Pier Dutil
La campagne électorale qui n'a pas eu lieu

Par Pier Dutil
En lisant le titre de cette chronique, certains vont se dire : «Ou bien Dutil est devenu inconscient ou bien il en a fumé du bon.» Je vous rassure, ni l’une ni l’autre de ces options n’est à retenir.
Balayage conservateur en Beauce
Avant même que l’élection soit déclenchée le 23 mars dernier, en Beauce, l’agrégateur de sondages Canada 338 prédisait une forte victoire du parti conservateur.
Même si le député conservateur Richard Lehoux avait annoncé son retrait à peine trois jours avant l’élection, même si le nom de Jason Groleau est apparu comme s’il sortait d’une boîte à surprises, même si Maxime Bernier avait décidé d’être à nouveau candidat, même si les Libéraux, incapables de trouver une candidature de valeur ont opté pour une candidate de l’extérieur, même si le Bloc a choisi un néophyte en politique et même si le NPD a présenté un poteau, 37 jours plus tard, le balayage conservateur annoncé s’est réalisé.
Avec 37 604 votes (59,7 %), Jason Groleau en a obtenu plus que tous ses adversaires réunis. Il a remporté la majorité dans presque tous les 620 bureaux de scrutin. Les Libéraux ont amélioré leur score par rapport à 2021, récoltant 12 057 votes VS 7 018 en 2021, le Bloc s’est maintenu et le NPD a recueilli des miettes.
Quant à Maxime Bernier, avec seulement 3 626 votes, soit 5,8 %, il a connu le pire résultat de ses sept élections en Beauce, échouant une troisième fois sous la bannière du Parti populaire du Canada (PPC).
Au niveau national, le PPC a subi toute une rebuffade, ne récoltant que 0,7 % des votes et ne parvenant toujours pas à faire élire un seul député. Au lendemain des élections, Maxime Bernier déclarait qu’il continuait à mener la lutte, qu’il prévoyait être toujours là lors du prochain scrutin.
En février dernier, je consacrais une chronique à Maxime Bernier dont le titre était : «Amnésique ou Masochiste?» Sincèrement, je crois que la question est toujours de mise et, comme moi, vous êtes toutes et tous en mesure de fournir la réponse. Je ne sais pas ce dont il aura besoin pour comprendre qu’il n’a plus sa place en politique, que son parti est voué à disparaître avec lui, cela tant en Beauce qu’au Canada.
Remontée majeure des Libéraux au Canada
En début d’année 2025, les Conservateurs de Pierre Poilievre trônaient au sommet des sondages avec une avance de quelque 25 % sur les Libéraux. À peine deux mois plus tard, les Libéraux prenaient l’avance et devaient la maintenir jusqu’à l’élection du 28 avril. Que s’est-il passé entretemps?
Le 6 janvier, Justin Trudeau a remis sa démission comme chef du parti libéral. Le 20 janvier, Donald Trump a été intronisé comme Président des États-Unis et a proféré de nombreuses menaces contre le Canada dans les jours qui ont suivi. Le 9 mars Mark Carney a été élu chef du PLC et devenait en même temps Premier Ministre. Le 23 mars, Carney déclenchait une élection générale appelant aux urnes les électrices et les électeurs canadiens.
Les Libéraux ont connu une remontée majeure dans les sondages, grugeant des appuis auprès du NPD et du Bloc québécois (BQ) pour s’installer en tête. Les jeux étaient faits.
Après à peine une semaine, la victoire des Libéraux semblait assurée et les intentions de vote des électeurs étaient figées. Peu importe ce qui se passait durant le déroulement de la campagne, peut importe certaines gaffes de Mark Carney, rien ne changeait.
Un seul sujet dominait la campagne : qui sera le meilleur pour négocier avec Donald Trump et les Canadiens avaient fait leur choix : Mark Carney.
À partir de là, la campagne n’avait plus d’importance. 25 % des électeurs ont voté par anticipation, avant même le déroulement des débats des chefs. Au total 68,7 % des électeurs se sont prévalus de leur droit de vote, alors que seulement 62,6 % avaient fait de même en 2021.
Résultats
Avec 169 députés, le PLC se retrouve à la tête d’un troisième Gouvernement minoritaire d’affilée. Il fallait obtenir 172 députés pour diriger un Gouvernement majoritaire. Les Conservateurs ont fait élire 143 députés, le BQ 23, le NPD seulement 7 et les Verts un seul.
Avec 43,7 % des votes pour le PLC et 41,3 % pour le PCC pour un total de 85 %, il s’agit de la première fois depuis 1958 que les deux principaux partis accaparent plus de 80 % des votes.
Malgré le statut de Gouvernement minoritaire, je suis convaincu que le Gouvernement libéral de Mark Carney n’est pas menacé d’être renversé à court, voire même à moyen terme.
Avec seulement 7 députés et sans chef, Jagmeet Singh ayant démissionné suite à sa défaite dans son comté, le NPD se retrouve dans une position financière précaire. Ce parti était parvenu à rembourser sa dette de l’élection de 2021 à peine un an avant l’élection d’avril dernier. Pour financer la récente élection, le parti a sans doute été obligé de contracter des prêts qui seront plus difficiles à rembourser alors que le parti n’aura pas droit au statut de parti officiel parce qu’il n’est pas parvenu à faire élire au moins 12 députés.
Du côté conservateur, la défaite de Pierre Poilievre dans son comté l’obligera à se faire élire lors d’une élection partielle. Au moment d’écrire ces lignes, tout indique que c’est en Alberta, dans un comté sûr, qu’il retrouvera un siège. Est-ce que le caucus conservateur continuera de faire confiance à son chef? Il importe de rappeler que lors des élections de 2019 et de 2021, les Conservateurs ont montré la porte à leurs chefs perdants : Andrew Scheer et Erin O’Toole.
Les défis de Carney
Au cours des prochaines semaines, Mark Carney fera face à de nombreux défis Quel sera son comportement à titre de politicien, de Premier Ministre? Nous devrions bientôt le savoir.
Il aura droit à une première rencontre avec l’imprévisible Donald Trump demain, il devra former son Cabinet, rédiger un discours du Trône qui sera lu par le Roi Charles III le 27 mai prochain, préparer un nouveau budget et négocier avec les partis d’opposition pour le faire adopter.
Quand j’observe les tâches qui attendent Mark Carney, je dois vous avouer que je préfère être dans mes souliers que dans les siens.
Courage
Il ne reste que 1 365 jours au mandat de Donald Trump.
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à Mark Carney :
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