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Desjardins, co-op ou banque?

durée 18h00
5 février 2024
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

L’annonce de la fermeture de nombreux centres de services et de guichets automatiques faite par la direction de Desjardins la semaine dernière a créé une onde de choc dans de nombreuses communautés au Québec. 

Depuis plusieurs années, Desjardins a entrepris une importante réforme résultant en la transformation de son réseau. De plus en plus, ce que l’on appelait auparavant les Caisses populaires Desjardins, une coopérative au service de ses membres, ressemble à une banque traditionnelle au service de ses actionnaires.

Retour aux sources

Le 6 décembre 1900, 130 personnes guidées par Alphonse Desjardins et réunies à Lévis deviennent membres de ce qui sera la toute première coopérative d’épargne et de crédit en Amérique du Nord, la Caisse populaire de Lévis. Les activités de cette dernière débuteront le 23 janvier 1901.

Alphonse Desjardins voulait ainsi faciliter l’accès aux services financiers à l’ensemble des Québécois qui ne comptaient alors que sur les services de banques canadiennes dont les intérêts ne répondaient pas toujours aux besoins des particuliers.

Au cours des ans, la formule des Caisses populaires s’est développée et a conquis des parts de marché importantes dans toutes les régions du Québec, en devenant même l’institution financière la plus importante. 

D’abord et avant tout au service de ses membres, les Caisses populaires Desjardins adoptent une structure décentralisée qui offre des services financiers abordables incluant l’épargne et le crédit. Dans les communautés où elles sont créées, ce sont les membres de ces mêmes communautés qui prennent les décisions de gestion de ces institutions. La direction n’est pas située à Montréal et/ou à Toronto comme c’est le cas pour les banques. La proximité des centres de services et de décisions est particulière aux Caisses populaires.

Avec les années, chaque institution s’implique dans son milieu, contribuant financièrement à la réalisation de nombreux projets économiques et sociaux. De plus, une partie des profits, que l’on appelle «trop perçus» chez Desjardins, est redistribuée aux membres annuellement. Ce sont les ristournes.

Cette formule fera des petits à mesure qu’elle se développera et on assistera à la création d’une foule d’autres services comme, par exemple, les assurances, chez Desjardins.

Aujourd’hui, l’ensemble du mouvement Desjardins totalise des actifs de quelque 407 milliards de dollars (407 G$). Le chemin parcouru depuis la soirée du 6 décembre 1900 aurait de quoi rendre très fiers Alphonse Desjardins et les 130 membres à la base de cette institution financière.

Une mission en transformation

Depuis le début des années 2000, le monde des Caisses populaires Desjardins a subi d’importantes transformations. L’arrivée de Monique Leroux au poste de Présidente du Conseil et Chef de la direction du mouvement Desjardins en 2008 a eu un impact important sur la vie de l’institution. 

Il importe de mentionner que Madame Leroux provenait du milieu bancaire. Elle avait évolué au sein de la Banque Royale du Canada à titre de Vice-Présidente des opérations de cette institution au Québec. Elle a dirigé le mouvement Desjardins jusqu’en 2016. Le Président actuel, Guy Cormier, lui a succédé.

Sans que l’on sache trop pourquoi, le mot «populaire» est disparu dans l’appellation des Caisses devenues tout simplement les Caisses Desjardins. On a par la suite procédé à la fusion de plusieurs succursales regroupées sous une direction régionale plutôt que locale. 

Peu à peu, on a assisté à la fermeture de succursales sous prétexte que le volume des transactions ne justifiait plus de maintenir en place l’ensemble des services. 

Depuis 2015, ce courant de fermeture s’est accéléré. En 2015, Desjardins comptait 1122 centres de services. En 2023, il n’en restait que 669, une diminution de 453 centres, soit 40 %. Lorsque l’on fermait un centre de services, on laissait souvent en place un ou des guichets automatiques auprès desquels les membres pouvaient réaliser certaines transactions.

Mais, comme les centres de services, plusieurs guichets automatiques ont disparu. Alors qu’on en totalisait 2152 en 2015, il n’en reste plus que 1689 en 2023, une diminution de 463, soit 21,5 %. Qu’on l’admette ou non, les services de proximité disparaissent lentement mais sûrement dans le monde des Caisses Desjardins.

Et ce n’est pas fini

Les annonces de la semaine dernière ne feront rien pour ralentir ce mouvement. En effet, d’ici la fin de 2026, Desjardins prévoit fermer 30 % de ses centres de services et de ses guichets automatiques au Québec.

Pour justifier cette initiative, la direction explique qu’à peine 1 % de toutes les transactions se font encore aux comptoirs et que seulement 3 % sont effectuées aux guichets automatiques. L’ensemble des autres transactions ont lieu via AccèsD, le service numérique de Desjardins.

Dans plusieurs milieux, cette annonce a soulevé des inquiétudes dans la population, principalement auprès des personnes âgées qui ne sont pas toutes familières avec les ordinateurs.

Il existe encore des besoins qui doivent se faire aux comptoirs ou aux guichets. Même si l’utilisation des cartes de débit et de crédit est devenue monnaie courante, nous avons encore besoin d’argent comptant. On ne paie pas un paquet de gommes avec une carte de crédit. Et pour se procurer de l’argent comptant, il nous faut encore aller à notre institution financière pour utiliser les services aux comptoirs ou aux guichets.

Malgré les vives protestations de plusieurs de ses membres, la direction de Desjardins n’entend pas reculer. Dans un article de la journaliste Annie Lafrance publié dans Le Soleil la semaine dernière, la Vice-Présidente aux services aux particuliers de Desjardins, Nathalie Larue, déclarait : «Nous misons sur la sécurité, bien sûr, mais aussi à offrir une expérience rehaussée et simplifiée à nos membres et clients …»

Comment peut-on oser parler d’une «expérience rehaussée et simplifiée» quand on ferme des centres de services et des guichets automatiques qui étaient accessibles aux membres.

Si Alphonse Desjardins a connaissance de ce qui se passe au sein du mouvement qu’il a fondé, il doit se retourner comme une toupie dans son cercueil.

Desjardins, co-op ou banque? J’ai trouvé ma réponse. À vous de trouver la vôtre.

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Pensée de la semaine

Je dédie la pensée de la semaine aux dirigeants du mouvement Desjardins :

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