Protection de la jeunesse
François Legault discrédite le comité de suivi de la Commission Laurent
Par La Presse Canadienne
En collaboration avec Katrine Desautels
Le premier ministre du Québec, François Legault, a ouvertement discrédité, mercredi, le travail du comité de suivi de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ).
Le comité a publié mercredi matin son analyse de l'avancement des actions du gouvernement pour appliquer les recommandations du rapport Laurent, déposé il y a trois ans.
Le comité a basé son analyse sur les données disponibles dans le plus récent bilan (2021-2023) du plan d'action gouvernemental S'engager pour nos enfants, produit en réponse aux recommandations de la Commission Laurent.
Le comité a repéré des incohérences dans le bilan de Québec, c'est-à-dire des mesures que le gouvernement associe à une sous-recommandation, mais qui, selon le comité, ne sont pas cohérentes avec certaines pistes d'action du rapport Laurent.
En entrevue mardi avec La Presse Canadienne, Martine Desjardins, présidente du comité de suivi de la CSDEPJ, a donné l'exemple de la mesure 2.8.4 où la commission demandait que les enfants qui font l'objet d'un placement sous la Loi de la protection de la jeunesse puissent demeurer dans leur milieu de vie, garderie ou école, lorsque c'est dans leur intérêt.
«Le gouvernement dit dans son bilan qu’il diffuse des orientations ministérielles pour s’assurer d’une transition harmonieuse lors d’un changement d’école. Ça peut être une bonne mesure, mais ça ne répond pas à la recommandation 2.8.4 qui demandait à garder les enfants dans leur milieu de vie», explique-t-elle.
Selon les données du gouvernement, 42 % des sous-recommandations sont en cours ou complétées. Le comité n'arrive pas à la même conclusion; il calcule plutôt 30 % en fonction des incohérences. À la suite de son analyse, le comité affirme qu'une seule des 65 recommandations a été complétée par le gouvernement Legault, alors que ce dernier soutient que 11 recommandations sont complétées.
Au Salon bleu, François Legault a décrié le travail du comité de suivi et a défendu son bilan en s'appuyant sur la lettre ouverte de l'ex-commissaire, Régine Laurent, publiée mardi dans les médias.
«Ce n'est pas un comité de suivi du gouvernement, c'est un comité de suivi qui a été mis en place par Martine Desjardins (...) avec d'autres personnes, mais moi je fais confiance à Régine Laurent qui était présidente de la Commission qui nous dit que ça va dans la bonne direction», a fait valoir le premier ministre.
M. Legault a ajouté plus tard dans un échange avec le chef intérimaire du Parti libéral, Marc Tanguay: «on ne peut pas s'autoproclamer comité de suivi».
M. Tanguay a affirmé que le premier ministre était en train de faire une tentative de discréditer le comité de suivi.
Le leader parlementaire du gouvernement, Simon Jolin-Barette, a répondu qu'il s'agissait de «propos blessants» et d'«intentions malicieuses et de mauvaise foi».
Plusieurs parlementaires se sont mis à huer, visiblement en désaccord avec M. Jolin-Barette.
La présidente de l'Assemblée nationale, Nathalie Roy, a statué que «la critique du comportement de l'adversaire, qui peut ne pas être agréable», est permise.
La prise de bec entre MM. Tanguay et Legault s'est poursuivie. Le chef libéral a fait valoir que M. Legault «ne peut pas tenter de discréditer le comité de suivi lorsqu'il rassemble, entre autres, la Fondation Marie-Vincent, l'Observatoire des tout-petits, le Collectif petite enfance».
«C'est eux qui lui disent que ça ne marche pas leurs affaires», a lancé M. Tanguay.
M. Legault a répondu que son gouvernement avait fait plusieurs actions pour améliorer la situation, notamment de nommer une directrice nationale de la DPJ, Catherine Lemay.
De son côté, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a dit qu'il inviterait Mme Desjardins et ses équipes à s'asseoir et à regarder les éléments un par un. «On va expliquer tout ce qui a avancé depuis le dépôt du rapport parce que les choses ont changé sur le terrain», a soutenu M. Carmant.
Comme son chef, il s'est aussi appuyé sur la lettre de Mme Laurent pour dire qu'elle reconnaissait que «les choses avancent de manière significative».
En mêlée de presse, M. Carmant a fait part qu'il ne comprenait pas certains points du comité de suivi. «Il disait par exemple que sur (l'aspect de) garder les enfants à proximité on n'était pas en action, mais (le programme) "Ma famille, ma communauté", c'est exactement ça. Avant d'enlever l'enfant de son milieu, on fait une réunion, on regroupe tout le monde pour s'assurer qu'il reste le plus près de sa famille le plus possible dans sa communauté. Donc il y a des choses qui sont discordantes.»
Le ministre Carmant a également souligné que le comité se basait sur les données de 2023 (les plus récentes disponibles), mais que depuis un an, le gouvernement avait fait du progrès.
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Katrine Desautels, La Presse Canadienne
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