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Organisme Le Sentier

La thérapie par les chevaux utilisée pour soigner les vétérans

durée 14h00
10 novembre 2024
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Par La Presse Canadienne

À Mirabel dans les Laurentides, des vétérans de l’Armée canadienne participent à des thérapies où les chevaux sont utilisés pour soigner les blessures psychologiques.

Depuis qu’il a fait une thérapie équine en juin dernier, Christian retourne régulièrement voir celui qu’il l’aide «à être en paix» à l’écurie Equi-Sens de Mirabel.

«Je l’ai baptisé Christian, parce qu’on est pareil, c’est un cheval qui a subi des traumatismes, comme moi», a expliqué le vétéran à La Presse Canadienne en caressant la crinière de l’étalon qui a été rescapé d’un milieu où on maltraitait les animaux.

Prendre soin du cheval calme son anxiété et l’aide à soigner des blessures psychologiques subies lors de ses années de services au sein des Forces armées canadiennes.

Christian souffre de dépression et il a de la difficulté à entrer en contact avec les autres.

«En réussissant à entrer en relation avec le cheval, j’ai moins peur d’entrer en relation avec les humains», a résumé le vétéran lorsqu’on lui demande ce que la bête lui procure.

«Depuis ce temps-là, je sens que je ne suis pas seul sur la planète. Le cheval m’apporte la paix. Maintenant j’ai moins peur, avant j’avais peur de tout. Quand je croisais quelqu’un sur la rue, je changeais de côté pour éviter de lui parler», a expliqué l’ancien soldat en faisant référence à sa crainte des interactions sociales.

La thérapie équine repose notamment sur le fait que les chevaux détectent rapidement si une personne est perturbée.

L’animal ne se laissera pas approcher facilement par quelqu'un d'anxieux ou de nerveux.

Les vétérans qui font des thérapies équines doivent donc être à l’écoute de leurs symptômes et gérer leurs émotions pour réussir à interagir avec le cheval.

«Le cheval est un outil qu’on utilise en intervention» et qui va permettre, par exemple, «de mieux outiller les vétérans à gérer leur choc post-traumatique», car «le cheval permet de mieux se connecter à soi-même et oblige à prendre conscience des symptômes physiques et physiologiques», a résumé la travailleuse sociale Marie-Pier Dusseault, de l'organisme Le Sentier, qui accompagne les vétérans.

L’ennemi de l’intérieur

Pendant la guerre froide dans les années 1980, Christian faisait partie d’un bataillon de 5000 soldats postés en Allemagne de l’Ouest et qui devaient surveiller la frontière ainsi que les soldats russes qui se trouvaient en République démocratique allemande (RDA).

Mais jamais, pendant son déploiement qui a duré 8 ans et demi, Christian n’a dû se battre contre les Russes.

La violence et les adversaires se trouvaient plutôt au sein de son propre camp.

«J’étais un bouc émissaire» et «je me faisais battre toutes les semaines», a raconté le vétéran à La Presse Canadienne.

«Je pesais 117 livres, alors dans l’armée, ils pensaient que j’étais gai, parce que j’étais petit et maigre comme un pique, alors je me faisais battre une fois par semaine et je suis devenu, avec le temps, très agressif», a-t-il ajouté.

«L’alcool et la coke faisaient partie de l’armée» et «je suis devenu alcoolique» et «dépressif pendant mon séjour là-bas», a résumé le vétéran.

Il a expliqué qu’un soir, un autre militaire l’a «laissé pour mort», après l’avoir battu.

Mais «une chance que j’étais saoul» et que «mon corps était mou», parce que «sinon, il m’aurait tué».

Près de 40 ans de souffrance

Christian a été libéré des Forces armées il y a 38 ans et les blessures psychologiques n’ont jamais été guéries.

Il y a un an, alors qu’il était dans une réunion pour alcooliques, un vétéran de l’Afghanistan lui a parlé des services offerts par l’organisme Le Sentier.

Cet organisme est dédié à l’accompagnement et la réintégration des vétérans et offre du soutien psychosocial, mais aussi administratif.

«Le gros mandat du Sentier, c’est de faire connaître tous les services qui sont offerts aux vétérans», a expliqué Marie-Pier Dusseault, en ajoutant «que souvent, lorsqu’ils quittent l’armée, ils ne connaissent pas les services auxquels ils ont droit».

La travailleuse sociale a aidé Christian à obtenir «une indemnité pour douleur et souffrance» de la part d’Anciens Combattants Canada, 38 ans après avoir quitté les forces.

Elle l’a également accompagné dans la thérapie équine, un des programmes offerts par Le Sentier.

La purge

Marco, un vétéran qui ne souhaite pas lui non plus dire son nom de famille, a un parcours similaire à celui de Christian.

Il a servi entre 1982 et 1989, et ce n’est que l'an dernier qu’il a contacté Le Sentier.

Dans son cas, c’est le visionnement d’un documentaire, appelé La Purge, qui a déclenché «un choc» et l’a amené à demander de l’aide.

La Purge fait référence aux politiques internes institutionnelles, dont l'ordonnance administrative OAFC 19-20, qui visaient à écarter les personnes LGBTQ+ des Forces armées canadiennes dans les années 1950 jusqu’aux années 1990.

En 2017, le premier ministre Justin Trudeau a d’ailleurs officiellement présenté ses excuses aux Canadiens qui ont été accusés au criminel ou renvoyés de l’armée ou de la fonction publique du Canada en raison de leur orientation sexuelle.

«Ils interdisaient la présence de déviants sexuels, selon les termes de l'époque», a résumé Marco.

«Dans mon cas, des gestes criminels ont été posés contre moi, mais on ne pouvait pas aller voir la police militaire, car, si tu disais à la police militaire que tu étais une tapette, tu te faisais mettre à la porte», a difficilement expliqué Marco.

Il a ajouté qu’un de ses amis, victime de la purge, s’était enlevé la vie.

«Imaginez, vous avez 17 ans, vous entrez dans l’armée pour servir votre pays, mais il y a des règles qui vous disent que vous n’avez pas le droit d’exister», a raconté celui qui est aujourd’hui grand-père.

Pendant plusieurs années, il avait «intégré l’idée que c’était normal de se faire agresser dans l’armée», mais après avoir regardé le documentaire, il a réalisé l'ampleur de la violence dont lui et ses amis avaient été victimes.

La thérapie équine fait partie des outils qui l’aident à guérir.

«Le cheval est un instrument, un outil» qui «nous ramène à notre humanité», a confié le vétéran en ajoutant que «l’État devrait investir davantage dans ce genre de service».

Malgré les violences qu’il a subies, Marco portait fièrement le coquelicot, symbole national du Souvenir, et une veste de vétéran, au début novembre, lorsque La Presse Canadienne l'a rencontré au centre Equi-Sens de Mirabel.

«J’ai toujours été fier d’avoir fait mon service militaire, mais, avant, je ne disais pas que j’étais un vétéran. Ce qui fait que je le dis maintenant, c’est parce que Ancien Combattant a reconnu que ce que j’ai vécu (le trouble de stress post-traumatique) est lié à mon service militaire.»

Depuis cette reconnaissance, et en raison des soins auxquels il a droit, sa vie «recommence à prendre un peu de sens».

Marco a expliqué qu’il se consacrait désormais à la cause des vétérans, particulièrement celle des adolescents soldats, qui ont subi des blessures morales ou physiques durant leur passage au sein des forces.

Stéphane Blais, La Presse Canadienne

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