Prolifération des cyanobactéries
Lettre ouverte aux producteurs de porcs pour la préservation du Grand lac Saint-François

Par Salle des nouvelles
En collaboration avec Michel Fournier
Nous reproduisons ici l'intégrale d'une lettre, intitulée Ce lac ne nous appartient pas, mais il appartient à tout le monde de le protéger, adressée aux producteurs et aux productrices de porcs du Québec, par le président de l'Association pour la protection du Grand lac Saint-François, Michel Fournier.
Chers producteurs et productrices de porcs,
En tant qu’association consciente des défis environnementaux auxquels nous sommes tous confrontés, nous tenons à exprimer notre plein soutien à votre industrie. Cependant, nous souhaitons également souligner l’importance cruciale de prendre des mesures efficaces pour protéger le bassin versant du Grand lac Saint-François contre les surplus de phosphates provenant des cours d’eau du dit bassin. Ces surplus sont directement responsables de la prolifération des cyanobactéries, une menace sérieuse pour la santé des utilisateurs du lac et pour l’écosystème aquatique.
Rappelons que la saison estivale 2023 a été marquée par la pire éclosion de cyanobactéries de l’histoire du Grand lac Saint-François. Les fortes pluies estivales ont entraîné le lessivage des sols, provoquant un excès de phosphate dans les eaux de ruissellement. Le phénomène a duré près de six semaines sans interruption. Les changements climatiques pourraient entraîner une répétition de ce phénomène dans le futur.
Le récent article dans La Presse, sous la plume de M. Sylvain Charlebois, mettant en lumière vos difficultés financières, a attiré notre attention sur la nécessité d’agir pour soutenir votre secteur tout en veillant à la santé de l’environnement. Nous vous proposons une collaboration pour préserver le bassin versant du Grand lac Saint-François en développant des pratiques agricoles plus écologiques. Ensemble, nous pouvons unir nos efforts en faveur de cette importante cause environnementale.
M. Charlebois a avancé plusieurs propositions concrètes qui pourraient être bénéfiques pour votre secteur et pour l’environnement. Mais une proposition a attiré davantage notre attention, soit de «réduire la production de porcs de 25 % de manière stratégique, en commençant par les naisseurs.» Cela aurait un effet direct sur l’environnement par la réduction des cultures nécessaires à la croissance des porcs.
Il serait intéressant que cette réduction de la production de porc se fasse en priorisant le bassin versant du Grand lac Saint-François. Plusieurs raisons militent pour ce choix :
1. Un lac est un milieu particulièrement sensible à l'excès de phosphates, favorisant la prolifération et la persistance des cyanobactéries.
2. Le lac sert de source d’eau potable de la ville de Thetford Mines. La capacité de la chaîne de traitement de l'eau potable à éliminer efficacement les toxines des cyanobactéries est incertaine. Dans tous les cas, le coût du traitement de l’eau potable sera plus important et les risques pour la santé des consommateurs ne sont pas nuls.
3. Le Grand lac Saint-François est au cœur du Parc national de Frontenac et est sa raison d’être. La vocation d’un Parc est de préserver les écosystèmes pour les générations futures. L’abondance des cyanobactéries ne permet pas de respecter cet objectif.
4. L’utilisation du plan d’eau par les villégiateurs et les visiteurs a été grandement perturbée par cette éclosion. La présence de cyanobactéries limite les activités récréatives telles que la baignade, le canotage et la pêche en raison des risques pour la santé. Certaines cyanobactéries produisent des toxines potentiellement dangereuses pour les humains et les animaux tels que des irritations cutanées, des troubles gastro intestinaux, voire des dommages au foie ou au système nerveux.
5. Une répétition du phénomène en 2024 ou dans les années suivantes pourrait entraîner une désaffectation de l’intérêt pour le lac résultant par une perte de valeur des propriétés et de l’activité économique pour les commerçants. Les revenus des municipalités riveraines en seront affectés. Pour compenser cette baisse de revenus, les municipalités riveraines devront augmenter le taux de la taxe foncière pour toutes les propriétés, y compris pour les producteurs agricoles.
Ensemble, en adoptant des pratiques agricoles plus durables, nous pouvons transformer ces défis en opportunités, bénéficiant ainsi à la fois à votre industrie et à notre lac. Nous restons optimistes quant à notre capacité à travailler ensemble pour construire un avenir meilleur et plus durable pour tous.
Veuillez agréer, chers producteurs et productrices de porcs, l’expression de nos salutations distinguées.
Michel Fournier
Président
Association pour la protection du Grand lac Saint-François
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