Au cours de sa longue carrière d'entrepreneur forestier, Édouard Lacroix eut à accomplir des exploits incroyables pour réussir respecter les énormes contrats d'approvisionnement de bois qu'il signait auprès de grosses compagnies. Il n'hésita jamais à s'équiper des machineries les plus modernes de son époque.
Il se procura entre autres une impressionnante flotte de camions Reo (modèle vers 1925), marque fabriquée aux USA. Sur la 1re photo, nous voyons une douzaine de ces camions robustes qu'il utilisa sur ses plus gros chantiers, ceux dans le Maine et ceux en Gaspésie. Ceux-ci sont alignés devant l'«office» du lac Clayton qui fut construit par Olivier Morissette. Il utilisa ces camions notamment pour réaliser la tâche colossale de construire une route de 44 miles dans les forêts de la région du lac Clayton (entre la tête de ligne du Lac-Frontière jusqu'au lac Churchill) en 1925.
Plus tard, en 1928, suite à l'achat de 232 milles carrés de forêt vierge en Gaspésie, il lui faut construire une route de 30 milles en terrain boisé pour pouvoir exploiter son chantier. Il a fallu d'abord transporter tout le matériel requis et la main-d'oeuvre nécessaire pour l'accomplissement de ce travail. On loua un train spécialement affecté à cette fin, nécessitant dix wagons pour les hommes, douze wagons pour les chevaux, deux wagons pour les pelles à vapeur, les haches, les scies et les charrues. Huit wagons pour le foin et l'avoine. Et enfin, neuf wagons pour la nourriture et les marchandises diverses.
Au printemps, tout Causapscal assiste à l'arrivée d'un long convoi de chemin de fer composé de 41 wagons remplis de matériel impressionnant et une filée de 21 camions Reo arrivant sur place pour commencer les opérations le plus vite possible.(photo 2). Les historiens ont écrit: «Jamais on avait vu de si grosses machines». Puis vint la tâche du débarquement de tout le matériel, son entreposage et l'hébergement temporaire, dans des tentes, de 500 hommes et de leur alimentation. La construction de la route a commencé immédiatement. Au bout de 54 jours, le chemin, d'une longueur de 30 milles, était terminé. Tout était prêt pour l'étape ultime: la coupe de bois. Pendant l'hiver 1929-1930, on y a récolté 70 millions de pieds de bois de construction et cent milles cordes de bois à pulpe.
Émilien Larivière (1914-2008), qui a fourni la première photo, était mon ami. C'était un passionné d'histoire, avec lequel j'ai souvent eu l'occasion de m'entretenir. Il était originaire de Saint-Prosper, sa famille avait sa résidence aux 4-chemins. Il se souvenait avoir vu passer, dans son enfance, un énorme défilé de camions et véhicules de toutes sortes (incluant de nombreux chevaux) et les fameux camions Réo, c'était toute l'organisation d'Édouard Lacroix qui se déplaçait vers la région du Lac-Frontière pour se rendre dans le secteur au Maine pour y installer l'un de ses imposants chantiers.
Tout un phénomène ce M. Lacroix.
Photo 1 du fonds Émilien Larivière. Photo 2 courtoisie de Gervais Marquis. Texte et recherches de Pierre Morin.
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