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Courrier du lecteur: Médication forcée en santé mentale: Pour que cesse la désinformation

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20 février 2012
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Le drame de Saint-Romain fait ressurgir de manière brutale LE préjugé qu’une personne qui vit un problème de santé mentale est violente et dangereuse. Cela amène certaines personnes à affirmer que la seule façon de contrôler «ces gens-là», c’est de les forcer à prendre la médication qui leur est prescrite.

Le drame de Saint-Romain est une véritable tragédie et rien ne peut excuser de tels gestes. La réalité des proches et des familles face aux difficultés de vivre avec une personne ayant un problème de santé mentale est souvent douloureuse. Ils se retrouvent seuls et démunis devant la souffrance vécue et sont bien souvent laissés à eux-mêmes. Il faut que ça change.

Il faut cesser de rendre la désinstitutionalisation responsable de ces actes isolés, comme le fait le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, c’est de la désinformation. Rappelons que la «désins.» des institutions psychiatriques a commencé dans les années 1960. Partout dans le monde on a reconnu que ces institutions étaient désuètes et n’aidaient pas les personnes qui y séjournaient. Revenir à ce modèle ferait reculer tout le travail fait en santé mentale au Québec depuis les années 1960.

Il faut cesser de croire au «mythe de la pilule miracle». Il est faux de penser que la prise de médication règle tout et qu’il n’y aura plus jamais de tel drame. Pourquoi une personne cesse-t-elle de prendre sa médication? Si on fait l’effort de dépasser le lieu commun qui veut que c’est parce que la personne «n’accepte pas sa maladie» et qu’on prend le temps de l’écouter, on constate que plusieurs raisons incitent quelqu’un à refuser, à réduire ou à interrompre sa médication : le manque d’information, les effets secondaires (bouche sèche, tremblements, perte de concentration, la prise importante de poids etc.) qui finissent par rendre le quotidien difficile, la stigmatisation, l’incapacité de retourner sur le marché du travail, le désir de se sentir connecté à ses émotions, le manque de suivi, le manque d’alternatives à la médication, le fait que peu ou pas de changement ou d’amélioration sont constatés, l’apparition de problèmes physiques, etc.

Pourtant, des moyens légaux existent pour forcer une personne à prendre une médication. En effet, le Code civil du Québec prévoit que si une personne refuse catégoriquement le traitement proposé, une démarche juridique peut être entreprise pour démontrer son inaptitude à consentir. Évidemment, pour que le juge en arrive à une telle conclusion, il basera généralement sa décision sur le rapport du médecin de l’établissement qui en fait la demande. La durée de ces ordonnances varient entre 2 et 5 ans, et ce, sans possibilité de révision. Si la personne contrevient à cette ordonnance, la police a tous les pouvoirs pour la forcer à obtempérer, puisqu’un jugement a été émis en ce sens. Donc, la personne peut vivre dans la communauté, tout en ayant cette épée de Damoclès au-dessus de la tête. Il est à noter que le recours à ce type de jugement est de plus en plus utilisé.

Dans beaucoup de cas, la difficulté d’établir une alliance thérapeutique avec le professionnel de la santé, amène la personne à se refermer et à chercher seule ses propres solutions. Si on ne vous écoute pas, qu’on minimise vos propos, qu’on décide à votre place et qu’on vous impose des façons de faire, il est normal de réagir. Évidemment, la violence n’est jamais la solution.

Tout être humain a le droit de décider pour lui-même ce qu’il considère bon pour lui. Pourquoi refuse-t-on ce droit aux personnes qui vivent un problème de santé mentale? Bien sûr, il y a des moments où la personne à besoin d’être plus entourée, mais cela ne doit jamais se faire au détriment du respect de ses droits fondamentaux. 

La personne a le droit de prendre des décisions en ce qui la concerne. Elle a le droit de chercher à améliorer sa qualité de vie. Elle a le droit de faire des essais et des erreurs. Elle a le droit de se tromper, de revenir en arrière, de recommencer. C’est une personne à part entière, avec ses forces et ses difficultés, qui essaie de trouver sa place dans la société. Elle a besoin de support, d’encouragement, mais surtout, elle a besoin qu’on la respecte dans ses choix. Car c’est bien de choix dont il s’agit.

Il faut cesser de dire que la Charte des droits et libertés met des bâtons dans les roues pour assurer la sécurité publique. En adoptant cette Charte en 1975, le législateur a traduit la volonté populaire de faire en sorte de protéger tout particulièrement les citoyens du Québec qui se retrouvent en situation de vulnérabilité contre des abus qui pourraient être commis contre lui. Ce faisant, cette loi venait corriger des façons de faire inacceptables qui avaient cours dans le passé. 

Il faut cesser d’offrir une tribune à des individus comme le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, dont les propos ne font que nourrir les préjugés face à l’ensemble des personnes qui vivent un problème de santé mentale. Il fait des généralités de situations particulières, ce qui est insultant et blessant pour les personnes visées. Partout au Québec des personnes courageuses se battent pour aller mieux, pour s’intégrer dans leur communauté, pour trouver la dose de médicament qui leur convient, pour défaire les préjugés. Par ses paroles, le sénateur Boisvenu attaque leur crédibilité et leur intégrité.

Il est vrai de dire que les difficultés d’accessibilité à des services dans la communauté sont au cœur de cette problématique. Tant la personne qui souffre que son entourage a besoin d’une variété de services près de chez-eux, personnalisés et correspondant à leurs besoins. Les services d’aide en situation de crises sont trop peu nombreux sur le territoire québécois, pourtant ce serait un moyen approprié pour répondre à des situations très problématiques. Selon nous, ce n’est pas en restreignant encore plus les droits fondamentaux et en réinstitutionnalisant les personnes qui vivent un problème de santé mentale et en les forçant à prendre une médication que notre société se retrouvera complètement à l’abri de drame comme ce qui s’est passé à Saint-Romain. 

Il faut faire attention de cantonner le débat et la prise de décision concernant cette épineuse question aux seuls professionnels de la santé. La présence de représentants du Barreau du Québec, des familles et des proches, des organismes communautaires et de promotion et défense de droits doivent y participer. Mais surtout, les personnes qui vivent un problème de santé mentale doivent y être étroitement associées, sinon cet exercice ne pourra atteindre ses objectifs.

Me Jean-Pierre Ménard, avocat spécialisé dans le domaine de la santé mentale

Doris Provencher, directrice générale AGIDD-SMQ
16 février 2012


 

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  • N
    Nathalie
    temps Il y a 12 ans
    Je suis d’accord avec vous mais j’ajouterais que les effets secondaires que vous citez sont assez mineurs comparés aux effets secondaires graves qui apparaissent chez certaines personnes (akathisie, dépersonnalisation, idées suicidaires etc.) En effet, il y a eu de nombreuses mises en garde des agences de santés sanitaires précisant que les antidépresseurs peuvent « provoquer des comportements agressifs à l'égard d'autrui » et « donner des idées suicidaires et / ou homicidaires ». Aux États-Unis, Don Shell a tué sa femme, sa fille et sa petite-fille, avant de retourner l'arme contre lui (après avoir pris seulement 2 comprimés de Deroxat…) Le Wyoming a condamné la compagnie pharmaceutique SmithKline Beecham à verser 6,8 millions de dollars à sa famille. Des milliers de cas ont étés répertoriés dans le monde et les preuves s’accumulent que les antidépresseurs sont à l’origine de milliers de cas de violence et de suicides notamment les tueries dans les écoles. En 1991, la FDA aux États-Unis a tenu une commission d’enquête qui avait pour but de répondre aux questions suivantes : 1) Existe-t-il un lien entre les antidépresseurs et les actes de violence, mutilations, suicides, homicides ? 2) Faut-il ajouter sur la notice une mise en garde à l'attention des médecins et des familles Durant cette commission, 161 personnes ont témoigné de l’enfer qu’elles ont vécu. En 2004, la F.D.A. aux États-unis obligeait les fabricants d'antidépresseurs à informer les consommateurs que 'Ces médicaments peuvent causer des pensées et des actions suicidaires chez les enfants et les adolescents' (Black Box Warning) En 2005, elle ajoutait qu'il y a 'un risque accru de comportement suicidaire chez les adultes prenant des antidépresseurs'
  • L
    Louise
    temps Il y a 12 ans
    Merci Nathalie d'avoir pris le temps d'ajouter ton commentaire. C'est un excellent complément d'information.

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