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Une scène désolante de la débâcle de 1896

durée 05h00
10 septembre 2023
duréeTemps de lecture 158 minutes
Par
Pierre Morin

LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE SARTIGAN

On sait que la ville de Saint-Georges a été victime de nombreuses inondations au cours de son histoire, la pire ayant été celle de 1896. Ce fut une catastrophe terrible pour nos ancêtres. Des scènes apocalyptiques se sont produites à cette occasion. Le renommé photographe J.A. Gagnon a su capter sur pellicule le désarroi alors vécu par ses concitoyens. La scène la plus désolante est probablement celle illustrée à la première photo. Cette pauvre dame, épouse du cordonnier Napoléon Drouin, est assise au pied des débris de leur résidence qui a été détachée de ses fondations et déplacée, tout croche, au centre de la rue, parmi les autres immeubles empilées pêle-mêle au centre-ville. Même si on ne distingue pas clairement les traits de son visage, on réalise qu'il s'agit d'une dame fière et élégante, avec ce qui semble être son veston replié sur ses genoux. On voit à droite une chaise en bois et un peu plus loin une table au milieu des débris. Les gens essayaient de récupérer tout ce qu'ils pouvaient, car la majorité ne détenaient aucune assurance et se voyaient contraints de repartir à zéro et de se refaire une vie. Quelle désolation, quelle misère.

Je trouvais malheureux qu'on n'en sache pas plus sur cette femme qui semble bien seule sur cette photo. Qui est-elle et qu'est-elle devenue? Elle méritait qu'on en apprenne davantage sur son histoire. Mon bon ami Paulin Poirier m'a aidé dans cette tâche. Son nom est Félixine Caron, originaire de Beauceville, née en 1870. Elle s'est mariée en 1888. Son mari Napoléon Drouin avait acheté leur résidence en 1887 de Joseph Lessard (frère de Thomas Lessard). Ils s'y installèrent immédiatement après leur mariage, en 1888. Après sa destruction par la débâcle de 1896, ils se relocalisèrent un peu plus au sud, dans une maison qu'on voit à la 4e photo, indiquée par une flèche. Ils ont cédé celle-ci plus tard, le 2 mars 1914, à Pierre (dit Pierrot) Fortin qui l'a revendue en 1920 à la banque Royale qui l'a démolie pour y ériger son nouvel édifice. Cette banque (rénovée) est encore sur ce site. Napoléon Drouin étant décédé en 1917, Félixine s'est remariée le 2 août 1920 à un autre cordonnier, Ludger Bolduc. Le couple a vécu dans un gros immeuble située au coin de la 123e rue, qu'on voit à la photo 5 (plus tard site du magasin Davis). Ludger est décédé le 10 juin 1938 à l'âge de 78 ans. Félixine s'est éteinte le 31 mai 1945 à l'âge de 75 ans (elle n'a pas eu d'enfants). Voyez leurs cartes mortuaires (photo 6).

Quant à la maison de Napoléon et Félixine en 1896, on a la chance d'en avoir une photo prise peu de temps avant sa destruction (photo 2); c'est celle à l'extrême droite, où on aperçoit le couple sur la galerie du 2e étage. On en possède une autre (photo 3) prise dans les jours suivant la débâcle, on voit la toiture de leur maison, c'est celle indiquée par une flèche, obstruant la rue de ce qui était alors le centre-ville. Wow, nos ancêtres ne l'ont pas eu facile. Que de courage et de persévérance ils ont dû faire preuve pour passer à travers de telles épreuves. Ils méritent notre plus grand respect.

Photo 1 du fonds Daniel Lessard. Photos 2, 4 et 5 du fonds Claude Loubier. Photo 3 de la BAnQ. Recherches de Paulin Poirier et Pierre Morin Texte de Pierre Morin.

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