Un apiculteur beauceron répond aux producteurs de grains sur les pesticides
Par Stéphane Quintin, Journaliste
Dans une lettre ouverte publiée le samedi 23 décembre, un apiculteur beauceron, Yves Castera, a voulu répondre au président des producteurs de grains du Québec, Christian Overbeek, sur la question des pesticides.
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« Nous ne sommes plus à l'époque de tolérance envers les pesticides. Les preuves sont établies. Les pesticides systémiques neurotoxiques (néonics) sont utiles dans moins de 4% des cas. Par contre, ils sont amplement dommageables pour tout l'écosystème qui s'en trouve fragilisé et gravement atteint. Tous les insectes, les oiseaux et les abeilles sont heurtés... La pollution des rivières démontre l'incapacité de contenir la contamination aux champs traités. L'humain est à la suite sur la chaîne alimentaire.
L'ignorance d'autres méthodes et la pression de l'industrie des pesticides auprès des gouvernements maintiennent l'agriculture dans une voie unique de dégradation de la vie des sols et ultimement des consommateurs. Les budgets "maladie" provinciaux croissent au rythme de l'usage des pesticides. Nous sommes réduits à de bêtes générateurs de profits pour les compagnies d'intrants agricoles et de médicamentations. La peur et le manque de formation créés par la méconnaissance d'autres manières de gestions agronomiques entretiennent la dépendance aux poisons comme seul système fonctionnel. Nous revenons tranquillement à une espèce de système seigneurial, où le maître dicte le système agricole et prélève ses redevances à la source de production, comme pour l'accaparement en douce des terres. Nous ne commençons que maintenant à comprendre que l'éradication autochtone a impliqué la perte de la biodiversité et de l'abondance de l'écosystème, au bénéfice de la vision européenne d'exploitation.
Les voies d'affranchissement de ce cercle vicieux entraînent une "réorientation agricole" vers des techniques sur sols vivants. L'usage des mycorhizes, le dépistage de parasites et maladies, l'alliance avec les insectes prédateurs de nuisibles, la permaculture, les engrais verts, les cultures intercalaires, le compostage, la bio méthanisation, la lutte intégrée et la prévention par rotations des cultures en sont quelques méthodes. La véritable agronomie tiendra compte beaucoup plus de la saine vie du sol que de ses composantes chimiques.
Comme l'agriculture est déviée par des conseillers biaisés, à la base de leur formation, vers la chimie agricole, il revient à la population d'exiger des gouvernements l'interdiction de pesticides systémiques en premier temps, conjointement à l'accroissement des recherches pour supporter l'agriculture biologique, l'apiculture, la transition à la conversion bio et à la formation de conseillers indépendants de l'industrie des engrais et pesticides. L'agriculteur conventionnel est démuni face au choix unique proposé par les fournisseurs de semences, engrais et pesticides.
La liberté des uns est limitée par la liberté des autres. Le choix démocratique d'apparence unanime des délégués au congrès annuel de l'UPA (pour le maintien d'enrobage de semences aux pesticides néonics) est en réalité minoritaire. La majorité de la population est portée par l'éveil social pour un environnement qui permet la santé des sols, de l'eau, de la biodiversité et humaine. Tout et tous sont affectés par les tendances agronomiques. Ici, le soutien collectif par l'état est devenu nécessaire pour partager l'ampleur des responsabilités agricoles.
Nous ne sommes pas si dénués d'imagination, de créativité et de ressources que nous devons nous empoisonner pour se nourrir. Il devient donc impérieux de mobiliser la population à la nécessité de pression publique auprès des gouvernements.
L'orientation sociale à potentiel de croissance et de développement est désormais "écologique". La simple croissance des chiffres aux bilans est suicidaire, sur une planète où les terres propices à l'agriculture sont limitées et le cul de sac environnemental atteint. L'économie sera entraînée par l'énorme dynamisme engendré par des aménagements favorisant la santé de tout l'écosystème, comme prévention pour la santé humaine qui en découle.
À suivre prochainement, le lancement d'une pétition. »
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Sylvie B