dans la province du Québec;

— Le gel de six mois dans la délivrance des permis pour les TET qui s’établissent à Montréal (entrée en vigueur le 3 septembre 2024);

—  L’arrivée de contraintes règlementaires pour limiter la venue d’étudiants étrangers au Québec. 

Ces restrictions pourraient engendrer un impact économique négatif, particulièrement dans un contexte où, malgré une stabilisation des intentions de recrutement à l'international, la main-d'œuvre étrangère demeure indispensable, voire vitale pour la survie de plusieurs secteurs d'activités de la région, a souligné M. Vachon.

Taux de chômage historiquement bas
La région de la Beauce et de Chaudière-Appalaches se distingue avec l’un des plus bas taux de chômage au Canada, enregistré à 2,9 % en août 2024, même si le taux de chômage augmente ailleurs au Québec, où il atteint 5,8 %, a indiqué Hélène Latulippe, directrice générale du Conseil Économique de Beauce.

Lors de la conférence de presse, elle a rendu publique quelques données du Portrait de l’immigration actuelle et à venir en Beauce, basé sur un sondage mené en juin dernier auprès de 162 entreprises de la région, qui montre que plusieurs d'entre elles dépendent de l'immigration temporaire pour pourvoir des postes «bas salaires», ceux précisément visés par les nouvelles restrictions.

Ainsi, sur les 162 entreprises ayant complété le sondage, 106 d’entre elles employaient des travailleurs étrangers temporaires (TET) en juin 2024, ce qui représente 65 % des répondants. En chiffres absolus, cela représente 1734 travailleurs étrangers temporaires, répartis dans toutes les MRC, mais concentrés dans la MRC de Beauce-Sartigan et la MRC de La Nouvelle-Beauce.

Sur les 1 734 TET présents en Beauce, 43 % (soit 749 TET) sont arrivés en Beauce au cours des 12 derniers mois, ce qui représente 72 % d’arrivées de plus que les prévisions de l’an dernier dont le nombre était estimé à 436 nouveaux travailleurs à venir. En chiffre absolu, cela représente 221 travailleurs de plus que prévu en Beauce-Sartigan, 66 en Nouvelle-Beauce et 26 en Beauce-Centre.

Mme Latulippe a précisé que le recrutement international connaît également des changements notables, avec une montée en puissance des recrutements en Afrique, qui représente désormais 33 % des travailleurs étrangers, contre 26 % l'année précédente. Bien que les besoins de main-d'œuvre demeurent élevés, le recrutement à l’international devrait se stabiliser au cours des 18 prochains mois, avec 501 nouveaux TET attendus.

« Le contexte économique a eu un impact direct sur la variation du nombre d’immigrants présents dans notre région et affectera également les intentions de recrutement à l’international à venir », de dire la directrice générale du CEB.

En effet, en juin 2024, 28 entreprises avaient été contraintes à effectuer des mises à pied au cours des six premiers mois de l’année ainsi que 13 entreprises à établir un horaire de travail à temps partagé. Au total, ce sont 307 travailleurs qui ont été affectés par l’une de ces deux mesures. C’est en Beauce-Sartigan et en Beauce-Centre que les perturbations se sont fait le plus ressentir puisque le tiers des répondants ont été contraints de réduire leurs effectifs de façon définitive ou temporaire.

Aussi, pour les prochains mois, 10 entreprises confirment qu’elles devront effectuer des mises à pied d’ici la fin de l’année 2024 affectant 262 travailleurs, tandis que 29 entreprises ont indiqué sans certitude qu’elles pourraient elles aussi être contraintes à annoncer des mises à pied.

C'est en tout cas ce qu'envisage le président de Deflex Composite, Serge Jacques, une entreprise de Saint-Victor qui fabrique des produits en fibre de verre. « J'ai quatre joueurs (travailleurs étrangers) qui opèrent mon chiffre de soir. Si je les perd, je vais devoir fermer (ce quart de travail). Si je peux pas continuer en Beauce, je vais transférer à mon usine des États-Unis [...] C'est pas ce que j'ai envie de faire mais je peux pas prendre certains projets parce que je suis limité dans la main d'oeuvre. C'est un gros frein au développement », a-t-il fait savoir durant la conférence de presse.

Moduler les mesures
Si la Table stratégique reconnaît que la forte augmentation de l’immigration ces dernières années justifie la mise en place de certaines régulations, il est essentiel qu'elles tiennent compte des spécificités économiques et humaines de la région, quelles soient «modulées», estime le porte-parole Gaétan Vachon.

Les représentants du groupe ne sont pas contre les régulations en immigration, assure le directeur général du CJE Beauce-Sud, Martin Beaulieu. « On est plutôt favorable à une bonne mise en place de cette régulation [...] Nous on vit dans le communautaire. Avec ce qui est présentement proposé, on le voit qu'il y a une détresse qui s'installe (parmi les travailleurs étrangers). La stratégie actuelle risque de mettre encore plus de poids sur le filet social du fait de licencier des employés dont on a besoin », a-t-il signalé, tout en rappelant les effets du déracinement sur le facteur humain.

La Table stratégique formule cinq demandes aux gouvernements:

• Accorder des droits acquis aux travailleurs étrangers temporaires actuellement en poste et qui seraient visés par la nouvelle règle limitant à 10 % l'embauche de TET, en particulier ceux qui sont déjà engagés dans des démarches de francisation et d’intégration.

• Maintenir le taux d’embauche de TET à 20 % pour certains secteurs essentiels, tels que les
fabricants d’intrants à la construction, incluant le secteur de la préfabrication. Ces secteurs sont cruciaux pour l’accélération des chantiers de construction, un objectif clé du gouvernement pour augmenter l’offre de logements dans les prochaines années.

• Mettre en place un préavis suffisant avant l’application de la limite de 10 % pour permettre aux entreprises de s’adapter et de respecter leurs engagements envers leurs travailleurs étrangers.

• Prévoir un délai raisonnable pour toutes nouvelles mesures auprès des institutions scolaires afin de permettre à ces dernières de s’adapter et de respecter leurs engagements auprès des étudiants.

• Assouplir l’application des nouvelles règles pour les entreprises fortement dépendantes de la main-d'œuvre étrangère, afin de prévenir toute déstabilisation immédiate.

• Offrir une meilleure prévisibilité et une consultation plus étroite avec les acteurs locaux pour prendre en compte les réalités économiques et sociales spécifiques à la région.

« Ce qu'on veut, c'est garder nos travailleurs étrangers temporaires. C'est ça le souhait. Les entreprises les ont choisis, les ont sélectionnés, ils correspondent aux besoins du marché du travail. Ils sont ici, ils sont intégrés, ils sont en période de francisation, on veut les conserver », a clairement affirmé Mme Latulippe.

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