Le complexe culturel à Saint-Georges: rêve, réalité et cauchemar
La Ville de Saint-Georges comprend une population d'environ 30,000 habitants. En milieu de semaine, si l'on compte les gens des villages des alentours qui viennent y travailler, le chiffre, quoique conservateur, peut aisément atteindre les 35,000 ou 40,000 habitants. Saint-Georges est sans contredit la métropole de la Beauce.
Ville de services dotés de nombreuses et prestigieuses PME, d'un cégep et d'un centre universitaire, d'une fonction publique efficace et d'une situation financière enviable au moment d'écrire ces lignes, Saint-Georges souffre malgré tout, et à bien des égards. Par exemple, le taux de diplômés universitaires est en bas de 20% de la moyenne provinciale. Le revenu brut par personne est lui aussi en bas de la moyenne du Québec. Pendant longtemps, notre ville, et avec raison, s'est targuée, tout comme en Beauce, d'avoir le plus faible taux de chômage au Québec, avec des chiffres tournant autour de 4%.
La crise économique de l'été 2008 et des dossiers mal gérés comme celui des régions ressources ont fait que notre ville et la région ont grandement souffert. Il se serait perdu environ 4,000 emplois, principalement dans le secteur de la transformation comme les textiles. Certains diront que bon nombre de ces emplois perdus vont être à nouveau comblés et on le souhaite. Cependant, la réalité est que Ville de Saint-Georges, pendant trop longtemps, a presque uniquement axé le développement de son économie sur l'industrie et elle en souffre aujourd'hui.
Prenons l'exemple d'une jeune famille qui souhaite s'établir en notre ville. Avons-nous des infrastructures sportives, communautaires et culturelles en nombre suffisant pour combler une demande grandissante?
C'est ce qui amène à dire que le problème majeur à Saint-Georges réside aujourd'hui dans une carence au niveau de ces équipements. Des efforts appréciables ont été faits, mais nous sommes d'avis que la volonté politique fut souvent boiteuse, laissant aux initiatives privées le loin de développer des équipements tel le Rendez-vous à la Rivière qui est une réussite spectaculaire.
Ceci est la réalité. Le rêve, quant à lui, serait que l'on revitalise le tout, en commençant par l'édification d'une salle de spectacle. La dernière administration du maire Roger Carette (2005-2009) avait accouché d'un « complexe » de 18 M$ qui, en principe, aurait dû comprendre une salle de spectacle de quelque 700 places et d'une « unité muséologique » pouvant accueillir des expositions permanentes et itinérantes. Louable certes, le projet avait fini par rallier la population, en grande partie à notre avis par la réputation et l'impressionnante feuille de route des réalisations de M. Carette, qui a géré la Ville de 1994 à 2009.
L'arrivée de la nouvelle administration du maire François Fecteau, combinée avec l'incendie de l'ancien Manoir MaGuire sur la 1re Avenue, a complètement changé la donne. Voilà des semaines que les Georgiens se divisent sur la pertinence d'ériger à tel ou tel endroit cette fameuse salle de spectacles. La division a atteint un sommet tel que le projet est maintenant remis en question par une large partie de la population. À ce scepticisme grandissant, on ajoute les dépassements de coûts prévisibles qui font que, grosso modo, d'une somme initiale à payer par la Ville de 6 M$, nous sommes rendus à 10 M$ au moment de rédiger ces lignes.
Pour notre part, le problème n'est pas tant financier que sociétal. Nombreux ont été les procès d'intention, les incompréhensions quant aux coûts réels et à la nature dudit projet, sans compter l'inefficacité flagrante du plan de communication de Ville de Saint-Georges pour vendre son concept. Ce dernier point fait mal, car il sous-entend toute la question de la transparence du projet. Les gens ont de la difficulté à soit comprendre le projet ou à en saisir les étapes de planification. Et plus l'ont lit ce qu'en rapporte la presse locale, plus l'on devient confus.
La prochaine phase de cette tragi-comédie est celle du référendum sur les règlements d'emprunts. Celui-ci est fixé au dimanche 6 juin. Entre le moment où le conseil municipal décidait de la tenue d'un référendum et la tenue de celui-ci, il se sera écoulé plus de deux mois. Autrement dit, les Georgiens vont s'affronter pendant plus de deux mois en privé comme en public. Certes, un référendum demande une préparation logistique à ne pas négliger, mais deux mois c'est inutilement long. Cela va laisser ou rouvrir des cicatrices que l'on croyait dissipées depuis les pathétiques divisions de toutes sortes au sein de notre Ville avant la fusion de 1990-1991.
Encore une fois, la balle est dans le camp de Ville de Saint-Georges. Elle a deux choix : 1) elle prend immédiatement le contrôle de la campagne de propagande en se dotant de personnes et de ressources pour vendre son message; 2) elle laisse le champ libre aux oppositions pour lui dicter son agenda.
En 1991, le référendum pour la construction d'une bibliothèque municipale avait été battu par 44 voies. Saint-Georges avait alors envoyé le message clair qu'elle refusait de se doter d'un équipement culturel pourtant simple à édifier et utile, alors que ses écoles et les villages des alentours en étaient tous dotés.
Le même drame va-t-il se répéter 20 ans plus tard?
Carl Pépin, Ph. D.
Historien
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