Ancien premier ministre du Québec
Relation Canada-États-Unis: «Le timing est très bon», juge Jean Charest

Par La Presse Canadienne
Le Canada jouit d'un moment propice face aux États-Unis, juge l'ancien premier ministre du Québec et membre du Conseil du premier ministre Mark Carney sur les relations canado-américaines Jean Charest.
«Le "timing" est très bon. À mon avis, on est bien partis», a-t-il déclaré en entrevue avec La Presse Canadienne en marge d'un événement de l'industrie pharmaceutique, jeudi, à Ottawa.
À son avis, la rencontre de M. Carney avec le président américain Donald Trump à la Maison-Blanche «a été un succès, a été bonne», y compris au niveau de «l'approche» et de «la connexion» entre les deux hommes.
Ils se retrouveront d'ailleurs le mois prochain à Kananaskis, en Alberta, où M. Carney présidera le sommet du G7.
«C'est une occasion pour le président américain d'avoir un président de G7 qui va le connaître et qui va lui permettre d'atteindre les objectifs qu'il va se fixer», a souligné M. Charest.
L'ancien premier ministre, qui était l'invité d'honneur lors de l'événement de clôture, s'est dit «optimiste» face à l'avenir et projette que «cette histoire de droits de douane» va prendre fin.
«Il (Donald Trump) migre vers le processus du budget. Et il a les élections de mi-mandat qui approchent. Les sondages des 100 premiers jours sont très mauvais pour lui», a noté M. Charest.
Selon lui, si M. Trump ne remonte pas la pente et que les républicains performent mal lors des élections de mi-mandat, il pourrait bien devenir «un canard boiteux», soit un élu en fin de mandat qui perd en influence.
M. Charest, qui est revenu à la pratique du droit, a dit constater que «de toute évidence» Mark Carney est respecté par le président Trump.
Selon lui, les deux hommes négocieront «un grand compromis» qui comprendra non seulement les enjeux commerciaux, mais également ceux de sécurité.
«Et en élargissant la conversation, il y a davantage de chances que l'on aboutisse à un endroit où l'on est satisfaits avec l'entente», a-t-il déclaré aux conférenciers.
Sourire en coin, il leur a dit de garder à l'esprit que, «à la fin», Donald Trump doit pouvoir dire qu'il a gagné. «C'est absolument essentiel. Quoi qu'il arrive, les amis, il a gagné et nous avons perdu», a insisté M. Charest.
En entrevue, M. Charest, qui avait échoué, face à Pierre Poilievre, à devenir chef du Parti conservateur du Canada en septembre 2022, a écarté toute possibilité d'un retour en politique. «Non, non», a-t-il répondu du tac au tac avant même la fin de la question.
«J'ai fait mon tour de piste, a-t-il poursuivi. J'ai fait ce que je voulais faire. Je suis très heureux dans le cabinet d'avocats où je suis. (...) Ma vie est bonne. Je suis très actif. Je continue à m'impliquer en politique avec un grand «P» sur les enjeux de politiques publiques. Alors, je n'envisage aucun retour en politique.»
M. Charest a catégoriquement refusé de commenter la défaite des conservateurs lors des récentes élections fédérales et l'absence d'un budget fédéral printanier, si ce n'est que pour se vanter d'en avoir présenté «de très bons» lorsqu'il était à la tête du Québec.
Pipelines
Appelé à commenter l'idée de construire un pipeline pour transporter le pétrole bitumineux de l'Ouest vers la côte Est du pays et ainsi diversifier les marchés, il a affirmé que «tout ça est jouable dans la mesure où il y a une volonté politique de le faire».
Or, ce n'était pas le cas à l'époque où le projet Énergie Est de TransCanada – dont il a été conseiller – était sur la table, ce qui a empêché que les morceaux tombent en place.
«La guerre en Ukraine a changé la perspective, et la relation avec les États-Unis change la perspective», a noté M. Charest. Cela dit, il insiste que, pour l'instant, il n'y a pas de projet et que l'enjeu de faire passer le tuyau par toutes les provinces est hypothétique.
Jeudi, le premier ministre du Québec, François Legault, avait continué d'ouvrir la porte à des projets d’oléoduc en réponse à la guerre tarifaire menée par Donald Trump, arguant qu'il sent de l'ouverture de la part des Québécois. Il évoquait même un projet qui passerait au nord de la province et qui déboucherait au port de Sept-Îles.
Ce qui «réjouit beaucoup» M. Charest est de constater qu'il y a davantage de concertation fédéral-provincial depuis l'arrivée du nouveau premier ministre, ce qui est «essentiel» pour ajuster l'économie canadienne. «M. Carney tend la main aux provinces», a-t-il dit.
«Et ça, à mon avis, c'est absolument essentiel pour faire fonctionner le pays. On est un pays très décentralisé et, si on veut que le pays fonctionne efficacement, il faut absolument une coordination entre les deux paliers de gouvernement.»
En campagne électorale, de passage à Calgary, la capitale canadienne du pétrole, M. Carney avait déclaré vouloir faire du Canada «une superpuissance énergétique», notamment par le développement des énergies «conventionnelles».
Les premiers ministres des provinces et territoires et le premier ministre Carney se rencontreront en personne à Saskatoon dans deux semaines. En annonçant la tenue de la réunion, M. Carney avait précisé que les élus se concentraient sur le renforcement de la résilience économique du Canada.
Le spectre d'une séparation de l'Alberta, qu'évoque publiquement sa première ministre Danielle Smith, planera sur la rencontre, mais son homologue ontarien Doug Ford s'est enthousiasmé que M. Carney témoigne de l'«affection» pour les deux provinces énergétiques des prairies.
En répondant à une question d'un panéliste, M. Charest, qui a composé avec le mouvement souverainiste québécois, a jugé que le séparatisme albertain doit être pris au sérieux.
Plus tôt, il avait jugé que les Albertains «ont raison» d'être frustrés en constatant que le pays n'était pas au même diapason dans les dernières années lorsqu'il était question de projets d'énergie.
Quant au mouvement pour l'indépendance du Québec, «il ne disparaîtra jamais», a soutenu M. Charest, sans s'étaler.
Michel Saba, La Presse Canadienne
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.