Pier Dutil
Des démissions fracassantes
Par Pier Dutil
Le 18 décembre 2025 fera désormais partie de l’histoire politique québécoise suite à deux démissions fracassantes à savoir, celle de Pablo Rodriguez comme chef du Parti Libéral du Québec (PLQ) et celle de Christian Dubé comme ministre de la Santé et député de la Coalition Avenir Québec (CAQ).
Deux démissions aussi importantes à survenir au cours d’une même journée au sein de deux partis politiques différents, à ma connaissance, c’est du jamais vu.
Il n’aura fait que passer
En 1993, Fernand Gignac chantait : «Je n’ai fait que passer.» Eh bien Pablo Rodriguez pourrait reprendre les paroles de cette chanson suite à sa démission come chef du PLQ la semaine dernière.
Couronné en juin dernier avec 52,3 % des votes des membres du PLQ, le règne de Pablo Rodriguez, si je peux me permettre d’utiliser le mot «règne», n’aura duré que 188 jours.
Dans cette saga, ce qui est déplorable, ce sont les circonstances dans lesquelles Pablo Rodriguez a été amené à démissionner. Le tout a commencé avec le congédiement de Geneviève Hinse, la chef de cabinet de l’aile parlementaire du PLQ à l’Assemblée nationale par Marwah Rizqy, cheffe parlementaire libérale dans des circonstances toujours nébuleuses à ce jour.
Puis, jour après jour, le Bureau d’enquête de Québecor, La Presse+ et Radio-Canada multipliaient les révélations au sujet de potentielles malversations qui seraient survenues dans l’équipe de Pablo Rodriguez au sujet du financement de sa campagne à la chefferie. Ça ressemblait au supplice de la goutte.
Des mots faisant image comme «brownies», «fling flang» «prête-noms» servaient à décrire certaines pratiques douteuses. Pablo Rodriguez ne fournissait plus à plaider son innocence, disant ne rien avoir à faire dans toutes ces affaires. Mais, en tant que chef, c’est vers lui que toutes les questions étaient dirigées. Et des questions, chaque jour en amenait son lot sans que le chef soit en mesure de clarifier la situation.
S’ensuivirent des enquêtes multiples dont une première demandée par Pablo Rodriguez lui-même. Et puis Élections Québec a décidé d’enquêter à son tour, puis la Commissaire à l’éthique et finalement, le coup de grâce a été asséné par l’UPAC qui décide d’ouvrir une enquête «criminelle». Le mot «criminelle» à lui seul vient donner une dimension énorme à toute ces affaires.
Délaissé par plusieurs membres du parti qui demandaient sa démission et des questionnements sérieux ressentis au sein du caucus libéral font en sorte que Pablo Rodriguez n’avait plus le choix et il a opté pour son retrait afin de ne pas nuire à son parti.
J’avoue ne pas être un grand fan de Pablo Rodriguez, mais, à mesure que je prenais connaissance de toutes les circonstances dans lesquelles ces affaires se sont déroulées, je suis tenté de croire que Pablo Rodriguez n’a pas été directement et/ou indirectement impliqué dans toutes ces magouilles.
Au PLQ, depuis des années, le financement a donné lieu à des malversations. On pourrait même se questionner à savoir si ces pratiques douteuses ne font pas partie de l’ADN de certains collecteurs de fonds libéraux.
Le PLQ devra donc se trouver un nouveau chef, cela à dix mois de la prochaine élection générale. Il ne faudrait pas se surprendre d’assister à un couronnement de Charles Milliard, celui qui avait terminé au deuxième rang lors de la dernière course à la chefferie. L’annonce du retrait de Karl Blackburn semble laisser la voie libre au candidat Milliard, même si celui-ci n’a pas encore officialisé sa candidature.
Accueilli comme un sauveur en juin dernier, voilà que 188 jours plus tard, Pablo Rodriguez est traité comme un paria par ces mêmes libéraux qui l’avaient élu à la direction de leur parti.
Ingrate la politique? Vous m’en direz tant.
Coup de massue à la CAQ
Alors que la démission de Pablo Rodriguez avait été anticipée, celle de Christian Dubé, ministre de la Santé et homme fort du Gouvernement Legault en a surpris plus d’un.
On le savait déçu d’avoir été tassé par son chef dans les négociations avec les fédérations des médecins omnipraticiens et spécialistes, mais pas au point de quitter à la fois le cabinet et le parti.
En choisissant de siéger comme indépendant pour terminer son mandat, Christian Dubé assène une gifle à François Legault, mais lui épargne la tenue d’une élection complémentaire.
On ne pourra jamais reprocher à Christian Dubé de s’être contenté d’être un ministre de la Santé de parure. Il avait la santé des Québécois à cœur. Son chef lui avait donné le mandat de changer les choses, de tenter de dompter ce mammouth qui, à lui seul, accapare près de la moitié du budget du Gouvernement québécois, sans que les services aux patients ne s’améliorent.
Dès le début des négociations avec les médecins concernant leur rémunération, c’est le premier ministre lui-même, François Legault, qui avait donné le ton en déclarant : «Ça va brasser.» Ce même François Legault a voté en faveur de l’adoption de la loi 2 lorsqu’elle a été présentée à l’Assemblée nationale. Je comprends mal qu’il s’en détache aujourd’hui.
Pourquoi, aujourd’hui, le premier ministre effectue un virage à 180 degrés et s’écrase devant les médecins omnipraticiens leur offrant même des augmentations salariales? Tout simplement par peur, comme ses prédécesseurs l’ont fait avant lui au sein des Gouvernements libéraux et péquistes.
D’accord, la loi 2 tapissait large et plusieurs amendements auraient sans doute été nécessaires pour améliorer son acceptation, mais pas de là à s’écraser face aux puissants lobbies des médecins omnipraticiens et spécialistes.
Le taux d’approbation de 97 % de l’entente par les médecins de famille indique hors de tout doute qu’ils ont obtenu tout ce qu’ils voulaient.
J’en viens à la conclusion que le système de santé québécois ne va pas s’améliorer de sitôt puisque, finalement, il est géré PAR et POUR les médecins.
En décidant de siéger comme indépendant, Christian Dubé devient le dixième député indépendant à l’Assemblée nationale : trois en provenance du PLQ, six de la CAQ et un de QS. À ce rythme, il ne faudrait pas se surprendre que les indépendants en viennent à former l’opposition officielle.
Courage
Il ne reste que 1 141 jours au mandat de Donald Trump.
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Pensée de la semaine
Je nous dédie, à toutes tous, la pensée de la semaine :
«La politique est l’ensemble des procédés par lesquels des hommes sans prévoyance mènent des hommes sans mémoire.»
Jean Mistler (1897-1988) écrivain et homme politique français.
