Pier Dutil
La fièvre du printemps

Par Pier Dutil
Au Québec, l’hiver n’en finit plus de finir. Vigneault a beau chanter «Mon Pays, c’est l’Hiver», après quatre à cinq mois à pelleter, à enfiler bottes et manteau à chaque fois qu’on met le nez dehors, on a hâte de se faire chauffer la couenne par le soleil.
Il y a un peu moins de deux semaines, la Mère Nature, contre toute attente, nous a gratifiés de quelques journées au cours desquelles le thermomètre a atteint, voire même dépassé les 30 degrés. Dans l’esprit de plusieurs, ça y était, l’été était arrivé. Mais on avait oublié qu’à la mi-mai, nous n’en étions encore qu’au printemps et la Mère Nature n’a pas tardé à nous le rappeler.
La sève monte
En Beauce, le printemps se démarque par un phénomène purement naturel, la montée de la sève dans les érables. Mais, dernièrement, il n’y a pas que dans les érables où la sève montait. En effet, elle montait également dans nos corps et cela donnait lieu à des comportements qui sont parfois drôles à observer chez les humains que nous sommes. C’est ce que j’appelle la fièvre du printemps.
Parmi les comportements drôles, mais pas tellement respectueux de l’environnement, il y a ceux qui ont tellement hâte de voir la neige fondre qu’ils décident de sortir le boyau d’arrosage pour arroser la neige afin qu’elle fonde plus vite. Comme s’ils ne faisaient pas confiance à la nature qui finit toujours par venir chercher la neige qu’elle nous a envoyée.
Il y a aussi ceux qui, dans un excès de propreté, décident de laver leur entrée de cour avec le boyau d’arrosage, utilisant ainsi de grandes quantités d’eau traitée à grand coût dans nos usines de filtration. Mais, que voulez-vous, quand on est propre, rien n’est trop propre, même notre asphalte.
Il y a les mordus de la décoration qui trouvent que leur asphalte n’a plus belle apparence et qui décident de la faire repeindre. Il n’y a rien de plus beau qu’une belle entrée toute noire, n’est-ce pas? Je ne sais trop quel produit on utilise pour cette opération, mais j’ai un petit doute quant à la protection de l’environnement. Mais, de l’asphalte dans une entrée, c’est plus beau quand c’est noir, au diable l’environnement.
Enfin, toujours en pensant à l’environnement, il y a nos agriculteurs qui décident d’épandre dans leurs champs le fumier amassé tout au long de l’hiver avec les impacts que cela occasionne sur notre odorat. Le printemps, on ne doit pas seulement le ressentir, on doit aussi le sentir. Et, de ce côté, en Beauce, on est très bien servi.
Des comportements plus drôles
La sève qui monte dans les membres se rend parfois jusqu’au cerveau et donne lieu à de drôles de comportements chez «L’Homo Quebecus» que nous sommes.
Dès que la température atteint les 10 ou 12 degrés lors d’une journée ensoleillée, on peut voir circuler des propriétaires de cabriolets la capote baissée. Le fond de l’air est encore froid, mais cela n’a pas d’importance, on a hâte de sentir le vent dans nos cheveux. À l’automne, à ces mêmes températures, on n’oserait pas circuler la capote baissée, mais, au printemps, tout est différent.
Et que dire de celles et ceux qui ont tellement hâte de se promener en bermuda que, dès qu’ils ressentent quelque peu un brin de chaleur sur leurs jarrets, noirs ou pas, s’empressent d’enfiler leurs culottes à pattes courtes, même si la température est encore fraîche, voire même froide. Ils en sont d’ailleurs tout à fait conscients au point de porter une tuque enfoncée jusqu’aux oreilles sur le ciboulot. Au printemps seulement, bermudas et tuques font bon ménage.
On peut aussi observer celles et ceux qui ont hâte de jouer dans leurs plates-bandes, à quatre pattes et le derrière en l’air, pour y planter leurs fleurs.
Même si les spécialistes crient haut et fort que planter nos fleurs en mai en Beauce est généralement trop tôt, les vrais amateurs de fleurs se mettent à l’œuvre, comme si on voulait tirer sur les tiges pour que nos fleurs poussent plus vite.
Et, comme il fallait s’y attendre, lorsque l’on se retrouve avec des risques de gel au sol certaines nuits, on se doit d’abrier nos fleurs en étendant des draps ou des serviettes ou bien de s’assurer de bien les arroser. Tout cela parce que l’on est un peu trop pressé.
Enfin, il y a les maniaques de la baignade, dont je fais partie, qui ont hâte de plonger dans l’eau de leurs piscines. Dès que la piscine est ouverte et que le chauffe-eau a commencé à faire effet, plusieurs n’hésitent pas à se lancer à l’eau, alors que la température dépasse les 70 degrés Fahrenheit. Malgré l’adoption du système métrique à la fin des années 1970, quand on parle de la température de l’eau de la piscine, pour une raison que j’ignore, on continue à parler de degrés Fahrenheit.
Cette année, j’ai établi un nouveau record en me baignant le 15 mai dernier. Dans ma remise, il y a une planche où j’inscris à chaque année les premières et les dernières dates auxquelles je me baigne.
Si me baigner à un peu plus de 70 degrés est agréable en mai, je n’oserais me lancer à l’eau à une telle température au cours de l’été. Mais, quand on a hâte de se baigner, rien ne nous arrête.
Si tous ces comportements nous portent parfois à rire, ils sont tout de même révélateurs de notre profond désir de sortir de notre hibernation.
Peu importe quels comportements nous inspire la fièvre du printemps, vivons-la pleinement comme un apéro à l’été.
Courage
Il ne reste que 1 344 jours au mandat de Donald Trump.
Visionnez tous les textes de Pier Dutil
Pensée de la semaine
Je sous dédie, à toutes et tous, la pensée de la semaine :
Pour partager votre opinion vous devez être connecté.