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Identifier cinq anglicismes et s'en départir sur-le-champ

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4 juillet 2018
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Alexandre Poulin
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Par Alexandre Poulin, Journaliste

Dans une société permissive et au sein de laquelle l'interdiction est mal perçue, il est difficile d'exprimer quoi que ce soit ayant trait à la qualité de la langue parlée et écrite. « L'important, c'est qu'on me comprenne », entend-on souvent. Écrire et parler correctement consiste quelquefois à savoir quoi ne pas écrire et ne pas dire. Mais dans une société où tout se vaut, où la langue n'est hélas ! qu'un outil de communication, peut-on encore suggérer de bannir certains usages ? Sans gêne aucune, je réponds par l'affirmative.

La langue française est une langue riche et complexe, qui sait nommer le monde qui nous entoure. Mais avant de jouir de ses multiples trésors, de ses exceptions qui la rendent particulière et même distinguée, il faut savoir décoder les apparences trompeuses. L'usage courant de la langue française, en particulier au Québec, est truffé non seulement d'anglicismes intégraux, mais surtout d'anglicismes phraséologiques.

« Pourquoi nous concentrer sur les anglicismes si les Français eux-mêmes en utilisent ? » est une objection courante que les Québécois font valoir lorsque vient le temps d'aborder l'épineuse question de leur manière de parler.

Les Français utilisent des anglicismes intégraux

L'Office québécois de la langue française (OQLF) définit l'anglicisme intégral comme suit : « Dans le cas d’un anglicisme intégral, on emprunte intégralement le mot ou le groupe de mots, c’est-à-dire autant la forme que le sens, et ce, sans adaptation ou presque au système de la langue française. »

Les exemples de ce type d'anglicisme sont nombreux : coolweek-endremakethrillerprime-timecoachlivebest-of, fullhot. À l'oeil nu, chacun sait que ces mots proviennent de l'anglais, puisque la sonorité en témoigne par elle-même. Les anglicismes intégraux sont donc des emprunts entiers à l'anglais sans adaptation au français ; on les prend tels quels. C'est plutôt de cette catégorie d'anglicisme que le langage de nos cousins français regorge.

Peut-on vraiment bannir l'usage de mots isolés ? Les Québécois préfèrent dire « ça manque de punch ! » à « ça manque de vigueur ! ». Mais tout le monde sait que punch est un mot anglais, en l'occurrence un anglicisme intégral

Les Français utilisent très majoritairement des anglicismes intégraux, les Québécois un peu moins. Cela ne signifie pas que la qualité de la langue des premiers soit amoindrie, tant s'en faut, puisqu'ils sont conscients des emprunts qu'ils font à l'anglais.

Ce sont les autres types d'anglicismes qu'il faut bannir 

Spontanément, quand le commun des mortels pense aux anglicismes, il se focalise sur ceux dits intégraux, car ils s'entendent à merveille. Bien entendu, dire parking au lieu de stationnement et best-of au lieu d'anthologie n'apporte rien à une phrase. Évitons-les autant que faire se peut, mais n'en faisons pas une obsession, car ce ne sont pas ceux qui nuisent le plus à la langue française.

C'est qu'il faut savoir qu'il existe d'autres types d'anglicismes, par exemple sémantiques, syntaxiques, hybrides, morphologiques et phraséologiques. Ce texte n'est pas le lieu de les identifier tous, car je ne suis ni un grammairien, ni un enseignant en littérature, ni un donneur de leçons. Je veux seulement exprimer toute l'importance d'identifier ce que je nomme les anglicismes invisibles. En font partie les anglicismes phraséologiques.

Bannir cinq anglicismes après la lecture de cette chronique

Pour commencer, je vous propose de vous départir de cinq anglicismes phraséologiques. Si je dis qu'ils sont invisibles, ou même inaudibles, c'est qu'ils tout l'air d'être français. L'OQLF définit l'anglicisme phraséologique en ces termes : « Dans le cas d’un anglicisme phraséologique, on emprunte une locution ou une image propres à l’anglais. La phraséologie touche des ensembles de mots figés : locutions, expressions, collocations. » On comprend donc qu'il s'agit d'un emprunt d'expressions telles quelles, mais traduites littéralement.

  • 1. Faire du sens. En français, rien ne fait du sens. Dire cela est insensé, car l'expression fautive « faire du sens » provient du verbe anglais to make sens. Au lieu de dire que « ça ne fait pas de sens », on dira que c'est insensé, que ça n'a pas de sens, que c'est illogique. En revanche, notons que faire sens se dit en français (par exemple : ces propositions font sens), mais que cette expression est peu utilisée au Québec.
     
  • 2. Prendre pour acquis. En français, on ne doit rien prendre pour acquis, car il s'agit de la traduction littérale du verbe anglais to take for granted. Il ne faut rien tenir pour acquis. D'autres locutions sont possibles, notamment tenir pour admis, tenir pour assuré et considérer comme acquis.
     
  • 3. Prendre une marche. On ne prend pas de marche en français, puisque c'est le calque complet du verbe anglais to take a walk. Heureusement, on peut se promener, aller marcher, marcher, faire un tour, faire une marche.
     
  • 4. Mettre l'emphase. Bien que le mot « emphase » soit français, il est impossible de mettre l'emphase sur un aspect quelconque, puisque « emphase », selon Larousse, est « une exagération pompeuse dans le ton, le geste, les termes employés ». On  peut s'exprimer avec emphase, mais pas mettre l'emphase (to put emphasis on). En français, on insiste sur, on met l'accent sur, on met en relief ou on met en évidence.
     
  • 5. À la fin de la journée. Bien sûr qu'il existe une fin de journée en français comme dans toutes les autres langues ! Mais c'est qu'en anglais, on utilise l'expression at the end of the day (traduction littérale : à la fin de la journée) pour dire en fin de compte, au bout du compte, enfin, en somme.

Décoder les intrus dans notre langage n'est ni un signe de faiblesse ni quelque chose de négatif : c'est une marque d'intelligence. À titre personnel, quand je constate ou qu'on me fait remarquer que j'emploie une locution fautive, je me réjouis sur-le-champ : c'est une occasion en or de m'améliorer. 

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