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Le Canada et la Chine coorganisent la COP15 à Montréal sous fond de tensions

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5 décembre 2022
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Par La Presse Canadienne

Une grande conférence des Nations unies sur la biodiversité commencera mardi à Montréal avec l'objectif ambitieux d'amener tous les pays à accepter de protéger près du tiers des terres et des océans du monde avant la fin de cette décennie.

Mais l'enjeu environnemental sera peut-être la partie facile de la réunion coorganisée par le Canada et la Chine, qui ont des relations de plus en plus tendues. Et les deux pays devront travailler sans le poids politique des autres dirigeants mondiaux, qui n'ont pas été invités à y assister.

Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur canadien en Chine, croit qu'il sera très intéressant de voir comment la rencontre se déroulera.

La Chine est la présidente de la réunion sur la biodiversité de cette année, ce qui signifie qu'elle aide à établir l'ordre du jour et guide les négociations. Elle devait également être l'hôte et a retardé la réunion quatre fois à cause de la COVID-19.

Mais puisque la Chine n'a toujours pas ouvert ses frontières aux voyageurs internationaux, le gouvernement chinois a accepté en juin que la réunion soit déplacée à Montréal, qui abrite les bureaux du secrétariat de l'ONU sur la biodiversité.

Officiellement, le rôle du Canada en est surtout un de logistique. Mais cet arrangement augmentera l'influence du Canada sur les négociations et pourrait ajouter plus de troubles diplomatiques à l'équation.

Des tensions toujours plus vives

Dire que les relations entre le Canada et la Chine sont tendues revient à suggérer que l'océan Pacifique n'est qu'une petite étendue d'eau.

La relation a déraillé en 2018 lorsque le Canada a arrêté une dirigeante chinoise du secteur technologique au nom des États-Unis. La Chine avait alors rapidement arrêté deux Canadiens en représailles apparentes. Mais plus d'un an après la libération des trois personnes, les tensions ne se sont pas vraiment apaisées.

Au cours des dernières semaines, de nouvelles allégations ont émergé au sujet de tentatives chinoises d'exercer une influence au Canada, notamment lors des récentes élections. Et en novembre, le Canada a forcé certaines entreprises d'État chinoises à vendre leurs participations dans des projets miniers critiques au Canada dans le but de réduire la domination de la Chine dans l'industrie des batteries électriques.

La COP15 débutera également neuf jours seulement après que le Canada eut publié une nouvelle stratégie indopacifique qui vise à renforcer les liens commerciaux en Asie pour contrebalancer l'influence de la Chine. Pékin a clairement fait savoir qu'il n'était pas satisfait de la stratégie.

M. Saint-Jacques a dit que la Chine devrait être reconnaissante que «le Canada soit venu à son secours» lorsque le pays n'a pas pu accueillir le sommet sur la biodiversité. Mais il a dit que la Chine avait tendance à bousculer le Canada.

«C'est un vieux proverbe qui dit qu'on tue le poulet pour effrayer le singe, a-t-il illustré. Alors ils ont rudoyé le Canada et ils ont dit aux autres pays: "si vous osez nous critiquer, voici ce qui va vous arriver." Nous devons donc en être conscients.»

M. Saint-Jacques estime que la Chine ne voudra probablement pas que le premier ministre Justin Trudeau assiste à la conférence, puisque le président chinois Xi Jinping n'y sera pas. Le président Xi aurait assisté à la rencontre si le sommet avait eu lieu chez lui, et il a prononcé un discours lors de l'événement virtuel il y a un an.

Mais Justin Trudeau y va, et il doit prendre la parole lors des cérémonies d'ouverture avec le secrétaire général de l'ONU, António Guterres.

Absence d'autres dirigeants

Aucun autre dirigeant mondial n'est attendu. La Chine n'a invité que les ministres de l'Environnement, une décision qui, selon certains groupes, vise à minimiser l'importance de la réunion.

Le ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault, a déclaré qu'il n'est pas habituel que les pourparlers sur la nature comportent un sommet des dirigeants, et il a noté que le Canada n'avait que quatre mois pour organiser cet événement. Il a ajouté qu'il avait été question d'inviter des dirigeants, mais au moment où les organisateurs réfléchissaient à l'idée, il était déjà trop tard.

«Les horaires des dirigeants du monde entier étaient déjà très chargés et nous n'avons pas reçu une très bonne réponse», a-t-il expliqué.

L'ancienne ministre canadienne de l'Environnement, Catherine McKenna, a dit que plusieurs craignent que la conclusion d'un accord soit moins probable en raison de l'absence des dirigeants mondiaux.

«C'est un défi, parce que ce que vous voulez, c'est que les dirigeants viennent dire que nous devons conclure un accord et le dire clairement à leurs négociateurs», a-t-elle soutenu.

«Souvent, les négociateurs continuent de négocier pour toujours», a-t-elle précisé, ajoutant qu'une pression provenant du haut pouvait les influencer.

«Je ne sais pas comment cela va se dérouler, a-t-elle affirmé. Je sais que les gens sont très inquiets en ce moment

Travailler ensemble pour la planète

Elle a ajouté qu'il ne fait aucun doute que les tensions entre le Canada et la Chine ajouteront à la difficulté de conclure un accord. Mais elle croit qu'ils devaient mettre de côté les frictions, car la planète ne peut pas attendre.

«Il n'y a pas de solution à la crise climatique, à la crise de la biodiversité, sans travailler avec la Chine, a-t-elle plaidé. Et c'est difficile. Mais je pense qu'on peut travailler sur ces questions tout en restant ferme sur d'autres questions comme les droits de la personne et le commerce.»

Mme McKenna et M. Saint-Jacques ont tous deux fait valoir que le Canada et la Chine entretenaient des liens étroits sur les questions environnementales depuis des décennies.

M. Saint-Jacques a rappelé que l'aide canadienne au développement en Chine a contribué à la création de son ministère de l'Environnement. Les deux pays ont un accord-cadre environnemental en place depuis 1998, et Parcs Canada a aidé la Chine à développer son nouveau réseau de parcs nationaux.

«Je dirais que si la Chine est honnête, elle reconnaîtra que le Canada a été très utile», a déclaré M. Saint-Jacques.

Mia Rabson, La Presse Canadienne

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