Pier Dutil
Les belles-mères
Par Pier Dutil
D’entrée de jeu, je dois vous confier que je n’aime pas les belles-mères. Non pas les mères de nos conjointes ou conjoints, mais plutôt les belles-mères politiques, celles qui, maintenant qu’elles ne sont plus au pouvoir, semblent connaître toutes les solutions et viennent faire la leçon aux élus actuels.
Six belles-mères
Mercredi dernier, les six anciens Premiers Ministres québécois toujours vivants ont publié une lettre adressée au Premier Ministre Legault pour lui faire part de leur inquiétude quant à certains aspects de la réforme de la santé que tente de mettre en place le Ministre de la Santé, Christian Dubé.
Les «ex» disent s’inquiéter pour l’autonomie des hôpitaux, de leurs conseils d’administration et de leurs fondations. Pourtant, le Ministre Dubé a accepté d’apporter des amendements à son projet de loi pour préserver l’indépendance des fondations et des fonds de recherche. Mais il semble que ce ne soit pas suffisant pour les belles-mères.
Qui sont-elles, ces belles-mères?
Les belles-mères en question sont : Pauline Marois, Lucien Bouchard, Jean Charest, Philippe Couillard, Pierre-Marc et Daniel Johnson.
Pierre-Marc Johnson a été Premier Ministre à peine trois mois en 1985, alors que son frère Daniel a occupé la même fonction durant neuf mois en 1994. Pour sa part, Lucien Bouchard a été Premier Ministre durant cinq ans de 1996 à 2001, alors que Jean Charest l’a été durant neuf ans de 2003 à 2012. Finalement, Pauline Marois, première femme à devenir Première Ministre au Québec, a occupé la fonction durant 18 mois de 2012 à 2014 et Philippe Couillard a fait de même durant quatre ans de 2014 à 2018
Il importe de préciser que Pauline Marois et Philippe Couillard ont également occupé le poste de Ministre de la Santé avant de devenir Premiers Ministres.
Durant toutes ces années, nos belles-mères ne sont pas parvenues à améliorer le système de santé québécois. J’oserais même affirmer qu’elles ont contribué à empirer les choses.
À la poursuite du déficit zéro, Lucien Bouchard a expédié à la retraite des milliers de médecins et d’infirmières, Jean Charest a chambardé les structures sans pour autant améliorer les services et Pauline Marois et les frères Johnson n’ont pas été suffisamment longtemps au pouvoir pour influencer le système de santé.
De son côté, Philippe Couillard, en collaboration avec son Ministre de la Santé Gaétan Barrette, a effectué une centralisation à outrance, ramenant presque tous les pouvoirs entre les mains du Ministre et des centaines de postes de gestion situés près des opérations ont tout simplement été abolis. On a préféré se concentrer sur des modifications au niveau de la structure plutôt que sur l’amélioration des soins.
Avec de tels bilans, je me demande comment ces six belles-mères peuvent se permettre de venir donner des leçons aux dirigeants actuels de notre système de santé. Elles devraient se garder une petite gêne.
Le statu-quo n’est plus vivable
Depuis des décennies, les dirigeants politiques québécois n’ont cessé d’investir des milliards de dollars supplémentaires dans le système de santé. Les seuls vrais bénéficiaires de tous ces investissements sont les médecins, principalement les médecins spécialistes.
Les heures d’attente aux urgences sont toujours aussi longues, les délais pour consulter un spécialiste s’allongent de même que les listes d’attente pour subir des opérations, les patients orphelins à la recherche d’un médecin se comptent par centaines de milliers, et les soins à domicile ne suffisent pas à répondre adéquatement aux besoins des patients. Je pourrais ajouter plusieurs autres points problématiques, mais je crois que ce n’est pas nécessaire.
Tout cela pour dire que le système actuel a largement prouvé son inefficacité et que ce n’est pas en investissant encore plus d’argent que les choses vont s’améliorer. Il va falloir accepter de changer nos façons de faire.
Le projet de loi que souhaite faire approuver le Ministre Dubé explore plusieurs voies nouvelles et cela crée de la résistance au sein de système. Il y a plein de petits «boss de bécosses» qui craignent de perdre un peu de pouvoir.
Nous n’avons plus le choix. Pour améliorer notre système de santé, on va devoir brasser la cage, forcer les intervenants à modifier leurs façons de faire.
Parmi les améliorations à signaler dans le projet de loi de Christian Dubé, je me permets de mentionner la création de Santé Québec qui deviendra le seul et unique employeur de tout le personnel de la santé et qui permettra, entre autres choses, à une infirmière de changer de région sans perdre son ancienneté. Les patients en attente d’une opération pourront également consulter la liste d’attente provinciale afin de voir où ils sont rendus. Et, s’il y a de la disponibilité pour se faire opérer plus rapidement dans une autre région, il sera possible de le faire. On cessera de travailler en silo, la main gauche ignorant ce que fait la main droite ou vice-versa.
Dans des entrevues accordées à divers médias, le porte-parole des belles-mères, Lucien Bouchard, a déclaré que, dans l’ensemble, il était d’accord avec la réforme proposée. Il s’est même permis d’ajouter que le Québec était «chanceux» d’avoir Christian Dubé comme pilote de cette réforme. Avec des amis comme ça, Monsieur Dubé n’a sans doute pas besoin d’ennemis.
Évidemment, la réforme majeure que s’apprête à mettre en place le Ministre Dubé n’est sans doute pas parfaite. Elle ne réglera pas d’un seul coup de baguette magique tous les problèmes de notre système de santé, mais elle a le mérite de s’attaquer aux vrais problèmes.
Ce qui me désole dans tous les arguments mis de l’avant par les opposants à la présente réforme, c’est que personne ne semble se préoccuper du sort de la grande victime du système actuel : LE PATIENT.
Pensée de la semaine
Cette semaine, je me sens lousse, vous aurez droit à deux pensées pour le prix d’une et je les dédie à nos six belles-mères politiques :
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