Un soldat inconnu répond à l’auteure d’un dessin posé au pied du cénotaphe à Beauceville
Lors du jour du Souvenir, le 11 novembre dernier, le dessin ci-haut signé « Selma » a été déposé au pied du cénotaphe de Beauceville. Dans cette lettre ouverte, « Un soldat inconnu » répond à ce geste touchant et fort de sens.
Très chère Selma,
Ce matin, 12 novembre j’ai quitté mon nuage pour me souvenir. À côté de ton dessin, je t’ai laissé un message. J’espère qu’on le retrouvera avant que le vent l’emporte.
Comme chaque année, au lendemain du jour du Souvenir, j’y suis retourné pour relire le nom de mes camarades au cénotaphe de mon Régiment à Beauceville. Simplement pour me rappeler d’eux. Nous sommes plus de 200 et nous y avons laissé notre vie pour protéger notre pays. De cette façon, je leur rends hommage, je me souviens d’eux, je fais simplement mon devoir de mémoire.
J’ai vu ton magnifique dessin, un coquelicot rouge, noir et vert. Un coquelicot qui respire la vie, la pureté, la gentillesse et toute ta sensibilité. Que tu aies pris le temps de le dessiner, de l’apporter et qu’en plus tu te souviennes de moi m’a fait pleurer. Il m’a fait pleurer de joie.
Tu sais, moi et mes compagnons ne parlons jamais de ce que nous avons vécu. Ton magnifique dessin m’a rappelé toutes mes souffrances. Pour la première fois, j’ai le goût d’en parler, j’ai le goût de me confier. Ce que j’ai vécu m’a laissé des blessures qui ne sont jamais parties. J’en conservais des douleurs qui me réveillaient la nuit, Selma, j’avais peur. Toutes les souffrances de cette sale guerre sortaient de nulle part dans ma tête et me rendaient malade.
Que tu te souviennes de moi, me rend fier, me remplit d’espoir, me remplit le cœur de chaleur, comme lorsque j’étais dans ton monde. Grâce à toi, je souffre beaucoup moins. Mes souffrances, mes tristes souvenirs me quittent, j’espère qu’elles ne reviendront jamais.
Je te quitte, je dois montrer ton magnifique coquelicot à mes amis dans les nuages. Selma, comme un ange, je veille sur toi, tu nous es précieuse.
Bonjour, à tes parents, ils sont chanceux de t’avoir.
Signé le soldat inconnu.

