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Démolition des maisons à Beauceville

Ce massacre n’aurait même pas dû être envisagé

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25 août 2020
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Sylvio Morin
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Par Sylvio Morin, Chef des nouvelles

L'auteur de cette lettre d'opinion, Pierre Cloutier, est un natif et résident de Beauceville qui s'interroge sur la démolition des maisons et des commerces qui a cours depuis plusieurs mois dans cette municipalité (et aussi ailleurs en Beauce) suite aux inondations du printemps 2019.

Rappelons qu'un programme de compensation financière du ministère de la Sécurité publique a été mis sur pied pour permettre aux propriétaires de maisons de se retirer des zones inondables.

« Notre devoir de mémoire, c’est avant tout une question de respect humain.  Faire table rase et construire l’avenir sur des ruines? Non!  S’adapter et regarder vers l’avenir? Oui.  À n’importe lequel prix? Non », écrit Pierre Cloutier dont nous reproduisons ici l'intégrale de sa missive.

Suite aux inondations 2019, ce massacre n’aurait même pas dû être envisagé

Un symbole, c’est une représentation, c’est signifiant.  C’est souvent concret, ça nous rappelle un souvenir, une situation vécue, un endroit visité.  Un symbole, c’est également un bibelot, une image, une photo et bien d’autres choses encore.  

Une maison, c’est un symbole concret de la vie d’une famille.  C’est son histoire, son identité.  Parler de patrimoine bâti, c’est avant tout parler de patrimoine humain.

Dans une famille, il y a des naissances, des décès, des mariages, des divorces, des joies, des peines, des désaccords, des réconciliations, des éclats de rire, des traditions, des rituels, de l’écoute, du partage, de l’amour!  La famille nourrit la maison de sa présence.  On s’en préoccupe, on s’en occupe, on l’entretient.  En la respectant, on respecte la mémoire de ceux et celles qui l’ont habitée.  La maison nous écoute et nous entend : alors, elle nous parle.  Chaque pièce a son histoire, ses souvenirs à raconter.  Tant qu’on lui donne de l’oxygène, de l’énergie, elle nous parle.  Elle a son identité propre : c’est son âme. 

Si on la néglige… graduellement, elle cesse de nous parler.  Elle souffre, elle manque d’oxygène.  En « apparence », elle semble intacte, mais de l’intérieur, elle suffoque, elle n’est plus l’ombre d’elle-même.  On ne la reconnaît plus.  On a cessé de la respecter, de respecter son identité, son âme.  Elle se dégrade.  Elle est sur respirateur artificiel.  Alors, par respect de ce qu’elle fût, on accepte qu’elle soit débranchée…  car on l’a fait taire, on l’a tuée à petit feu.  Elle n’est plus que poussière.

Heureusement, la majorité des gens ont continué de la soigner.  Plusieurs d’entre eux ont dû ou devront cependant s’en départir à contrecœur.  

Savoir-être, Savoir-faire, Savoir-agir : l’Équilibre

Notre devoir de mémoire, c’est avant tout une question de respect humain.  Faire table rase et construire l’avenir sur des ruines? Non!  S’adapter et regarder vers l’avenir? Oui.  À n’importe lequel prix? Non.  Le Savoir-être, le Savoir-faire, le Savoir-agir, l’Équilibre : cela demande une réelle volonté et de réels efforts qui dépassent les « apparences ».

Ces maisons disparues à jamais ont été construites avec patience et détermination, petit à petit, des mains de nos ancêtres.  Eux aussi ont vécu de nombreuses angoisses et inquiétudes.  Ils ont choisi de persévérer afin (entre autres) de conserver le lien générationnel, transmettre leurs savoirs et ainsi donner aux suivants : à leurs descendants, nous.  Ils nous ont permis de vivre, d’habiter dans notre présent ces maisons, qui maintenant n’existent plus (ou n’existeront plus).  Loin de moi l’idée de nier l’angoisse réelle de gens d’aujourd’hui vraiment préoccupés par le sort réservé à leur maison.  Dans un passé récent, à Beauceville, Collège Sacré-Cœur (1977), Hôtel de Ville (1984), le Manoir Seigneurial de Léry (1985), Couvent Jésus-Marie (2001), (entre autres) ont été sacrifiés, sans égards à notre patrimoine bâti.

Aujourd’hui, suite aux inondations de 2019, plusieurs maisons ancestrales, potables, rénovables sont ou seront détruites.   Plus de 600 maisons en Beauce.  Ces maisons sont des richesses inestimables : elles sont irremplaçables.  Demain? La Maison d’Élyse, bijou d’architecture et fier témoin de l’effervescence de notre municipalité, d’un passé signifiant?  Et quoi encore?  On ne veut pas créer de précédents.  Pourquoi un précédent a-t-il une connotation négative? Au contraire, un précédent peut être la première pierre, l’amorce de solutions créatives plus équitables dans une perspective d’équilibre.  Investir pour protéger notre patrimoine est une reconnaissance de nos ancêtres, de nos racines, de notre histoire.  

C’est plus « facile » de faire du mur à mur, sans aucune distinction.  « Cette absence de sensibilité culturelle est doublée d’un gaspillage éhonté de matériaux récupérables » de dire M. Gaston Cadrin, vice-président du GIRAM (Groupe d’initiatives et de recherches appliquées au milieu).  Aurait-on pu utiliser certains matériaux et leur donner une seconde vie, un nouveau souffle? Oui!  On a répondu « Non… Impossible ».  On a préféré, sauf exception, tout faire disparaître, tout détruire.  C’est la réalité, c’est un choix honteux.

Nous sommes en 2020.  N’y avait-il pas d’autres solutions adéquates, acceptables, possibles pour préserver notre identité? Oui! On aurait pu agir autrement.  On en n’a simplement pas la volonté.  Certains se sont adaptés par leurs propres moyens et c’est tout à leur honneur : cependant, ce n’est pas à la portée de tous. 

L’eau, notre principale ressource, notre alliée n’aurait pas dû contribuer à la destruction de nos racines, de notre patrimoine.  Ce massacre, d’une autre partie de notre histoire collective, n’aurait même pas dû être envisagé.  Où est l’harmonisation entre le passé et le présent ? Qu’advient-il de notre devoir de mémoire, de notre devise « Je me souviens »?  Que restera-t-il à préserver? Évolution?  Il ne restera que les rubans à couper et les photos à prendre… 

Si on est là aujourd’hui, c’est qu’il y en a eu d’autre avant.  On nait dans un monde qui nous précède et qui nous survivra.  Selon Marguerite Yourcenar, « Quand on aime la vie, on aime le passé, parce que c’est le présent tel qu’il a survécu » 

Le patrimoine n’est pas renouvelable. 

Pierre Cloutier, Beauceville.

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