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Consommons-nous trop d'électricité?

durée 18h00
16 janvier 2023
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

CONSOMMONS-NOUS TROP D’ÉLECTRICITÉ?

Depuis quelques années, Hydro-Québec souhaite que nous consommions moins d’électricité. On a même mis de l’avant certains programmes visant à nous inciter à abaisser notre consommation durant les heures de pointe, soit de 6 h 00 à 9 h 00 et de 16 h 00 à 20 h 00.

De plus, d’année en année, on revient avec l’idée d’imposer aux consommateurs une tarification modulée à savoir que les tarifs évolueraient selon les heures. Ainsi, les kilowatts (kw) consommés aux heures de pointe coûteraient plus cher.

UN PEU D'HISTOIRE

Hydro-Québec a vu le jour en 1944, alors que le Gouvernement québécois d’Adélard Godbout a nationalisé la compagnie d’électricité privée qui desservait l’île de Montréal.

En 1963, Le Gouvernement libéral de Jean Lesage, sous l’impulsion de son Ministre René Lévesque, procédait à la nationalisation des 11 compagnies d’électricité privées restantes et Hydro-Québec devenait le seul fournisseur d’électricité au Québec.

Le mandat confié à l’organisme consistait à produire, transporter et distribuer l’électricité à l’échelle du Québec.

Au cours des décennies qui ont suivi, Hydro-Québec a fait la promotion de l’utilisation de l’électricité. Dans le domaine résidentiel, on prônait le chauffage des maisons à l’électricité. La plupart des nouvelles résidences ont adopté cette façon de faire et, via des programmes d’aide, on a encouragé les propriétaires de maisons plus anciennes à se convertir à l’électricité.

Et pour répondre à la croissance de la demande, Hydro-Québec entreprend la construction de grands barrages pour favoriser la production d’hydroélectricité grâce à la source renouvelable que constitue l’eau de nos grandes rivières. 

Les uns après les autres, des grands barrages sortent de terre comme celui de Manic, ceux de la Baie James et, plus récemment, ceux des rivières de la Côte-Nord. Présentement, Hydro-Québec dispose de 61 centrales hydroélectriques. L’organisme s’approvisionne également auprès des barrages des chutes Churchill sur le territoire de Terre-Neuve et du Labrador.

Enfin, au cours des dernières décennies, Hydro-Québec a également transigé avec des entreprises privées pour produire de l’électricité à partir de parcs d’éoliennes.

UN PRIX RAISONNABLE

Grâce à Hydro-Québec, les Québécois sont parmi les consommateurs d’électricité qui paient leur énergie le moins cher en Amérique du Nord. 

Malgré ses bas tarifs, Hydro-Québec n’est pas une entreprise en difficulté financière. En 2021, ses revenus ont atteint 14,5 milliards de dollars (14,5 G$) et ses bénéfices 3,6 G$, soit une marge bénéficiaire de 25 %. À même ces bénéfices, Hydro-Québec a versé à son actionnaire unique, le Gouvernement du Québec, un dividende de 2,7 G$. De 2017 à 2021, le Gouvernement du Québec a ainsi empoché 11,12 G$. Hydro-Québec est donc une entreprise fortement rentable et c’est bien ainsi.

Au mandat de produire, transporter et distribuer l’électricité pour tous les Québécois, les Gouvernements qui se sont succédés au Québec ont ajouté la commande de verser un important dividende annuel à l’État, ce qui constitue une taxe déguisée.

DES TARIFS DIFFÉRENTS

Selon que l’on soit un consommateur résidentiel, commercial, ou industriel, les tarifs peuvent varier.

Du côté industriel, les alumineries bénéficient d’un tarif réduit et variable selon le prix mondial de l’aluminium. Ainsi, Rio Tinto (anciennement Alcan), Alcoa et Alouette jouissent des tarifs les plus bas. D’autres entreprises bénéficient également de tarifs inférieurs à ceux payés par vous et moi pour nos résidences.

Mais voilà que depuis quelques années, on s’acharne à vouloir nous imposer une tarification dynamique et modulaire qui consisterait à payer nos kilowatts à des prix différents selon l’heure de la journée où nous les consommons. 

En décembre dernier, le nouveau Ministre responsable d’Hydro-Québec, Pierre Fitzgibbon, se donnait en exemple en disant qu’il programmait son lave-vaisselle pour qu’il opère durant la nuit plutôt qu’en heure de pointe. On suggère également de baisser le chauffage de nos résidences la nuit ou durant la journée lorsque nous sommes partis au boulot. 

Le problème, c’est qu’au Québec, le matin, presque tout le monde se lève, prend sa douche et déjeune aux mêmes heures. Et le soir, tout le monde revient du boulot en fin d’après-midi, soupe et donne le bain aux marmots aux mêmes heures. 

Laver et sécher son linge et/ou sa vaisselle en fin de soirée ou en pleine nuit va à l’encontre des recommandations que l’on nous fait à savoir de ne pas faire fonctionner ces appareils lorsque l’on n’est pas à proximité au cas où surviendrait un bris de tuyau susceptible de créer un important dégât d’eau. 

CONSOMMATEUR PAYEUR

Ce qui m’agace dans cette volonté de nous amener à des tarifs dynamiques et modulaires, c’est que l’on vise à pénaliser les gros consommateurs résidentiels, alors que l’on offre des tarifs préférentiels aux gros consommateurs industriels comme les alumineries, lesquelles sont en même temps les plus gros pollueurs au Québec. 

Il y a quelques années, on se vantait d’avoir de l’électricité en trop et on souhaitait en vendre à l’étranger. C’est à ce moment que l’on a vu apparaître les projets d’exportation à New York et au Massachusetts. Maintenant, on fait référence à une possible pénurie et on avance l’idée de construire de nouveaux barrages pour accroître notre capacité de 50 %.

Avant de prendre des décisions qui auront des implications financières pour les prochaines générations, il serait peut-être bon de revenir à la base du mandat confié à Hydro-Québec, à savoir assurer la production, le transport et la distribution d’électricité pour les besoins des Québécois avant tout et de fixer des tarifs raisonnables pour assurer une consommation responsable tant pour les consommateurs résidentiels, commerciaux, institutionnels qu’industriels.

À mes yeux, nul doute qu’une réflexion s’impose. La vocation d’Hydro-Québec n’est pas d’être une vache à lait qui verse des milliards de dollars en dividendes à son unique actionnaire. Et cette réflexion, j’aimerais qu’on ne la laisse pas uniquement entre les mains des politiciens.

D’ailleurs, ces derniers nous ont déjà annoncé une augmentation des tarifs de 3 % à compter du 1er avril prochain.
 

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PENSÉE DE LA SEMAINE

Je dédie la pensée de la semaine à tous les consommateurs d’électricité que nous sommes :

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