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Des histoires d'horreur

durée 18h00
14 décembre 2020
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

DES HISTOIRES D’HORREUR

La semaine dernière, la Protectrice du Citoyen du Québec, Marie Rinfret, a déposé un rapport d’étape concernant l’enquête qu’elle mène sur la gestion de la COVID-19 dans les CHSLD, rapport portant sur la première vague, soit du 1er mars au 14 juin.

Au cours de sa démarche, l’équipe de Madame Rinfret a rencontré 1 355 personnes parmi lesquelles on retrouve des employés, des résidents, des proches-aidants, des gestionnaires, etc. Seize mémoires présentés par divers organismes concernés ont été analysés, de même que des plaintes reçues à divers niveaux.

Je me suis tapé la lecture de ce rapport de 25 pages et je dois vous avouer que j’y ai retrouvé des histoires d’horreur qui m’ont fait dresser les quelques cheveux qui me restent sur le ciboulot.
 

État de la situation

Dès le début de la pandémie, les dirigeants de la santé publique et du Gouvernement ont choisi de protéger les hôpitaux pour faire face à la crise. Tout le monde avait en tête les images tragiques de la situation en Italie où les hôpitaux débordaient, où on devait choisir de traiter des patients et d’en abandonner d’autres, faute de moyens et d’équipements suffisants. On ne voulait pas que cela se produise au Québec.

Face à ce choix, les CHSLD sont devenus «l’angle mort de la préparation à la pandémie» comme le constate la Protectrice du Citoyen. Cela a contribué à transférer le problème des hôpitaux vers les CHSLD où la vulnérabilité des patients a été sous-évaluée. 

Ce choix s’est avéré catastrophique pour diverses raisons : les CHSLD ne bénéficiaient pas des équipements requis, le personnel ne disposait pas de la formation et des équipements de protection en nombre suffisant, la mobilité du personnel travaillant dans divers établissements favorisait la propagation du virus, la mise à l’écart des proches-aidants a contribué à une diminution des services aux résidents, l’absence sur place de dirigeants disposant d’un véritable pouvoir décisionnel laissait les employés à eux-mêmes, etc.
 

Des témoignages qui font peur

Une fois dressée la liste des raisons à l’origine de cette catastrophe, la lecture des témoignages m’a tout simplement sidéré.

On parle de résidents confinés à leurs chambres, voire même à leurs lits, sans bains ou douches, baignant dans leurs culottes de continence remplies durant une journée, privés de repas, incapables de s’abreuver, ne recevant aucuns soins dentaires durant des jours, sans changements de pansements sur leurs plaies et ainsi de suite.

Il faut ajouter à cette triste liste les cas de résidents qui agonisaient sans aucun secours, laissés à eux-mêmes durant ces derniers moments de vie. Quelle tristesse!

À la lecture de ces faits, je m’imagine cloué à mon lit et devant subir une telle absence de soins de base. Quand j’y pense, j’aurais envie de crier, de rouspéter, de lancer tout ce qui me tombe sous la main pour attirer l’attention du personnel. Mais, justement, quand je suis rendu dans un CHSLD, je n’ai plus l’énergie nécessaire pour me battre. Je suis à la merci des autres, mon autonomie est à zéro.

Pas question ici pour moi de laisser supposer que les membres du personnel des CHSLD ne faisaient pas leur travail et qu’on laissait dépérir les résidents. Ils faisaient de leur mieux dans les circonstances. Ils étaient comme des pompiers qui sont appelés à combattre un incendie sans boyaux.

D’ailleurs, ce personnel, il a, lui aussi, été gravement frappé par la pandémie. Au cours de cette première vague, 13 581 ont été infectés et onze sont décédés.
 

L’urgence d’intervenir

Si la Protectrice du Citoyen a décidé de produire un rapport d’étape, c’est qu’elle considérait qu’il ne fallait pas attendre à la publication de son rapport final à l’automne 2021 pour mettre de l’avant des mesures devenues urgentes.

Parmi les priorités, le rapport d’étape propose de centrer les soins et services sur les véritables besoins des résidents en misant sur l’humanisation des soins, d’assurer la stabilité du personnel et sa présence en nombre suffisant et de poursuivre la mise en place dans chacun des CHSLD de gestionnaires munis de pouvoirs décisionnels permettant d’intervenir rapidement.

Le recrutement de près de 10 000 nouveaux préposés et la nomination de gestionnaires imputables sont déjà des mesures amorcées, mais il faudra aller plus loin encore et agir plus rapidement.


Aller au-delà des constats

Au Québec, on a facilement tendance à chercher des coupables sur qui faire porter le blâme plutôt que de travailler à trouver des solutions. La situation qui nous a pété en pleine face dans les CHSLD le printemps dernier est le résultat d’années de négligence de tous les partis politiques qui se sont succédés au pouvoir. Alors, inutile de s’accuser mutuellement. Il faut plutôt se serrer les coudes pour trouver les solutions qui assureront nos aînés de recevoir des soins adéquats au cours de la dernière étape de leur vie.

De plus, on devrait penser au fait que, un jour plus ou moins lointain, ce sera à notre tour d’être vieux et, qui sait, de se retrouver dans un CHSLD. Songeons dès maintenant à mettre en place les soins que nous aimerions recevoir une fois rendus à cette étape de notre vie.

Le rapport d’étape de l’équipe de Madame Rinfret nous permet de faire un constat de la situation. Lorsqu’un pathologiste réalise une autopsie, il peut facilement faire le constat des causes du décès du cadavre qui est devant lui. À date, je n’ai jamais entendu parler d’un pathologiste qui était parvenu à ramener à la vie l’un de ses cadavres. Ça prouve donc que se contenter de faire un constat ne suffit pas; il faut plutôt agir en amont si l’on veut éviter le pire.

Espérons que le message sera entendu par qui de droit.
 

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