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L'ancienne briquade de Saint-Georges

durée 05h00
13 août 2023
duréeTemps de lecture 200 minutes
Par
Pierre Morin

LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE SARTIGAN

David Roy (1840-1920) fut l'un des grands bâtisseurs de Saint-Georges (photo 10). Il fut aussi maire d'Aubert-Gallion (ancien nom de Saint-Georges), de 1895 à 1898. Entre 1881 et 1912, il a exploité le premier pont dans notre ville. C'était un pont en bois à péage, qu'il a conçu et construit lui-même. Ce David Roy était le prototype du beauceron ingénieux et travailleur. Il n'était pas ingénieur, mais était toutefois un «patenteux» extraordinaire. Son premier métier était celui de maçon. Il a travaillé au briquetage de l'ancien couvent des soeurs du Bon-Pasteur au début des années 1880, ouvrage qui a nécessité 186,000 briques. Son travail lui a tôt fait réaliser que ce serait génial d'avoir une briqueterie dans notre ville. Fonceur comme il l'était, il n'hésita pas à se lancer dans ce genre d'aventure. Sachant que le matériel de base de la brique est la glaise, il trouva rapidement l'endroit idéal pour installer sa nouvelle industrie: le secteur sud de la rue principale du côté ouest (aujourd'hui 1re avenue), car il avait découvert que le sol était glaiseux dans les alentours. C'est en 1890 qu'il a démarré la production (photo 1). À l'époque, il n'y a avait pas de rue transversale, son site était alors en arrière du 4000 de la 1re avenue. Pendant plusieurs années, la briquade fut dirigée par ses fils Odilon et Philippe. C'était en arrière de la maison aujourd'hui située à cet endroit, qui a longtemps appartenu à Odilon et ses descendants (photo 2). Plus tard, Philippe a démarré une autre briquade un peu plus au nord, en face du 3065 de la 1re avenue au nord de la 35e rue, terrains aujourd'hui occupés par des jumelés. On possède heureusement une photo aérienne de 1961 où on voit le site de cette industrie peu de temps après qu'elle ait cessé ses opérations (photo 3).

Le nom donné à cette entreprise fut la «briquade Saint-Georges». La brique était fabriquée selon le procédé habituel. D'abord extraire la glaise, la déchiqueter et la malaxer dans un grand bassin rotatif (photo 4) en ajoutant de l'eau, du sable et un autre ingrédient inconnu (probablement un genre de mortier) dont il  avait emprunté le secret à une compagnie de la Côte de Beaupré. Une fois le matériel bien mélangé, c'était l'étape du moulage, puis le démoulage pour étendre les briques encore humides au sol (ou aussi cordées les unes sur les autres, photos 5, 6 et 7 de 1949) pour les faire sécher au soleil; il fallait six hommes pour accomplir cette tâche. Voyez une photo de 1949 où des centaines de briques sont étendues à sécher (photo 8 et 9 où on voit Marcelle Roy 17 ans, fille de Philippe). Une fois séchées, il fallait les ramasser et les empiler soigneusement de façon à former un immense four d'environ 8 pieds de hauteur, comprenant jusqu'à 12 ouvertures (On en voit quatre à gauche sur la photo 1). En effet, l'intérieur de la structure était vide et on y avait accès par les ouvertures (en formes d'arches) pratiquées tout autour (généralement trois ou quatre de chaque côté), par lesquelles on chauffait cet énorme tas de brique. Ils devaient le chauffer (de bois) jour et nuit, pendant dix jours. Que de soirées passées à surveiller cet immense foyer et entretenir le feu, avec les propriétaires et les employés qui se relayaient à la tâche. Au départ, avant la cuisson, les briques étaient grises, et on savait qu'elles étaient prêtes lorsque leur couleur était brunâtres, c'est la couleur terra cotta, synonyme de «terre cuite».

Philippe Roy s'est un jour pris le bras gauche dans l'engrenage du déchiqueteur de glaise et est resté avec les doigts croches à cette main. Ils fournissaient généralement du travail à dix hommes, dont presque tous les fils d'Eugène Bolduc (Gonzague, Paul, Gilles et Marc-André). Eugène était celui qui «montait» le four, c'est-à-dire qu'il dirigeait l'équipe sur la façon de placer les briques pour la cuisson. Les briques étaient étampées de «SG». Presque toutes les cheminées de Saint-Georges construites avant 1960 provenaient de cette briqueterie (fermée en 1960). Et de nombreux immeubles recouverts de ces briques subsistent encore aujourd'hui un peu partout en ville. Exemples: l'ancienne résidence d'Odilon (photo 2) et celle de son frère Philippe (photo 10). 

Photos du fonds Claire Roy, petite-fille de David Roy, sauf la 2 et la 10 de Google, la 3 qui est du fonds Claude Loubier, la 7 du fonds Lucille Roy. Texte et recherches de Pierre Morin.

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