Entrevue avec Édith Leclerc
Quand c'est le coeur qui voyage : roadtrip avec un enfant autiste
En ce 2 avril, Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, nous vous repartageons le récit touchant d'Édith Leclerc, mère de Frédéric, atteint d'autisme sévère.
Édith Leclerc est animatrice au programme passe-partout. Depuis deux ans, elle se lance sur les routes du Québec et des États-unis en compagnie de son fils, Frédéric, atteint d’autisme sévère. Son but ? Repousser ses limites et se retrouver.
Lorsque son fils Frédéric est venu au monde, Édith s’est bien rendu compte que quelque chose ne tournait pas rond. Frédéric, aujourd’hui âgé de 15 ans, est autiste sévère non verbal. Il ne peut pas manger ou encore s’habiller seul, il nécessite une surveillance constante. Les crises font partie intégrante du quotidien d’Édith et de sa famille. Pour se vider le coeur, elle écrit des textes à saveur humoristique, les « Chronikkk de Frédéric ». Dans l’extrait ci-dessous, elle décrit comment une simple visite à l’épicerie peut tourner :
« Complètement désorganisé, mon Fred mord de toutes ses forces la poignée du panier d’épicerie. Mais sous le choc d’une poignée sans réaction, notre TSA s’en prend au sac de papier brun, déjà trop fragile de toute façon, mais en revanche, moins dangereux qu’un sac de plastique. »
Dans les premières années de vie de Frédéric, l'animatrice de Passe-Partout a arrêté de travailler : sa vie tournait autour de la condition de son fils. Finis les voyages et les activités spontanées, finis les nuits de sommeil de huit heures et les soupers entre amis. Toute son énergie était dirigée vers Frédéric.
Le déclic
Édith se rappelle de ce mardi, il y a deux ans, où elle s’est réveillée avec la gueule de bois. Comme chaque matin, elle devait changer la couche de Frédéric et le doucher. À ce moment, elle s’est dit qu’elle ne pouvait plus continuer ainsi. Sans hésitation, Édith a appelé une compagnie de location de véhicules et a expliqué à la dame au bout du fil qu’elle voulait louer une caravane 30 jours pour son fils, un chien Mira et elle. La dame, incrédule, lui a demandé si elle était certaine de cette décision, Édith a acquiescé et donné son numéro de carte de crédit. Ce projet ne pouvait plus attendre, c’était une question de survie.
Le grand départ
Les mois qui ont suivi ont été consacrés à la planification du roadtrip. Édith n’avait jamais conduit un véhicule semblable et elle avait peur de dormir seule. La journée du départ, c’est les larmes aux yeux et le coeur battant la chamade qu’elle s’est engagée sur la route 132 en direction de la péninsule acadienne.
Elle n’avait rien réservé. Elle se déplaçait chaque jour, en ne savant pas où elle allait se poser. Au total, Frédéric et elle ont parcouru 5000 kilomètres le long des côtes de la Gaspésie, du Nouveau-Brunswick et de l’Île-du-Prince-Édouard.
« Avoir une crise dans le salon chez moi ou avoir une crise devant un couché de soleil en Gaspésie, ça reste une crise, mais la beauté du paysage améliore l’expérience. »
Ce roadtrip l’a convaincue de renouveler l’expérience à l’été 2018 avec son amie Caroline Lapierre, éducatrice spécialisée. Le jour du départ, ce n’était pas de l’anxiété qu’Édith éprouvait, mais de la fébrilité. Cette fois, l’objectif était de développer de l’autonomie de Frédéric et de le laisser explorer.
Partir pour se recentrer
Lorsqu’on lui demande où et comment elle a trouvé l’énergie d’entreprendre de tels projets, elle répond que son niveau de mobilisation va de pair avec son niveau « d’écoeurantite aiguë. » Le message qu’Édith Leclerc souhaite livrer ne s’adresse pas seulement aux parents et aux proches de personnes autistes.
« Peu importe les difficultés qui surviennent, on peut continuer à vivre et à profiter de la vie. »
Malgré quelques mésaventures qui, avec le recul, lui donnent le sourire aux lèvres, Édith sent que ces voyages lui ont permis de se retrouver. Les autistes doivent souvent s’arrêter pour se calmer et se recentrer. Édith croit que Frédéric lui apprend à faire de même. Ces deux roadtrips lui ont permis d’approfondir sa relation avec son fils et de mieux connaître ses besoins spécifiques.
Depuis, Édith tente de profiter de la vie autant qu’elle le peut. Chaque mois, ses amies et elle louent une chambre d’hôtel pour s’accorder un moment de répit. Elle compte bien réserver une caravane et repartir avec Frédéric l’été prochain aussi.
Le manque de ressources
Bien qu’Édith ait déjà planifié son roadtrip 2019, l’avenir reste incertain pour Frédéric. Après l’âge de 21 ans, l’aide gouvernementale offerte à Frédéric diminuera de manière substantielle. Il pourra aller une journée par semaine à l’École les Sources, mais Édith ne sait toujours pas comment elle trouvera le temps de s’occuper de Frédéric les six autres jours de la semaine. Deux options s’offrent à elle pour le moment : le placer dans une résidence spécialisée ou arrêter de travailler pour lui prodiguer les soins dont il a besoin.
Tout ce qu’elle peut faire pour le moment, c’est partager son histoire et espérer que les élus politiques feront bouger les choses, afin d’assurer un futur plus reluisant à Frédéric.
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