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Pour qui se prennent-elles?

durée 18h00
3 juillet 2023
duréeTemps de lecture 4 minutes
Par
Pier Dutil

POUR QUI SE PRENNENT-ELLES?

Une partie de bras de fer s’est amorcée récemment entre les entreprises Meta (Facebook et Instagram) et Google d’une part et le Gouvernement canadien, d’autre part suite à l’approbation d’une loi visant à forcer les réseaux sociaux à partager leurs revenus avec les médias canadiens.

Si vous croyez que cette bagarre ne vous concerne pas, vous devriez lire cette chronique jusqu’au bout, surtout si vous êtes des adeptes des plateformes Facebook, Instagram et Google.

Pourquoi une loi?

Meta, une multinationale américaine qui engrange des revenus annuels de plus de 100 milliards de dollars américains et qui réalise des profits annuels de près de 30 milliards, repique des articles publiés dans les médias canadiens sans rémunérer ces derniers.

Ainsi, des quotidiens québécois comme La Presse+, Le Journal de Québec, Le Soleil et Le Devoir, pour ne mentionner que ceux-ci, voient leur contenu reproduit sur les plateformes mentionnées précédemment sans rien obtenir en retour.

Pourtant, ces médias paient des journalistes professionnels pour recueillir les informations et rédiger des articles publiés quotidiennement. 

Et, grâce à ce matériel obtenu gratuitement, les réseaux sociaux se sont accaparés de près de 80 % du marché de la publicité au Canada, des revenus ainsi perdus par les entreprises d’information canadiennes.

La loi C-18, récemment adoptée par le Gouvernement canadien, vise à obliger les Facebook, Instagram et Google de ce monde à partager leurs revenus publicitaires avec les médias d’où ils puisent leurs informations. Cela m’apparaît comme un juste retour des choses. Tu utilises mon matériel pour réaliser des profits, il me semble tout à fait normal que je reçoive une certaine compensation.

La menace de Facebook

Pendant que le Gouvernement canadien débattait de l’approbation de ce projet de loi, les dirigeants de Facebook ont unilatéralement éliminé le contenu issu des médias canadiens pour quelque 240 000 à 1,2 millions de leurs abonnés, prétextant effectuer des «tests», comme par hasard.

Une fois le projet de loi définitivement adopté par le Gouvernement fédéral, malgré l’opposition des Conservateurs, Gouvernement qui n’a pas cédé au chantage de Facebook, les dirigeants de l’entreprise ont ajouté aux pressions en menaçant de couper l’ensemble du contenu issu des médias canadiens d’ici à ce que la loi entre en application dans six mois.

Par contre, en 2021, Facebook a déjà pris des ententes avec 18 médias canadiens parmi lesquels Le Devoir, les six quotidiens des COOPS de l’Information dont Le Soleil et le Toronto Star.

Ce n’est pas la première fois que Facebook agit de la sorte. L’entreprise a utilisé les mêmes menaces en Australie lorsque le Gouvernement australien a procédé à l’adoption d’une loi poursuivant les mêmes objectifs que la loi canadienne. Après quelques jours seulement, Facebook a renoncé à son chantage et a pris des ententes avec les médias australiens, ententes qui ont généré depuis des revenus de 180 MS pour les médias concernés.

Il est important de mentionner que plusieurs autres pays et états américains comme le Royaume-Uni, l’Espagne, la Californie et de nombreux autres sont à étudier l’adoption de lois similaires à celle du Canada pour protéger leurs médias.

Des impacts importants

Selon des données récoltées par Digital News Report et publiées dans La Presse+ samedi dernier, il y aurait 27 millions de Canadiennes et de Canadiens sur Facebook.

Si l’accès à Facebook et Instagram est gratuit pour vous et moi, c’est que ces réseaux vendent de la publicité à des annonceurs en nous utilisant, vous et moi, représentant un grand nombre de leurs abonnés qu’ils affirment pouvoir joindre. 

Si jamais Facebook décidait de couper l’accès aux médias canadiens à ses abonnés canadiens, cela voudrait dire que le reste du monde pourrait consulter les informations canadiennes, sauf les Canadiens.

En plus de menacer les médias de divers pays de boycottage, je me dois de mentionner également que Meta (Facebook et Instagram) et Google utilisent de nombreux autres moyens pour éviter de payer des impôts dans les pays d’où elles réalisent d’importants revenus.

Ces entreprises sont devenues à ce point importantes qu’elles finissent par se croire au-dessus des lois des pays où elles ont des activités.

En agissant avec leurs gros sabots, écrasant tout sur leur passage, ces entreprises menacent la survie des médias canadiens qui investissent dans l’embauche de journalistes professionnels pour nous livrer une information de qualité. C’est une attaque directe à la démocratie.

Depuis leur création, les Facebook, Instagram et Google de ce monde menacent la survie des médias traditionnels en s’accaparant la grande majorité des revenus publicitaires.

Quant à nos Gouvernements, provinciaux et fédéral, ils pourraient répondre à la menace de Facebook et autres en cessant d’y acheter de la publicité. 

L’exemple d’enBeauce.com

Ce ne sont pas tous les médias électroniques qui se contentent de piger dans le contenu des autres pour se tailler une place dans le marché de la publicité.

Le site enBeauce.com, sur lequel cette chronique est publiée, embauche et paie des journalistes pour traiter l’information régionale. De plus, enBeauce.com paie un abonnement à La Presse canadienne pour avoir accès à son contenu rédactionnel.

Si de petites entreprises comme enBeauce.com et ses partenaires du groupe Néomédia sont en mesure d’investir dans l’information et de s’y tailler une place en respectant les auteurs de nouvelles, je me demande pourquoi des géants comme Meta et Google ne pourraient faire de même en acceptant de partager leurs revenus avec les médias auprès desquels ils s’abreuvent. C’est une simple question d’équité.

Pensée de la semaine

Je dédie la pensée de la semaine aux dirigeants de Meta et de Google :

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