Trump impose une surtaxe de 50%
Tarifs douaniers sur l'acier et l'aluminium: un nouveau coup d'assommoir pour la Beauce
Depuis ce mercredi matin, les entreprises de la Beauce doivent composer avec une surtaxe de 50 % sur l’acier et l’aluminium imposée par les États-Unis. Après une première hausse à 25 % en mars, cette nouvelle escalade tarifaire frappe de plein fouet un pan important de l’économie régionale, largement tourné vers l’exportation. Tour d’horizon des réactions et des stratégies mises en place.
Chez Groupe Acier CAMNOR, qui est spécialisé en conception, fabrication et installation de structures métalliques ainsi que la fabrication de métaux ouvrés, les nouveaux tarifs n'annoncent rien de bon.
«Je pense qu'on était capable de vivre avec 25 %. Depuis deux mois, on a composé avec les tarifs. On a absorbé une partie des coûts de la facture, on a transféré certains frais. On a demandé à nos employés de collaborer. Là, à 50%, ça passera plus ou les projets vont arrêter. On va devenir non compétitif aux États-Unis», a déclaré le président David Drouin, en entretien téléphonique avec EnBeauce.com.
La compagnie, dont le siège social se trouve à Beauceville, présente un chiffre d'affaires annuel de 250 M$, dont la moitié provient du marché américain. À l'heure actuelle, une quarantaine de projets, supervisés par l'entreprise, sont en chantier chez nos voisins du Sud.
«Même si on a des contrats signés, qui prévoient de possibles coûts finaux plus élevés, nos clients vont sûrement réagir si on annonce que l'on doit hausser substantiellement la facture. Par exemple de dire "Votre projet de 6 millions, il va coûter un million de plus", ça va pas passer», a signalé l'homme d'affaires.
Peu convaincu que des discussions avec le président Donald Trump puissent en arriver à des accords satisfaisants, David Drouin croit que l'intervention gouvernementale, tant fédérale que des provinces, doit passer par un Buy Canadian Act, à l'exemple des États-Unis, afin d'imposer l’achat de biens sur le territoire canadien pour les contrats gouvernementaux. «À l'heure actuelle, ça n'existe pas. On en a un bel exemple avec le projet de nouveau pont de l'Île d'Orléans qui va être fait avec de l'acier provenant d'Espagne. C'est sans oublier la présence importante de la Chine dans le marché canadien »,a-t-il fait remarquer.
Niveau de tolérance
Pour le PDG du Groupe Mundial, Louis Veilleux, comme il l'avait partagé en mars dernier lors de l'entrée en vigueur de la première tranche de tarifs de 25% la priorité demeure encore de protéger ses 250 travailleurs de son entreprise de transformation de métal en feuille, qui oeuvrent dans deux usines à Saint-Lambert-de-Lauzon (Métal Bernard et CDMB) et une troisième à Saint-Valérien-de-Milton (Normandin).
La nouvelle couche tarifaire ne l'ébranle pas encore. «Ça dépend de ton niveau de tolérance sur la profitabilité. Jusqu'à quel point, il faut faire ou perdre de l'argent. Nous, on veut d'abord garder notre monde», a-t-il dit au téléphone.
Comme dans la fable de la cigale et de la fourmi, «nous avons été très conservateurs avec nos finances», a rappelé le président du groupe.
Il a constaté que plusieurs compétiteurs américains avaient profité de l'occasion pour augmenter «pas mal» leur prix. «Ça nous a donné une chance de continuer. On a pas ambitionné sur nos clients. On les a respectés. Ça nous aide beaucoup présentement.» De 15 à 20 pour cent des contrats de Groupe Mundial se font avec les Américains.
Bien sûr, l'entrepreneur s'attend à un ressac d'ici quelques semaines. «Pour l'instant, c'est encore "gérable". C'est une question de temps avant que ça fasse mal mais aussi, de savoir si tout cela sera maintenu», a-t-il conclu.
Une pression qui inquiète, mais des stratégies d’adaptation émergent
Cette situation n’inquiète pas que les manufacturiers. À l’échelle politique, le député de Beauce-Sud, Samuel Poulin, affirme être en contact constant avec les entreprises locales.
« Les tarifs de Donald Trump ne sont plus des menaces, mais bien de réels enjeux pour de nombreux entrepreneurs d’ici. Le temps partagé, l’incertitude, les choix d’affaires, le carnet de commande… nos entrepreneurs doivent jongler avec de grands défis », a-t-il affirmé, tout en annonçant la tenue d’une nouvelle rencontre de la Cellule économique Beauce-USA pour suivre de près l’évolution de la situation. Il dit aussi attendre la réaction du gouvernement fédéral concernant les contres-tarifs et les possibles mesures compensatoires.
À Sainte-Marie, l’entreprise Beauce Atlas a pour sa part complètement révisé sa stratégie d’approvisionnement pour éviter les impacts directs.
« Depuis les premiers tarifs, on a décidé d’acheter 100 % de notre acier aux États-Unis. Puisqu’il est coulé en sol américain, on est exempté des surtaxes », a explique Nicolas Blais, directeur général. Ce choix a permis à l’entreprise de se protéger partiellement, même si d’autres effets commencent à se faire sentir.
« L’acier américain est maintenant fortement en demande. L’offre reste la même, donc les prix montent. On observe une hausse de 20 à 25 % sur l’acier en ce moment. »
Cette pression à la hausse a des conséquences directes sur les projets en cours. « Quand le coût de construction augmente et que les revenus attendus restent fixes, la rentabilité devient incertaine. Ça pourrait forcer certains projets à être mis sur pause. »
Beauce Atlas affirme toutefois avoir su tirer son épingle du jeu jusqu’à présent. « On a rempli notre carnet de commandes jusqu’en février-mars 2026. On est même en période d’embauche, avec 25 à 30 postes ouverts. Mais l’incertitude demeure. On ne sait pas jusqu’où tout ça ira. »
Alors que l’incertitude demeure quant à l’évolution des relations commerciales entre le Canada et les États-Unis, les entreprises de la Beauce s’efforcent de s’adapter, avec résilience, mais non sans inquiétude.
Avec la collaboration de Germain Chartier.
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