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L'École sans professeurs

durée 18h00
21 août 2023
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

L’ÉCOLE SANS PROFESSEURS

La rentrée scolaire imminente au Québec retient l’attention pour diverses raisons, mais le manque d’enseignants qualifiés domine largement l’actualité.

En effet, selon des chiffres fournis par la Fédération québécoise des directeurs d’établissements (FQDE), il manquerait jusqu’à 5 000 professeurs qualifiés pour s’occuper des quelque 35 000 classes du secteur public québécois.

La situation est à ce point sérieuse que le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, ne parle plus d’un professeur par classe, mais tout simplement d’un «adulte» par classe.

On voyait venir

Depuis plus de dix ans, la situation actuelle se préparait sans que l’on s’en soit préoccupé.

À la fin des années 90, le Gouvernement péquiste a offert aux employés des secteurs public et parapublic des conditions favorables les incitant à prendre leur retraite prématurément. Des milliers de professeurs ont alors choisi de quitter la profession.

Au cours des derniers 10 ans, les professeurs les plus expérimentés ont atteint l’âge de la retraite et ont eux aussi quitté la profession. Encore présentement, alors que l’on forme 3 250 nouveaux professeurs annuellement, 4 200 partent à la retraite. Pas besoin d’un doctorat en mathématiques pour comprendre qu’il se crée un déficit de quelque 1 000 professeurs par année.

Autre constat important, de 20 à 25 % des nouveaux professeurs quittent la profession au cours des cinq premières années, déçus par les conditions. À cause des clauses reliées à l’ancienneté, les professeurs les plus expérimentés peuvent choisir leurs classes et ainsi éviter les cas les plus lourds comme les élèves souffrant de troubles de comportement et/ou d’apprentissage. 

Ainsi, les nouveaux professeurs héritent des classes les plus difficiles. Pourtant, cela va à l’encontre du gros bon sens. Dans n’importe quelle autre profession il ne viendrait jamais à l’idée de confier les cas les plus lourds aux personnes les moins expérimentées. Et pourtant, en éducation, cela est la règle.

Il faut également mentionner les problèmes créés par l’intégration dans les classes régulières d’élèves souffrant de troubles de comportement et/ou d’apprentissage. Au début de cette intégration, les professeurs bénéficiaient de l’assistance de spécialistes (orthophonistes, orthopédagogues, techniciens en éducation spécialisée et psychologues).

Mais, au cours des années au pouvoir du Gouvernement libéral, d’importantes coupures ont été effectuées pour des motifs purement budgétaires. Cela a fait en sorte que les professeurs se sont retrouvés à gérer ces cas problèmes sans avoir été formés en conséquence.

Pour toutes ces raisons, et plusieurs autres, le manque de professeurs dans les écoles publiques du Québec présentement est le résultat de négligences nombreuses de tous les intervenants du milieu (Gouvernements, anciennes commissions scolaires, syndicats et autres.)

Pas de solutions à court terme

Il est toujours facile de faire des constats pour tenter de comprendre une situation problématique. Mais cela ne contribue pas à régler le problème. C’est comme le médecin qui fait une autopsie. Il pourra constater les causes du décès, mais il ne pourra jamais ramener à la vie le corps devant lui.

Malheureusement, la situation actuelle en éducation ne pourra se régler à cour terme. On ne peut pas cloner des professeurs.

Parmi les éléments de solution, il faudra la collaboration de tous les intervenants pour valoriser la profession d’enseignant.

Pour ce faire, le Gouvernement devra s’attaquer à la rémunération des professeurs. L’échelle des salaires des enseignants du Québec compte 16 échelons tenant compte des années d’étude, des années d’expérience, etc. 

Au premier échelon, un professeur qualifié, après quatre ans d’université, gagnera 46 527 $. Admettez avec moi que ce n’est pas le pactole après 17 ans d’études. Au dernier échelon, un enseignant pourra gagner 92 027 $. À quelle vitesse et à quelles conditions un professeur franchit-il les 16 échelons salariales, je l’ignore, mais je m’interroge sur le nombre de ces échelons.

De l’autre côté, les syndicats qui regroupent les professeurs québécois devraient cesser de ne mettre en évidence que les problèmes reliés à la profession. En tapant constamment sur le clou des problèmes, on contribue à dévaloriser la profession et cela ne sert pas à attirer les jeunes et ainsi assurer la relève.

Je connais des professeurs qui aiment enseigner, qui vont souvent au-delà de leur tâche en mettant de l’avant des initiatives intéressantes pour leurs élèves. Ces professeurs, on ne les met jamais en évidence, comme si rien n’était agréable dans le monde de l’enseignement. En montrant les bons côtés de la profession, car il y en a, on pourrait intéresser les jeunes à choisir cette profession. 

Enfin, les parents ont aussi un rôle à jouer dans la valorisation de la profession d’enseignant. J’entends souvent des professeurs dire qu’ils ont plus de problèmes avec les parents qu’avec les élèves. Aujourd’hui, de nombreux parents souhaitent que l’école soit un fourre-tout pour s’occuper de leurs enfants. On aimerait transférer à l’école plusieurs responsabilités qui relèvent des parents. Et au lieu de chialer après les professeurs, on devrait les supporter.

Plusieurs parents disent ne pas venir à bout de contrôler leurs deux ou trois enfants turbulents. Comment pensez-vous qu’un professeur, avec plus d’une vingtaine de marmots turbulents, puisse arriver à contrôler sa classe sans imposer un certain niveau de discipline?

Pas nécessairement des incompétents

Les «adultes» que le réseau de l’éducation devra recruter au cours des prochaines semaines pour s’assurer qu’il y aura une personne responsable dans chacune des 35 000 classes québécoises ne seront pas nécessairement des incompétents.

Il s’agit, dans la grande majorité des cas, de personnes possédant une formation adéquate dans la matière à enseigner. Cependant, ils ne possèdent pas la formation requise en pédagogie. Cela est déplorable, mais il ne faudrait pas faire croire à la population que le premier venu à passer sur le trottoir face à une école puisse se retrouver responsable d’une classe. On se calme!

Malgré tous ces problèmes, souhaitons aux centaines de milliers d’élèves et aux dizaines de milliers d’enseignants et autres intervenants du milieu de l’éducation québécois une rentrée harmonieuse. 

Heureusement, l’’école sans professeurs n’existe pas.

Pensée de la semaine

Je dédie la pensée de la semaine à tous les intervenants du milieu de l’éducation :

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