Pier Dutil
Sommes-nous vraiment plus riches?
Par Pier Dutil
Diverses études à saveur économique réalisées au Canada et au Québec laissent entendre que les Québécoises et les Québécois se sont enrichis au cours des dernières années.
Une telle nouvelle devrait nous réjouir, mais il semble que l’enrichissement ne soit pas également partagé. Je me permets donc de vérifier avec vous si nous sommes vraiment plus riches.
Hausses salariales
Selon une étude de l’Institut du Québec (IDQ), au cours de la dernière année, les salaires au Québec ont augmenté en moyenne de 4,3 %, alors que le taux d’inflation a connu une hausse de 3,5 %, ce qui permet de conclure que notre pouvoir d’achat s’est accru.
Si l’on réfère à une autre étude réalisée sur une plus longue période, soit de 2018 à 2024, la hausse du revenu disponible par habitant québécois (les revenus moins les impôts et les taxes) a été de 10,3 %. Pendant ce temps, la hausse a été de 4,3 % dans le reste du Canada et de 2,8 % en Ontario.
Ces données s’expliquent en partie par divers facteurs typiques au Québec. Au cours des années en question, les Québécois ont bénéficié d’une baisse des impôts, d’une importante diminution de la taxe scolaire et du rattrapage salarial accordé aux employés.es des secteurs de l’éducation et de la santé.
La pénurie de main-d’œuvre a fait en sorte que les employeurs ont été forcés d’améliorer les conditions salariales de leurs employés pour les retenir et pour en recruter de nouveaux.
Tous ces facteurs ont fait en sorte que, de 2018 à 2024, les salaires ont augmenté de 29,7 % au Québec VS 24,9 % dans le reste du Canada et 26,6 % en Ontario. Cette augmentation supérieure au Québec doit cependant prendre en compte que l’on partait de plus loin au Québec où les salaires ont été longtemps beaucoup moins élevés qu’ailleurs au Canada.
Il y a lieu de se réjouir de ces bonnes nouvelles, mais, car il y a toujours un mais, tout cela doit être mis en perspectives.
Hausses des dépenses
Je ne voudrais pas jouer le rôle de rabat-joie face aux bonnes nouvelles concernant les revenus, mais je me dois d’observer également le niveau de hausse des dépenses.
Oui, les salaires ont connu une hausse plus importante que le taux d’inflation, mais, dans la vie de tous les jours, les consommateurs que nous sommes ont été forcés de vivre avec d’importantes hausses notamment aux niveaux du logement et de l’épicerie, pour ne mentionner que ces deux items.
Du côté du logement, le coût des matériaux a subi une hausse si importante que cela a entraîné une forte augmentation du coût des constructions nouvelles. Il en coûte aujourd’hui beaucoup plus pour acheter une maison. Cela complique même la vie des jeunes couples qui rêvent d’acheter une première maison.
Quant aux locataires, le coût des loyers est lui aussi en forte hausse. À Saint-Georges, un logement neuf de 4 ½ pièces coûte généralement plus de 1 000 $ par mois. Dans les grands centres urbains comme Montréal et Québec, la hausse est si importante que plusieurs locataires se retrouvent tout simplement à la rue.
À l’épicerie, vous et moi sommes en mesure de mesurer à quel point le coût des denrées alimentaires a augmenté depuis la pandémie.
En octobre, les aliments à l’épicerie coûtaient 3,4 % de plus qu’un an plus tôt, alors que le taux d’inflation était de 2,2 %. Parmi les denrées ayant connues les plus fortes augmentations, mentionnons le bœuf et les fruits à 20 % et le café à 26 %.
L’insécurité alimentaire touche 25 % des Canadiens qui disent devoir piger dans leurs économies pour se nourrir. Les banques alimentaires partout au Canada voient leur clientèle augmenter au point que, dans certains cas, on craint de manquer de vivres.
Des données publiées récemment laissaient entendre que près de 60 % des prêts hypothécaires étaient en souffrance au Canada, ce qui n’augure rien de bon pour l’économie. De plus, 2 505 Canadiens sondés à savoir combien ils prévoyaient dépenser à l’occasion de Noël déclaraient dépenser 20 % de moins que l’année dernière, soit 620 $ au lieu de 771 $.
La réalité
Loin de moi l’idée de contester les données indiquant que, dans l’ensemble, les Canadiens se sont enrichis au cours des dernières années. Mais ces données représentent une moyenne, ce qui signifie que cet enrichissement ne touche pas nécessairement tout le monde à part égale.
Le problème se situe avant tout au niveau de la répartition de la richesse. L’individu qui gagne annuellement 100 000 $ et qui reçoit une augmentation de 5 % se retrouvera avec 5 000 $ de plus dans ses poches. Pendant cette même période, le travailleur qui gagne 50 000 $ et qui obtient la même augmentation de 5 % se retrouvera avec 2 500 $ de plus dans son portefeuille.
Pour répondre à la question en titre de cette chronique, oui, certains ont profité et continuent de profiter d’une hausse de leurs revenus, mais, pendant ce temps, d’autres ne jouissent pas des mêmes avantages et doivent piger dans le fond de leurs tiroirs pour absorber les nombreuses hausses de produits de base.
Tant et aussi longtemps que notre société continuera sur la voie actuelle, l’écart entre riches et pauvres continuera de s’élargir.
Et pendant ce temps, on peut toujours se réjouir ou se consoler en regardant les publicités de la Banque Scotia qui dit : «Vous êtes plus riches que vous ne le pensez.» ou celle de l’Autorité des Marchés financiers (AMF) qui suggère : «Et si on donnait un peu d’amour à nos finances.»
Courage
Il ne reste que 1 155 jours au mandat de Donald Trump.
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