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Rencontre avec Dominic Fleury

Portrait de thanatopracteur - Partie 1

durée 18h00
25 février 2024
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Léa Arnaud
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Par Léa Arnaud, Journaliste de l’Initiative de journalisme local

Thanatopracteur depuis plus de 30 ans, Dominic Fleury a embaumé les corps de plus de 3 000 personnes et a accompagné des centaines de familles endeuillées. 

À titre de précision, un thanatopracteur est un professionnel pratiquant des soins de conservation ou de présentation sur le corps des défunts. Dans le langage courant, on les appelle les embaumeurs. Mais, le travail d'ensemble comprend aussi l'apport du thanatologue, qui assure les services professionnels et administratifs offerts au décès. À cet effet, il existe deux catégories de permis émis par le ministère de la Santé et des Services sociaux qui encadre la profession: la première étant celle des permis d’entreprise de services funéraires et la seconde couvrant les permis de thanatopraxie.

Blagueur et souriant, ce Beauceron a toujours été passionné par ce métier. Ses parents tenaient un salon funéraire lorsqu’il était enfant. À 5 ans, sa sœur jumelle et lui descendaient au salon et s'agenouillaient auprès des personnes exposées. « De mon plus lointain souvenir, on descendait les escaliers pour se rendre au salon funéraire et il y avait un monsieur exposé. On s’agenouillait sur le prie-Dieu et on pleurait », s’est-il remémoré alors que nous l’avons rencontré sur son lieu de travail à Saint-Georges.

La première fois que Dominic a assisté à un embaumement, il avait 14 ans. « J’ai demandé à mon père de me montrer. On arrive au laboratoire, mais il avait oublié de me dire que la personne décédée avait subi une autopsie. Dans ces cas-là, le torse est ouvert. Je n’ai vraiment pas aimé ça, ça m’a pris trois ans pour en revenir! » Finalement, il a retenté l’expérience trois ans plus tard, tout juste avant de commencer ses études dans le domaine. À ce moment-là, son père a commencé à lui donner des conseils et à lui expliquer l’importance de ce travail. « Mon père disait, ”Tu sais Dominic, il faut faire attention parce que ce monsieur-là, il y a deux heures il était debout sur ses deux jambes”. » 

Diplômé depuis 1990, il a d’abord travaillé dans un petit laboratoire de La Guadeloupe avant d’entrer chez Roy et Giguère à Saint-Georges.  « Je suis un vieux de la vieille, les heures, je ne connais pas », a mentionné Dominic en soulignant que le métier de thanatopracteur c’est tous les jours, les soirs et les fins de semaine aussi évidemment.  

Être à l’écoute des familles

Au fil des années, Dominic Fleury est devenu conseiller aux familles en plus d’être thanatopracteur. À ce poste, il accompagne les familles endeuillées dans le processus administratif suite à un décès et dans le deuil. Il travaille également à rendre les cérémonies fidèles aux besoins des gens.

« On accompagne les familles dans toutes les démarches, des fois ils ne savent pas du tout ce qu'il faut faire. On explique ce qu’il en est. » Il faut reconnaître que c'est beaucoup d'administratifs pour ceux qui restent. Il faut aussi déclarer le décès en ligne au gouvernement, mais c’est le salon qui s’en occupe. Par la suite, la famille doit prendre le relais. « On donne un aide mémoire détaillé de ce que les gens doivent faire, étape par étape. Notre rôle c’est de les aider. »

Ce qui compte pour ce passionné, c’est de prendre soin des familles. « Il faut prendre soin des gens, il faut veiller auprès d’eux. C’est important de les aider. » Que ce soit à l’église ou au parc commémoratif, Dominic aime la partie cérémoniale qui permet de rendre hommage au défunt. 

« On personnalise beaucoup l’exposition de la personne ou de l’urne. On ne dit pas non à une famille. Ils ont des demandes spécifiques, mais tant que c'est possible, on va le faire. On veut associer les gens à ce qu’ils étaient. Par exemple, une fois, il y a une personne dont l’urne était exposée sur la selle d’une Harley Davidson. »

Des événements marquants 

Même si l’on fait face à des morts quotidiennement, il y a des événements ou des rencontres qui marquent plus que d’autres. Dominic nous a confié quelques souvenirs majeurs de sa carrière. 

Lors de la tuerie de l’École polytechnique de Montréal, le 6 décembre 1989, Dominic était alors en stage dans le cadre de ses études. Ce jour-là, Marc Lépine, âgé de 25 ans, a tiré sur 28 personnes tuant ainsi 14 femmes en moins de 20 minutes. Il s’est ensuite suicidé d’un coup de feu dans la tête. Dominic faisait ainsi partie des professionnels qui ont travaillé sur les corps des victimes de cette tragique attaque. 

« Marc Lépine, je l’ai vue. Ça fait quelque chose. Aussi, la petite Bergeron, je m’en souviens, c’est moi qui l’avais préparé. C’était la fille d’un policier, mais je n’avais pas rencontré les familles, j’étais stagiaire. » C’était le plus gros événement qu’il ait connu.

Quelques années plus tard, alors qu’il travaillait à La Guadeloupe, Dominic a dû embaumer l’un de ses proches. « J’étais tout seul donc je n’avais pas le choix, j’ai eu à préparer un de mes amis. Il s’était enlevé la vie et j’étais en beau joual vert. Des fois tu te dis, “mais on est là nous autres!” Tu es impuissant et tu cherches une réponse “Pourquoi tu ne nous en as pas parlé? On est une gang de chums, on est là pour toi.“ » 

Les suicides sont des situations difficiles pour ce thanatopracteur qui souhaiterait que personne n’en vienne à commettre l’irréparable. « Il y a toujours une façon de s’en sortir et d’aller chercher de l’aide. »

Il y a parfois des rencontres difficiles à ce sujet justement. « Il y en a pour qui c’est beaucoup plus difficile, notamment les accidents et les suicides. Le pire cas que j’ai eu, c'est un enfant de 17 ans qui s’était enlevé la vie… On ne peut pas comprendre ça et les parents qui restent, ils ne comprennent pas non plus. » 

Selon Dominic, c’est ça le plus dur, lorsque ce sont des parents qui perdent un enfant. « On dit “tu vas voir ça va passer”, mais ça ne passe pas. On ne se remet jamais de perdre un enfant. C’est la pire chose! Il n’y a rien à dire à des parents qui ont perdu un enfant, on est impuissant alors on les écoute. »

La pire situation à laquelle il a dû faire face au cours de sa carrière s’est produite en 2011, suite au décès de Caroline Fortier (17 ans) et Nadia Pruneau (18 ans). Les deux jeunes filles de Saint-Prosper ont perdu la vie dans un accident de la route à Sainte-Aurélie.

Elles revenaient d’une soirée et le chauffeur de la voiture dans laquelle elles se trouvaient conduisait en état d’ébriété et à trop haute vitesse. Il a manqué un virage et la sortie de route a été fatale.

Le lendemain, Dominic recevait les parents de ces jeunes dans un bureau à Saint-Prosper. Pendant la rencontre avec la mère de Caroline, il reçoit un appel de sa fille, Maude. « Elle voulait savoir si c’était Caroline et Nadia qui étaient décédées, et là, la dame a reconnu Maude. C’est là que j’ai compris que les deux petites filles étaient les deux meilleures amies de ma fille. Je suis tombé des nues. Le soir d’avant, ma fille m’avait dit “Papa, je ne suis pas sortie avec mes amies parce que c’est leur fête et comme je ne passe pas dans les bars, je ne voulais pas gâcher leur fête donc je suis restée à la maison.” Tu me crois-tu si je te dis combien j’étais content qu’elle soit restée à la maison? Et ça c’est quelque chose qui m’a hanté, je suis resté un gros six à huit mois à être lourd parce que j’étais passé si proche de la perdre. J’étais le directeur des funérailles de ces filles-là et c’était la fois la plus difficile de ma vie. »

Dans la deuxième partie de ce sujet, vous découvrirez l'envers du décor.

À lire également 

Portrait de thanatopracteur - Partie 2

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