Fourrer le gouvernement
FOURRER LE GOUVERNEMENT
Si je vous demandais quel est le sport national préféré des Québécois, il y a fort à parier qu’une large majorité me répondrait : le hockey.
Eh bien non! Vous êtes dans l’erreur. Le sport national des Québécois c’est de fourrer le Gouvernement afin de ne pas payer ou de payer le moins possible de taxes et d’impôts.
Chez les particuliers
Si vous devez faire des travaux mineurs d’entretien ou de rénovation à la maison comme, par exemple, le simple fait de repeindre un appartement ou de réparer un bris quelconque et si, comme moi, vous n’avez aucuns talents pour le bricolage, vous devez faire appel à quelqu’un de l’extérieur.
Le premier problème que vous risquez de rencontrer, c’est d’abord de trouver quelqu’un qui acceptera de faire le travail. En deuxième lieu, si jamais quelqu’un accepte, lorsque vous lui demanderez combien ça risque de vous coûter, vous aurez droit à deux réponses : ce sera tant si tu paies «cash» ou le double si tu veux une facture ou si tu paies par chèque.
Je vous avoue bien candidement qu’il m’est arrivé comme bien d’autres, de répondre que je paierai «cash».
Mais, en choisissant cette option, j’ai été complice d’une fraude à l’égard du Gouvernement puisque le travailleur qui a effectué les travaux n’a certainement pas déclaré ce revenu à l’État lors de la préparation de son rapport d’impôt et ni lui, ni moi n’avons payé les taxes reliées à ces travaux.
On finit tous par se dire que ce n’est pas grave, que ce n’est pas un si petit montant qui va faire une différence dans les revenus de l’État.
Mais, là où ça devient important, c’est quand l’ensemble des citoyens réagit comme moi. Le facteur multiplicateur prend alors toute son importance et le petit montant que j’ai sauvé, multiplié par des milliers d’autres, finit par faire un manque de revenus important pour le Gouvernement.
Chez les entreprises
Les particuliers ne sont pas les seuls à pratiquer ce sport. De nombreuses entreprises sont également adeptes de cette pratique et, dans ces cas, on ne parle plus de sommes insignifiantes; on parle de milliards de dollars en évitement ou en évasion fiscal.
Au cours des dernières années, plusieurs enquêtes journalistiques ont révélé l’ampleur de ce mouvement et le laxisme du Gouvernement canadien.
Permettez-moi d’abord de préciser qu’il y a une différence entre l’évitement fiscal et l’évasion fiscal. Le premier est tout à fait légal, alors que la seconde est illégale.
L’évitement fiscal consiste à créer une filiale ou une division dans un pays où les impôts sont réduits au maximum, voire même inexistants. On y transfère alors d’importants revenus sur lesquels on ne paie presque rien et cela en toute légalité. À titre d’exemples, des pays européens comme Monaco et le Liechtenstein permettent cette pratique. Mais, je me dois d’ajouter que tout ce qui est légal n’est pas automatiquement légitime.
Pour sa part, l’évasion fiscale consiste tout simplement à cacher sciemment des revenus afin d’éviter de payer des impôts. Plusieurs pays à travers le monde se prêtent à ce jeu dont plusieurs petites îles comme les Bahamas et les îles Caïmans.
Ce dernier pays est un exemple typique d’un paradis fiscal. Il ne compte qu’à peine plus de 60 000 habitants, soit un peu moins de deux fois la population de Saint-Georges et pourtant, on y retrouve plusieurs milliers d’entreprises qui y sont enregistrées, sans pour autant y brasser des affaires.
Lors d’une visite touristique aux îles Caïmans, notre guide se faisait un plaisir de nous montrer un édifice moins gros que celui du Groupe Canam à Saint-Georges, édifice qui abritait plusieurs centaines d’entreprises dont la seule installation consistait en un casier postal. Cela était suffisant pour considérer avoir un pied-à-terre dans ce pays et ainsi éviter de payer des impôts.
Lors de cette même visite, j’avais été renversé de constater que la majorité des grandes institutions financières canadiennes étaient présentes sur cette île. Que voulez-vous, il faut bien suivre ses clients!
Le laxisme d’Ottawa
Alors que plusieurs révélations ont été faites au cours des dernières années, notamment lors de la publication des «Panama papers» qui ont permis de dévoiler les noms de milliers d’individus et d’entreprises qui se livraient illégalement à de l’évasion fiscale, le Canada n’a pas bougé, ou si peu.
Des montages financiers réalisés par d’importantes firmes comptables ont permis à leurs clients d’éviter de payer des impôts. En retour, le Gouvernement fédéral a offert l’amnistie à une vingtaine de multimillionnaires s’ils acceptaient de ramener leurs placements au pays, sans aucunes pénalités. Quant aux firmes comptables qui ont créé ces montages financiers, ils n’ont même pas eu droit à une tape sur les doigts.
Et pourtant…
Alors que les particuliers et les entreprises font tout ce qu’ils peuvent pour fourrer le Gouvernement, lorsque survient une crise comme celle que nous vivons présentement avec la COVID-19, tout ce beau monde se tourne vers ce même Gouvernement pour réclamer de l’aide.
Après avoir évité de payer son dû, voilà que l’on souhaite tous téter la mamelle gouvernementale.
Visionnez tous les textes d'opinion de Pier Dutil
PENSÉE DE LA SEMAINE
Je dédie la pensée de la semaine aux particuliers et aux entreprises qui s’adonnent à l’évitement ou à l’évasion fiscal :
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