Entretien avec le président des Éleveurs de porcs de la Beauce
Grève à Olymel: quels sont les impacts pour les producteurs de porc?
La grève générale illimitée qui se poursuit du côté de l’usine d’abattage de porcs d’Olymel à Vallée-Jonction n’a pas seulement des impacts sur l’entreprise et sur les travailleurs.
Étant l’un des plus grands abattoirs de porcs au Québec, le frein des activités de l’usine a plusieurs répercussions sur les autres acteurs de l’industrie porcine. Voici une discussion avec René Roy, président des Éleveurs de porcs de la Beauce.
Au niveau général, quel est l’impact de la grève d’Olymel chez les producteurs de porcs en Beauce?
« Étant donné la fermeture actuelle de l’usine de Vallée-Jonction, il faut aller porter nos porcs dans d’autres abattoirs. Les autres abattoirs au Québec étant déjà assez utilisés, on a été obligé d’envoyer des porcs ailleurs aux États-Unis et dans l’ouest du Canada. Ce n'est pas du travail fait ici c'est une perte de richesse pour la région. C'est malheureux ».
Est-ce que des petits joueurs dans l’industrie de l’abattage de porcs pouvaient en partie combler le vide laissé par l’arrêt des activités de l’usine d’Olymel à Vallée-Jonction?
« En raison du volume de porcs abattus chez Olymel, les quantités qui peuvent être prises par des petits abattoirs sont marginales. Ça ne pourrait pas permettre d’écouler les porcs. Il faut aussi considérer que ces porcs deviennent des surplus pour n’importe quel abattoir qui les prendraient. Les abattoirs cherchent à optimiser leurs opérations et de toujours avoir des porcs sur la chaîne d’abattage. Lorsqu’un abattoir ferme, ça entraîne un poids supplémentaire sur les autres. Elles n’ont pas toutes les capacités d’en prendre, et certainement pas d’en prendre autant ».
Avec tous ces changements logistiques, est-ce que cela entraîne des pertes financières pour les producteurs de porcs?
« Oui, ça l’entraîne des pertes au niveau financier. Mais aussi, malgré que des porcs sont envoyés ailleurs, ce ne sont pas tous les animaux qui sont abattus la journée où on voudrait qu’ils le soient. Il y a donc ce qu’on appelle des porcs « en attente », donc des porcs qui ne sont pas envoyés et qui sont gardés chez les producteurs plus longtemps jusqu’à ce qu’il y aille de la place. En ce moment, au niveau provincial, on estime qu’il y a plus de 100 000 porcs gardés dans les fermes en attendant que la place soit disponible. Lorsqu’on garde les porcs plus longtemps, des maladies peuvent survenir, des animaux peuvent mourir dans l'entretemps. Ce sont des pertes pour les producteurs ».
On imagine qu’il y a plusieurs implications lorsque les porcs doivent rester sur place?
« Effectivement, on doit continuer à les nourrir, il faut continuer à s’en occuper, il faut trouver de l’espace dans nos bâtiments, etc. Et ce n’est pas facile de les garder confortables, car ils sont de plus en plus serrés. Il y a aussi une exigence supplémentaire en raison des températures plus chaudes pendant l’été. Le porc est un animal très sensible à la chaleur. Ce n'est pas un animal qui transpire, il évacue sa chaleur par la bouche ou en s'arrosant. Normalement, l’été, on cherche donc à avoir plus d’espace pour les porcs. Mais en ce moment, on n’a pas cet espace-là pour les porcs parce qu’on ne peut pas les envoyer ».
On a beaucoup entendu parler d’euthanasie d’animaux lors de la grève chez Exceldor du côté de Saint-Anselme, est-ce qu’on en est rendu là avec les porcs? Des euthanasies ont-elles été nécessaires?
« Non, pour l’instant, nous n’avons pas procédé à des euthanasies, mais on estime que, d’ici deux à trois semaines, on va devoir faire face à des choix difficiles, et l’euthanasie fera partie des options. Il faut bien comprendre que pour un producteur, notre business n’est pas de gaspiller de la nourriture, mais d’en produire. Ça ne tente pas à personne de gaspiller de la nourriture. Surtout que nos animaux, on en prend soin ».
Dans quel contexte pour l’industrie porcine survient cette grève à l’usine d’Olymel? Quelle était la situation avant la grève?
« Avant la pandémie de COVID-19, il pouvait y avoir quelques porcs en attente dans certaines périodes de congé, mais ce n'est jamais ce qu’on a vécu pendant la COVID. En effet, il y a eu des fermetures d’abattoirs à quelques endroits au Québec. Une journée d’abattoir représente beaucoup de porcs, et donc ce sont des animaux qui sont restés dans les fermes. Le nombre de porcs en attente a donc augmenté l’automne passé. Malgré qu’on a réussi pendant l’hiver a diminué cette quantité jusqu’à un point on était près de notre objectif pour rouler confortablement, la grève est arrivée. Alors, on était près de voir la lumière au bout du tunnel, mais finalement on l’a pas vu en raison de la grève. On était positifs, mais là, nous sommes presque revenus au même niveau qu’au pire de la COVID ».
Quel est le rôle des Éleveurs de porcs de Beauce dans une telle situation?
« Il y a le côté logistique et le côté politique. On est en contact avec différents acteurs, notamment Olymel parce qu’on a à gérer la logistique autour de tout ça tous les jours: qui va sortir cette semaine par rapport à un autre, qui sont les cas prioritaires, etc. Par surcroît, nous faisons des appels à nos politiciens pour qu’ils encouragent un dénouement rapide. On a vu dans le cas d’Exceldor que les invitations persistantes des politiciens ont aidé à trouver un dénouement pour que ce soit favorable pour tout le monde. De notre côté, on ne veut pas devenir des dégâts collatéraux dans un conflit de travail, donc on parle à tout le monde, nos politiciens, nos députés, les ministères impliqués pour trouver des solutions dans les plus brefs délais. On ne veut pas s’ingérer, mais on essaye de trouver des solutions le plus rapidement possible, parce que cela nous impacte ».
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